Influences (n. fem. pluriel)
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Les Influences

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Christophe Nick : « Les origines de la Ve République c’est Technique du coup d’État de Malaparte »

Publié le 4 octobre 2018 par

Journaliste et producteur, il a enquêté sur l’histoire secrète du retour de De Gaulle au pouvoir et produit un documentaire sur les 60 ans de la Ve République et de ceux qui l’ont faite.

Christophe Nick, journaliste d'enquêtes et producteur de documentaires.
Christophe Nick, journaliste d’enquêtes et producteur de documentaires.
Histoire politique. Mai 58 ? Un bel impensé français ! Un jeune historien californien, Grey Anderson, vient de publier en France son tout premier livre – avec l’aide de l’écrivain et éditeur Éric Hazan. Issu de sa thèse, son essai rappelle au public français qui l’ignore largement au 60e anniversaire de la constitution de la Ve République, quelles ont été ses origines exactes et les conditions qui l’ont faite. La Guerre civile en France, 1958-1962 (La Fabrique), titre tout en clin d’oeil marxiste, nous plonge dans les secrets déclassifiés et les manipulations expliquées d’une conquête de pouvoir. Il n’est pas le seul loin de là. La politologue Brigitte Gaïti fait depuis longtemps autorité. L’historien Benjamin Stora a finement étudié cette période agitée. En 1999, un journaliste d’enquête, Christophe Nick (né, smiley, en 1958), avait publié un document, Résurrection (Fayard). Résurrection était le nom de l’opération destinée à faire revenir De Gaulle au pouvoir en mai 1958, sans utiliser les élections ni faire basculer le pays dans un régime de dictature. Mode d’emploi :la famille politique avec plusieurs nuances dite des nationaux, gaullistes et extrême droite, cultivaient depuis de nombreuses années, le dessein de renverser la IVe République. Les diverses crises que sécrètent la Guerre d’Algérie, et qu’ils aggravent avec les techniques de la guerre psychologique très en vogue au 5e Bureau, permettent cette rupture spectaculaire. «  Les gaullistes poussent l’armée à basculer, ce qu’elle fera le 13 mai après que les activistes ont pris d’assaut le Gouvernement général d’Alger, explique l’enquêteur. En collaboration avec l’état-major gaulliste, les militaires organisent la sécession de la Corse, puis montent un projet de débarquement sur Paris. C’est l’opération Résurrection. Devant la menace de guerre civile, l’Assemblée nationale cède. Elle donne les pleins pouvoirs à de Gaulle, puis vote sa propre dissolution pour que s’élabore la constitution de la Ve République. » Ce scénario des coulisses pourtant connu, balisé, validé n’est que très peu étudié dans les lycées et universités français. Soixante ans plus tard, la constitution de 1958 est toujours en vigueur, et garde bon pied bon oeil malgré les rêves de Vie République, et les promesses de réforme constitutionnelle d’Emmanuel Macron.

En 1999, vous publiez votre document sous-titré « Naissance de la Ve République, un coup d’État démocratique ». Aviez-vous rencontré des difficultés et des silences particuliers lors de votre enquête ?

C.N : Ça dépend de qui on parle. J’ai sans doute interviewé les tout derniers acteurs de cette période. Massu, Aussarresses, Gigniac ou l’étonnant Paul Paillole… Ils étaient à la fin de leur vie, et se sont avérés très bavards avec moi. Ils m’ont ouvert leurs archives personnelles, et leurs derniers petits secrets, ils n’ont pas hésité à me relancer pour des précisions et me faire rencontrer d’autres témoins. Je parle de l’extrême droite, des rebelles putschistes de l’armée ou de quelques personnages hors-normes, pas des gaullistes impliqués dans la conquête de mai 58. Eux m’ont donné un peu plus de fil à retordre. Même avec des biscuits d’info donnés par Michel Poniatowski , à l’époque des faits dir-cab de Pierre Pfilmlin, dernier Président du Conseil avant De Gaulle, et qui était aux premières loges, je ne suis pas parvenu à arracher quoique ce soit à un témoin important comme Olivier Guichard par exemple.
J’ai eu le droit à quelques signes de leur part à la parution du livre. Ça me fait encore marrer, mais lorsque mon livre est sorti, un collaborateur parlementaire m’a invité à l’Assemblée nationale et m’a fait rencontrer « comme par hasard » Robert Pandraud dans un bureau. Le vieux briscard m’a dit dans un large sourire : « Vous avez fait un chef d’oeuvre« .

Dans un entretien aux Inrocks, l’historien Grey Anderson réfute votre expression de  » Coup d’État démocratique ».

C.N : Quand je dis « Coup d’État démocratique » c’est à la fois une ironie mais aussi une vérité technique et politique : De Gaulle n’était pas un putschiste fasciste. Dans les faits, les origines de la Ve République c’est La Technique du coup d’État de Curzio Malaparte (1931), ce texte m’a influencé durant mon enquête. Il existe toute une bibliographie impressionnante dans les librairies spécialisées d’extrême droite, des manuels pratiques, des bouquins froids et techniques pour prendre le pouvoir dans un État moderne. Je pense à Six coups d’État de D. J. Goodspeed (Arthaud, 1963) ou encore, Coup d’État mode d’emploi d’Edward T. Luttwak (Odile Jacob, 1968). La période des années 1950 à 1962 est totalement imbibée de textes et de théories sur la guerre subversive ou guerre psychologique, que les militaires puis l’OAS essaieront d’appliquer.

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En 2018, la vulgate sur la nécessité du retour au pouvoir de De Gaulle et la création de la Ve République est largement partagée en France.

Vous produisez un documentaire de Patrice Duhamel sur 60 ans de Ve République et ceux qui l’ont faite, qui sera diffusé l’année prochaine sur France 2. Les Présidents y évoquent-ils les origines de la Constitution ?

C.N :  » Les présidents successifs en parlent mais dans un grand flou artistique et de façon très elliptique. La vulgate sur la nécessité du retour du pouvoir de De Gaulle et la création de la Ve République est désormais partagée par quasiment tous les politiques. Ce qui m’a frappé et même sidéré, c’est le peu de critique, et même pas du tout, de la Constitution de 1958 par les gens de gauche désormais. Un président comme François Hollande n’en témoigne aucun trouble. On est bien loin du Coup d’État permanent (1964) d’un De Gaulle machiavélique que dénonçait l’opposant François Mitterrand. Lui même élu en mai 1981 avec ce système, s’est fait très bien et très vite à ce régime à la réputation autoritaire et anti-démocratique. En 1955, la gauche était majoritaire et une majorité de Français contre les aventures coloniales, on a eu Guy Mollet. Le système s’est trouvé complètement dépassé par la situation de la guerre d’Algérie. La question reste de savoir si De Gaulle avait une vision de longue date d’une nouvelle constitution, ou s’il était un pragmatique, mais l’Histoire a tranché.  »

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