Goethe en Corée
Publié le 20 mai 2013 par Arnaud Vojinovic
Dans les années 60 alors que la Corée du Sud exsangue est à la recherche d’argent pour financer sa croissance, l’Allemagne de l’Ouest lui propose un deal : des millions de deutschmark contre de la main d’oeuvre. L’île de Namhae a fait construire tout un village allemand dédié à ces anciens travailleurs qui ont contribué à la relance du pays.
L’émotion est palpable parmi les spectateurs en ce début du mois de mai. Dans cette salle polyvalente à Essen dans la Rurh, mille personnes écoutent avec sérénité les officiels, le maire de la ville allemande à l’initiative de la rencontre puis l’ambassadeur de Corée du sud. Ils sont tous présents pour commémorer le montage financier le plus improbable de l’après guerre. En 1962, la Corée est un des pays les plus pauvres du monde. Le dictateur Park Chung-hee, père de l’actuelle présidente, à peine arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch, a un besoin urgent de liquidités pour financer le développement du pays. Kennedy vient de mettre un sérieux coup de frein à l’aide américaine. L’Allemagne de l’Ouest accepte de prêter au jeune dictateur 150 millions de Deutsch Marks contre de la main d’œuvre : des mineurs et des infirmières, leurs salaires servant de garantie financière en cas de non remboursement de la dette[[Mythe ou réalité de cette clause ? En tout cas c’est la version préférée des coréens.]].
A la fin de leur contrat, les mineurs n’ayant connu que les galeries sombres des mines, baragouinent à peine l’allemand retournent en masse en Corée du Sud. Ceux qui restent intègrent l’université, deviennent marins ou ouvrent un petit commerce. Des infirmières qui étaient au contact des malades, ont parfois lié des liens intimes avec des Allemands et sont restées, fondant un foyer.
Ces véritables oubliés de l’histoire, Kim Du-kwan (candidat malheureux à la présidentielle de 2012) a décidé de leur rendre hommage au début des années 2000 sur l’île de Namhae dont il est l’élu. Une idée un peu folle dans ce territoire si loin des énormes mégalopoles que sont Séoul ou Busan a germé dans son esprit : la création d’un village allemand. Namhae viabilise ainsi un terrain en montagne qui fait face à la mer pouvant accueillir 75 pavillons. Les parcelles sont cédées au cinquième de leur valeur aux acquéreurs. Pour en devenir propriétaire il faut avoir été mineur ou infirmière et avoir résidé au moins 20 ans en Allemagne. Le style des pavillons que l’on peut construire est imposé par un cahier des charges et doit correspondre à l’un des cinq modèles de « maison allemande » proposés. L’idée un peu folle a fini par séduire et attirer de nombreux couples, mixtes pour certains qui y envisagent leur dernière retraite ou une résidence secondaire, voire des chambres d’hôtes. Détail amusant : les matériaux de construction sont souvent importés d’Allemagne.