Redécouvrir le fascisme
Publié le 2 juin 2018 par Les Influences
L’idée : Le fascisme a toujours été sous-estimé contrairement au nazisme, or il fut un régime de terreur qui en inspira (et inspire) bien d’autres.
Marie-Anne Matard-Bonucci, Totalitarisme faciste, CNRS éditions, 320 p. 25 euros. Publié : mars 2018.
Politique. En 2003, un certain Silvio Berlusconi plaisanta en ces termes : « « Mussolini n’a jamais tué personne. Il envoyait les gens passer des vacances en relégation ». Dix années plus tard, l’ancien président du Conseil, le jour de la commémoration de la Shoah, estima qu’il était trop facile de juger après-guerre des actes du personnel politique de l’époque et de leur rôle dans les déportations. Au moment même où l’Italie se dote d’un gouvernement pareil à un petit labo de tous les populismes modernes, rappel utile de l’historienne Marie-Anne Matard-Bonucci ( à qui l’on doit aussi un très bon Atlas des mafias ) : « Le fascisme ne fut pas la variante ensoleillée du national-socialisme mais un régime d’oppression et de terreur, fondé sur la violence. Pendant plusieurs années, il représenta un modèle et une source d’inspiration pour Hitler et pour de nombreux idéologues appelés à jouer un rôle plus ou moins éminent dans l’Allemagne nazie. Carl Schmitt élabora une partie de ses théories politiques des années vingt avec les yeux tournés vers l’Italie fasciste et construisit sa théorie de « l’État total » par une transposition fidèle de la doctrine fasciste du Stato totalitario. »
L’historienne Marie-Anne Matard-Bonucci : « Le fascisme ne fut pas la variante ensoleillée du national-socialisme. »
Banalisée de nouveau, et même réhabilitée à partir des années 1990, l’idéologie fait depuis son chemin politique dans l’Europe 2.0 et inspire de nouveaux leaders. La chercheuse propose un excellent précis, avec une écriture de qualité, de ce que furent les violences du fascisme au pouvoir : idéologique, culturelle, coloniale. Elle s’attarde sur des traits caractéristiques et des pratiques idéologiques destinés à repenser totalement la société et refondre intégralement l’individu trop affaibli par la morale chrétienne. Le programme totalitaire voulait tout reconcevoir : le rire était banni (excellent chapitre) et l’antisémitisme spécifique, le parler fasciste tenta de « déjudaïser » la langue italienne.
Le fascisme a façonné l’Italie durant vingt années, mais a eu très tardivement l’appellation de « totalitarisme », bénéficiant d’une curieuse sous-estimation de ses capacités de terreur.
Ce livre fait partie de la sélection des 100 meilleurs essais du mois de notre revue IDÉES. Sortie en librairie le 8 juin ou disponible ici.