Des médias encore à la botte du pouvoir
Publié le 30 août 2013 par Arnaud Vojinovic
La Corée du Sud s’enfonce de jour en jour dans une crise parlementaire qui laisse présager une reprise tendue de la session début septembre. Si les médias se font longuement l’écho de cette crise, c’est le blackout sur les mouvements de rue qui agitent les environs de la mairie de Séoul et les villes de province chaque samedi depuis maintenant deux mois.
Chaque Lundi matin, il n’est pas nécessaire de zapper frénétiquement pour faire défiler la centaine de chaînes du câble dont deux d’infos en continu et pas moins d’une dizaine de journaux d’informations, aucun sujet d’actualité ne traite des manifestations du week-end. C’est un véritable blackout médiatique. Il en est de même du côté de la presse papier (à l’exception de The Hankyoreh, journal d’opposition et de The Korea Times en langue anglaise), aucun article ne traite des veillées aux chandelles qui se sont tenues à travers le pays durant le week-end. Pourtant cela fait deux mois que le pays s’enfonce dans une crise politique et que les Coréens descendent dans la rue pour demander au gouvernement d’assumer les agissement du NIS.
En effet mi-juin la justice en inculpant l’ancien directeur des services secrets coréens (le NSI), Won Sei-hoon, a confirmé les soupçons d’implication des services secrets dans l’élection présidentielle de décembre 2012 qui a vu l’arrivée au pouvoir de la fille de l’ancien dictateur, Park Geun-hye. Durant l’été, chaque jour réserve son lot de révélations sur l’affaire : l’implication de 60 agents du NSI postant sur Internet des messages défavorables au candidat de l’opposition[[Un pseudo d’un bloggeur du NIS a été identifié : « Décapitation de gauchiste ». Le pseudo résume à lui seul la nature des interventions.]], le faisant passer pour un pro nord-coréen, l’implication d’un tiers qui aurait reçu 80 000 $ pour poster aussi des messages sur les forums, la tentative de la police d’étouffer l’affaire quand celle-ci a commencé à se faire jour etc.
Si les médias se font largement l’écho des échanges vifs entre les deux partis politiques, verni démocratique oblige, l’autocensure est générale en ce qui concerne les manifestations de rue et les veillées. Pourtant Séoul n’est pas la seule ville concernée. Busan (deuxième ville du pays), Daegu (le berceau du dictateur Park), Ulsan (la ville la plus riche du pays) et bien d’autres encore accueillent aussi des veillées aux chandelles. 100 000 manifestants seraient descendus dans la rue le week-end dernier dont 30 000 à Séoul. Des initiatives personnelles viennent se rajouter à ces veillées comme la grève de la faim d’un député à l’entrée du siège du NIS. Devant le refus du pouvoir de traiter sérieusement cette affaire, les associations religieuses se font de plus en plus pressantes. Là encore les initiatives sont nombreuses à travers tout le pays avec comme point d’orgue la signature par plus d’un tiers des religieux catholiques (4 502 signataires sur les 11 736 religieux que compte le pays) d’un manifeste pour demander à la présidente Park de s’excuser de l’action du NIS lors des élections et d’aider à ce que justice soit faite. « Il est extrêmement troublant que les (principaux) média soient muselés par l’argent et que le gouvernement fausse les situations importantes et urgentes auxquelles doit faire face notre société ».
Les blogs sont là encore les seuls témoins de cette revendication populaire légitime pour la non interférence des services secrets dans la vie politique du pays.