Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#Désaffiliation #EHESS #Gallimard #Les Métamorphoses de la question sociale #Pierre Bourdieu #Raymond Aron #Robert Castel #Seuil #Surnuméraire #Vulnérabilité

Robert Castel s’est « désaffilié »

Publié le 13 mars 2013 par

Le sociologue des métamorphoses de la question sociale vient de disparaître

influenceurs_250.gif L’Ecole des Hautes-Etudes en Sciences Sociales (Ehess) l’a confirmé dans la matinée de mercredi : le sociologue Robert Castel qui fut directeur du Centre d’études des Mouvements sociaux (Ehess/Cnrs) est mort le 12 mars à Vincennes. Le 27 mars, il aurait eu 80 ans. Reste un important chantier théorique à ciel ouvert, celui de l’insécurité sociale à l’œuvre.
Après une agrégation de philosophie en 1959, ce « Breton farouchement laïc et vacciné contre l’esprit local  » devint maître-assistant à la Faculté des lettres de Lille. Remarqué en 1967 par Raymond Aron, il rejoignit la Sorbonne. Mais une rencontre décisive avec Pierre Bourdieu le fit passer des philosophes à la tribu des sociologues, quitte à perdre sa singularité. Il sera enseignant au département de sociologie de l’Université de Vincennes (future Paris 8).
Son premier ouvrage, publié chez Maspero, il y a 40 ans exactement, fut le prélude d’un long travail sur les influences sociales de la psychanalyse, avec une belle dent dure critique et un cousinage foucaldien : « Le Psychanalysme » précéda « L’Ordre psychiatrique » (Minuit, 1976) et « La Société psychanalytique avancée : le modèle américain » (Grasset, 1978), jusqu’au très percutant La gestion des risques (Minuit, 1981). Robert Castel fut d’entrée de jeu un casse-cou tranquille, évoluant avec flegme dans des champs rares mais des champs de mines tout de même ! Les sociologues de la décennie 70 préféraient se pencher sur l’éducation (Bourdieu), le travail, la famille ou la religion, mais beaucoup moins sur la vache sacrée des pratiques psychiatriques et psychanalytiques. « Je m’en suis occupé un certain nombre d’années, mais je ne souhaitais pas devenir un expert ou un professionnel de ces questions, nous expliquait-il, un brin flegmatique. Dans la mesure où j’ai de l’intérêt pour les choses qui ne sont pas complètement structurées, il me semblait que ce que l’on appelait le social était un objet intéressant à comprendre et à essayer de théoriser. »
Les années 1980, avec toute sa rigueur économique, la mondialisation libérale, le chômage structurel et la désindustrialisation française, lui offriront ce grain à moudre.

petit-castel.jpg

« Ce qui m’intéresse dans la nébuleuse du social, c’est le traitement de gens qui sont en position incertaine. C’est un problème contemporain très net : on assiste depuis une quinzaine d’années dans notre société à l’émergence de gens qui sont comme surnuméraires.. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas leur place inscrite dans le système social. »

Signe des temps : après sa thèse d’Etat, Robert Castel a pu constituer le Groupe d’analyse du social et de la sociabilité (GRASS). Il travaille le thème des métamorphoses de la question sociale, et influence les sciences sociales avec ses notions de « surnuméraires » et de « désaffiliation« .
« Ce qui m’intéresse dans la nébuleuse du social, c’est le traitement de gens qui sont en position incertaine. C’est un problème contemporain très net : on assiste depuis une quinzaine d’années dans notre société à l’émergence de gens qui sont comme surnuméraires. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas leur place inscrite dans le système social nous explicitait-il au début de la décennie 1990, alors devenu directeur d’études à l’Ehess. Se référant au modèle de Durkheim de « la solidarité organique » dans laquelle les individus forment un tout interdépendant, et où même les gens subordonnés avaient leur place dans le système, il en voyait désormais le point de bascule. Désormais, à côté des personnages permanents de l’histoire qui n’ont jamais pu entrer dans les circuits de la modernité (clochards, sans domicile-fixe, quart-monde), Castel a commencé à s’intéresser à ces gens qui étaient intégrés et qui ont été démis de leur travail, et d’autres qui auraient travaillé il y a vingt ans, mais qui ne parviennent pas à trouver un travail parce que l’employabilité est plus difficile d’accès qu’autrefois. « Tous ces gens peuplent maintenant une sorte d’instabilité, étant tombés en deça ou au delà de la pauvreté traditionnelle. Ce que j’appelle la désaffiliation. » Son livre magistral, et somme de ses études sur une société salariale au statut de plus en plus corrodé, est publié en 1995 : Les Métamorphoses de la question sociale (Fayard; Folio, 2000 ) décrit ainsi ces nouveaux processus de  » vulnérabilisation » au cœur même du monde du travail, après des décennies de structuration du salariat. Se déjouant des mythes majuscules de l’Entreprise, Productivité, Compétitivité, il démontre l’accroissement au contraire des effets de désaffiliation. L’entreprise fonctionne aussi comme une machine à exclure, puisqu’elle a de plus en plus besoin de gens qualifiés. Cet état de fait interroge en profondeur les politiques publiques d’insertion, et la politique.

Les années 2000 approfondissent ses théories, avec notamment trois essais publiés dans la collection La République des idées ou au Seuil, L’insécurité sociale : qu’est-ce qu’être protégé ? ( 2003), La discrimination négative (2007) et son dernier, La montée des incertitudes : Travail, protections, statut de l’individu (2009). A noter aussi, qu’il présenta la réédition du classique d’Erving Goffman, Asiles (Minuit,2007), magistrales études sur la condition sociale des malades mentaux. Un signe s’il en fallait un de sa filiation avec une sociologie qui voulait servir à quelque chose sur des thèmes ingrats, âpres, largement impensés et loin des théories chics. Discret parmi les mandarins, il n’en cultiva pas moins une position ferme sur son travail et sur l’usage de la critique par sa communauté scientifique, ainsi résumée par l’intéressé en 1991 : « Je crois qu’il faut se donner un petit peu de courage entre nous. Il y a toujours eu ceux pour qui les choses sont comme elles sont : il suffit qu’elles soient pour qu’elles soient justifiées d’être – et ceux pour qui elles pourraient être autrement. On pourrait inverser la question et la charge de la preuve : au nom de quoi se résigne-t-on, au lieu de critiquer et de vouloir changer ? On peut toujours choisir ses amis et trouver ses ennemis, et ainsi le monde n’est pas complètement désenchanté. »

Je m'abonne ! Partage Twitter Partage Facebook Imprimer

Laisser un commentaire

Ce site web utilise ses propres cookies et ceux de tiers pour son bon fonctionnement et à des fins d analyse. En cliquant sur le bouton Accepter, vous acceptez l utilisation de ces technologies et le traitement de vos données à ces fins. Vous pouvez consulter notre politique en matière de cookies.   
Privacidad