Denis Robert : « Dans l’ère industrielle de la prédation financière »
Publié le 23 octobre 2018 par Les Influences
Avec « Les Prédateurs », Denis Robert et Catherine Le Gall dissèquent comment les milliardaires font les poches de nos finances publiques.
Pouvoirs. Un livre de Denis Robert n’est jamais une simple enquête, si fouillée soit-elle, et celle-ci n’y déroge pas, mais un récit véritable (comme le firent Truman Capote avec De sang froid ou Simenon et sa Recherche de l’homme nu ) qui nous offre sa vision de la société.Ce qui, cette fois, lui mit la puce à l’oreille est le fait que les deux seuls hommes d’affaires étrangers qui furent invités par Nicolas Sarkozy à la soirée du Fouquet’s le soir de son élection, étaient Albert Frère, milliardaire belge, et Paul Desmarais, milliardaire canadien. Les deux compères, propriétaires de Quick, la chaîne de hamburgers, cherchaient à s’en débarrasser. En 2004, ils tentèrent de la vendre pour 300 millions d’euros. En vain.
Quelle a été la réaction d’Albert Frère ?
Aucune jusque-là. Il aurait dit à des journalistes belges qu’il demanderait la saisie du livre. Rien à signaler pour l’instant. J’ai peu de craintes, nous avons été très scrupuleux dans la relation des faits. Mais, comme il peut être sujet à un coup de sang, comme Vincent Bolloré, tout est possible.
Et la Caisse des Dépôts et Consignations ?
Juste un communiqué lénifiant selon lequel ils vont étudier le livre avec attention.
Une société qui s’essouffle et qui s’appauvrit face à une industrialisation de la prédation financière. Il est loin le temps des pots de vin en liquide et des mallettes baladeuses, tout se fait à l’abri des écrans : ceux de la finance internationale et leurs cascades de sociétés-écran Au final, ce sont toujours les salariés et les contribuables qui paient l’addition.
Le danger c’est que, constatant la faiblesse des réactions des politiques en place quand on dévoile ce type de scandale, les électeurs se détournent d’eux et votent pour l’extrême droite. Dans le cas de la vente de GDF à Suez, on n’est pas dans l’illégal mais dans le parfaitement immoral. Et ce sont toujours les banques d’affaires qui sont à la manœuvre (Rothschild en premier lieu, Lazard ensuite). Leur but est de construire un Meccano financier qui permet de masquer le véritable acheteur (La Caisse des Dépôts pour Quick), de réduire la facture fiscale à la limite de la légalité et de laisser l’argent privé s’emparer à bas coût des entreprises d’Etat. Résultat, le prix du gaz pour les particuliers a doublé et a été indexé sur le prix du pétrole. La cession, aujourd’hui, d’ADP et de la Française des Jeux ressort de la même logique. Et la nomination par Emmanuel Macron à la tête de la Caisse des Dépôts d’Éric Lombard, un ancien banquier de Paribas, laisse tout à craindre.
Quelles questions restent en suspens ?
Une seule : pourquoi la France, un pays aussi riche, continue-t-elle de fabriquer autant de pauvreté ?
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Que lisez-vous en ce moment ?
« Je lis deux livres en même temps. Le premier est lié au documentaire que je suis en train de réaliser. Il s’agit du récit de Joby Warrick, Sous le drapeau noir , une enquête passionnante sur la naissance de Daesh (prix Pulitzer 2016). Le second est hilarant, Wilt 1 de Tom Sharpe. L’auteur raconte comment il est accusé d’avoir buté sa femme parce qu’il serait tombé en pamoison pour une poupée gonflable. Les deux se complètent bien… »