Bac+30 Guadeloupe
Publié le 1 mars 2017 par Les Influences
Caroline Bourgine, Les Guadeloupéens, Paris, Ateliers Henry Dougier.
Société. On déchire la carte postale et on plonge tout de suite dans le grand bain des « îles de Guadeloupe« . Les Guadeloupéens est un petit livre des sortilèges caraïbéens qui peuvent facilement vous monter à la tête. Caroline Bourgine en sait quelque chose, qui fut conquise dès le nez aux alizés en 1982. La journaliste en a conçu un « bac +30 Guadeloupe« .
C’est un fait : elle a son chic pour faire vibrer le gokwa d’une terre complexe, tramée de micro-sociétés amérindiennes, européennes, africaines, indiennes et de diasporas régionales. Sur cette terre dont les contours font songer à « une igname brisée« , l’auteure montre bien comment une identité née de ce volcan d’humanité se construit en arborescence de petits faits, gestes et mots. Le créole tient tête au français tout en se doucinant l’un l’autre, en s’affrontant avec loquans. De même que se construisent aussi des frontières et des limites intérieures.
On est transporté sans trop avoir envie de garder l’équilibre.
De Basse Terre à Pointe à Pitre, du haut des mornes, auprès d’un ti boucan, dans les jardins de fleurs d’allamanda, Caroline Bourgine rouvre en douceur les histoires secrètes, et parfois cruelles, celles issues de la traite, de l’esclavage, d’une colonie soutenue et d’une départementalisation lointaine. Elle a consigné les mots et les confidences parfois des Kongo, ces travailleurs « volontaires » du Congo et des Blancs Matignon (colons malchanceux, Blanc endogames et stigmatisés), des Indiens, d’un généalogiste extraordinaire, de vieilles familles « tropicalisées » et d’autres qui vivent encore dans l’ombre, de dynasties musiciennes pour veillée mortuaire, des fécondeurs de vanille et des fameuses et influentes femmes potomitan. Avec patience et bienveillance, et une certaine poésie, Caroline Bourgine fait palpiter un morceau de peau guadeloupéenne. On est transporté sans trop avoir envie de garder l’équilibre. On se trouve dans l’ailleurs et le multiple qui forment un dessein commun.
Publication : octobre 2016.
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