Le Passager clandestin embarque deux nouvelles passagères
Publié le 9 novembre 2018 par Les Influences
En janvier, après 12 ans d’activité, les fondateurs de la maison d’édition spécialisée dans l’écologie et la désobéissance civile, Frédérique Giacomoni et Dominique Bellec, passeront la main.
Édition. Le dernier ouvrage de la saison, et d’une époque, s’intitule Christophe Colomb et autres cannibales. Signé Jack D. Forbes et publié en 1979, il s’agit d’une pépite de l’écologie radicale autant qu’un classique américain de la contre-histoire. Envisagé d’un point de vue amérindien, il renverse les figures et fustige le wétiko ( une prédation égoïste jamais assouvie, faite de fureur et de violence, de rapports de force et de domination toujours plus ravageurs) de Christophe Colomb et des cannibales prédateurs de l’Occident. Tout le passager clandestin qui vient de publier l’adaptation française est dans ce livre : curiosité intellectuelle, militantisme, petit courant précieux et têtu dans l’océan des idées et des débats.
Le wétiko en tous les cas ne s’est pas vraiment emparé de ces éditeurs. Malgré ses difficultés financières plus sérieuses que d’habitude en 2015, ce n’est pas une petite maison d’édition qui va mettre la clé sous le paillasson mais qui transmet, les idées depuis toujours, les responsabilités éditoriales aujourd’hui. Après douze années d’activités et de gamberges éditoriales à la tête du Passager clandestin, Frédérique Giacomoni et Dominique Bellec vont passer la main en douceur. La maison de Neuve-en-Champagne sera reprise dès janvier 2019 par deux passagères, Pauline Fousse et Josépha Mariotti (gérante).
Au fil des ans, le passager clandestin a su créer une influence intellectuelle sur des thèmes comme l’écologie, la décroissance et surtout, la désobéissance
Écologie, justice sociale, désobéissance civile et contre-société… Un catalogue d’une douzaine de livres par an et aux prix les plus serrés possibles, beaucoup d’essais, des succès certains comme Ne sauvons pas le système qui nous broie ! Manifeste pour une désobéissance générale, ou encore la collection Désobéir, conduite par Xavier Renou, et dont les petits manuels pratiques on frayé avec les 50 000 exemplaires vendus, sans oublier la collection dirigée par l’économiste Serge Larouche, Les précurseurs de la décroissance. « Le choix de l’édition indépendante, dont on sait qu’elle doit constamment lutter pour survivre, constitue à lui seul une prise de position. Cette indépendance est à la fois une condition et l’un des buts de notre activité. Le sens de notre activité ne se limite pas à la production de livres, elle est aussi un forme particulière d’inscription sociale et un choix de vie », décrivent les fondateurs sur le site de la librairie amie Quilombo.
« Nous aspirons chacun à poursuivre l’aventure sous une autre forme, en allant défricher d’autres sentiers. Il était toutefois hautement souhaitable que Le passager clandestin se survive à lui-même, décrit Frédérique Giacomoni dans un communiqué amical, Aujourd’hui, nous avons toutes les raisons de nous réjouir. » On ignore quelle substance euphorisante a persuadé les deux nouvelles éditrices de poursuivre le chemin du passager clandestin, mais le pari sera ambitieux comme l’indique cette note d’intention sur le site de l’éditeur : « Tandis que le réel nous glisse entre les doigts, nous voulons arracher à l’histoire quelques fragments de vérité, interroger sans complaisance l’ordre présent des choses… et rappeler à toutes fins utiles que cet ordre-là ne s’impose pas à nous comme une évidence. »