Comment une société développée n’est pas forcément en bonne forme
Publié le 4 août 2016 par Les Influences
Dans La Grande Évasion (Puf), Angus Deaton, Nobel d’économie 2015, démontre comment la causalité entre progrès et réduction des inégalités ne va pas de soi. Bien au contraire.
Société. Principe de base : le monde est meilleur qu’il ne l’était autrefois. Les hommes sont en bien meilleure santé, ils sont également plus riches et vivent plus longtemps. Mais selon Angus Deaton (né en 1946), économiste britannico-américain, spécialiste en économie du développement et Nobel d’économie 2015, connu pour sa théorie sur « le seuil de pauvreté », cette évolution mérite d’être examinée sur une plus longue période. Ce qu’il fait dans un livre à paraître en version française aux Puf de son grand oeuvre datant de 2013, que l’on compare volontiers à la puissance d’influence du Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty : The Great Escape – Health, Wealth, and the Origins of Inequality, soit La Grande Évasion (400 p., 25 E.). Ce livre est suffisamment important pour que l’auteur vienne en faire sa promo début septembre à Paris. Dans cet essai magistral, il montre ainsi comment sur une période de 250 années, certaines régions connaissant elles des périodes de progrès continu ont finalement préparé le terrain d’un monde devenu profondément inégalitaire.
The Great Escape est volontiers comparé à la puissance d’influence du Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty
Certes les progrès entrepris en matière de santé publique et d’éducation massive sont devenus des standards d’une vie meilleure : les grandes innovations technologiques, le succès des antibiotiques, le contrôle de la peste, l’accès aux vaccins et à l’eau potable sont d’incontestables réussites. Mais il y a aussi un livre noir, celui de nombreuses famines désastreuses à répétition ou l’impact d’épidémies mondiales assez mal maîtrisées, comme le sida et ce, malgré des aides internationales et humanitaires que Deaton juge truffées d’effets pervers, inefficaces voire nocifs. La grande évasion essaie de rompre avec cette idée d’une relation de cause à effet entre croissance du revenu et amélioration du vivre mieux.
Par le prisme de cette histoire humaine, Deaton analyse la succession de transitions technologiques améliorant sans cesse la productivité et la santé, libérant ainsi un nombre croissant d’êtres humains de la pauvreté et de la maladie, mais aussi la dissymétrie des évolutions à l’oeuvre dans le monde, et même les immenses failles d’inégalités qui se creusent régulièrement au sein de la même humanité.
Parmi les pistes de lutte contre les inégalités qu’il propose, Deaton défend notamment la levée des restrictions commerciales qui permettraient aux pays en voie de développement de s’extraire au plus vite de la grande pauvreté.