Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Pierre-André Taguieff s’attaque au « business du postcolonial  »

Publié le 27 décembre 2019 par

L’idée : Dans son collimateur, l’historien-entrepreneur d’événements culturels Pascal Blanchard, mais aussi les faiblesses coupables du Président du CNRS, Antoine Petit.

vu_et_repere_120-4.jpg POLÉMIQUE Signé Pierre-André Taguieff. Le philosophe politique vient de produire dans L’Express, une tribune dense et spectaculaire sur les influences des postcolonial studies – ou études postcoloniales – dans l’université et la recherche françaises. Le texte a été contre-signé par Nathalie Heinich (CNRS), Dominique Schnapper (EHESS), Laurent Bouvet (université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), Isabelle de Mecquenem (université de Reims), et Véronique Taquin (professeur de khâgne).
Fond de l’idée: cette tribune redoute l’institutionnalisation des études postcoloniales, discipline scientifique à leur yeux très peu crédible, et même nocive.

Des Pères fondateurs du siècle dernier (Frantz Fanon, Aimé Césaire, Edward W. Said, puis Homi K. Bhabha et Gayatri Spivak), restent comme « objet principal de préoccupation, l’héritage du colonialisme » et « une posture hypercritique à l’égard de l’Occident, supposé intrinsèquement colonialiste, raciste et impérialiste ». Développée à partir de 1980, dans les universités américaines, les postcolonial studies se sont installées depuis quelques années en France, dans quelques niches universitaires, éditoriales et médiatiques.
Or prévient Taguieff, « le terme « postcolonialisme » est équivoque : il signifie à la fois « après » et « contre » le colonialisme. Il peut être mis à toutes les sauces et couvrir les marchandises les plus diverses. S’il est à la mode dans certains milieux intellectuels, c’est précisément en raison de son flou conceptuel et de son sens polémique. Comme d’autres mots plastiques, tel « populisme » ou « progressisme » », il fonctionne avant tout comme étiquette, attractive ou répulsive. L’indétermination sémantique du mot « postcolonial » – condition de son suremploi dans le langage politique des intellectuels – suscite des discussions interminables sur son « véritable » sens, à vrai dire insaisissable ».

Les études postcoloniales : un fourre-tout conceptuel, un business para-académique, et un nouveau mais authentique racisme

Selon les théoriciens du postcolonialisme, l’héritage du colonialisme est l’expression de la « domination blanche ». Cette idée clé, à ses origines d’orientation antiraciste, s’inverserait désormais en un racisme nouveau mais authentique. Ses défenseurs cultivent «  une propension à appréhender tous les problèmes sociaux et politiques en termes ethno-raciaux, notamment sur la base de la catégorisation binaire « Blancs-Noirs » ou « Blancs vs. les autres », et sur celle de l’opposition dominants/dominés ». Effet : les identités raciales sont placées au premier plan, marginalisant tous les autres aspects de la vie sociale et culturelle.

Le philosophe politique Pierre-André Taguieff estime les études postcoloniales bien peu scientifiques et nocives.
Le philosophe politique Pierre-André Taguieff estime les études postcoloniales bien peu scientifiques et nocives.

Le philosophe estime que « les études postcoloniales forment ainsi une nébuleuse plutôt qu’une école de pensée ou un champ de recherches défini par sa méthodologie, sa conceptualité spécifique et un corps d’hypothèses ».

«  La passion motrice de leurs théoriciens est le ressentiment des « dominés » contre l’Europe, qu’ils veulent « provincialiser » (Dipesh Chakrabarty), oubliant que les outils intellectuels de leur critique déconstructrice en proviennent (de Marx et Gramsci à Michel Foucault, Gilles Deleuze et Jacques Derrida , cingle Taguieff. Ce qu’on appelle « pensée postcoloniale » se réduit à une bouillie rhétorique faite d’emprunts à une poignée d’auteurs célèbres réunis sous le label trompeur de « French Theory ». » Résultat de cette dérive : « On en retient la thèse relativiste selon laquelle l’idée d’une rationalité universelle n’est qu’une imposture occidentale. »

La boîte de com’ postcoloniale et lucrative de l’historien Pascal Blanchard

Discutant le concept, Pierre-André Taguieff pousse surtout à la dispute contre les rentières et rentiers peu académiques de cette idéologie en plein boom.
Il rappelle la règle du jeu : « Soyons clairs. Il est possible d’étudier sans esbroufe, sans mythologie victimaire, sans volonté de vengeance ni ressentiment, les héritages polymorphes de l’esclavage et de la colonisation, il est même nécessaire de s’engager dans de tels travaux, en respectant les normes de la recherche scientifique. Mais c’est précisément ce que ne font pas les idéologues décoloniaux ou indigénistes et leurs cousins postcolonialistes, en dépit de leurs efforts pour acquérir une respectabilité académique ».
L’ex-situ excelle dans la polémique. Dans son hachoir à viande, passent la militante féministe décoloniale Françoise Vergès ou encore le politiste Olivier Le Cour Grandmaison.

Selon Pierre-André Taguieff, l'historien Pascal Blanchard mélange la production de savoirs peu scientifiques et de com' lucrative.(Photo Editions La Découverte).
Selon Pierre-André Taguieff, l’historien Pascal Blanchard mélange la production de savoirs peu scientifiques et de com’ lucrative.(Photo Editions La Découverte).

Mais ce sont les activités de l’ACHAC (Association Connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine) qui retiennent particulièrement son attention. Fondée en 1989, elles ne datent pourtant pas d’hier et rassemblent Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Éric Deroo, Sandrine Lemaire, et le plus médiatique d’entre-eux, Pascal Blanchard. L’objet culturel de l’association est de travailler sur « les représentations et les imaginaires coloniaux et postcoloniaux ». Pour ce faire, l’un des outils est son partenariat soutenu avec l’agence de com’ Les Bâtisseurs de mémoire, spécialisée dans les récits d’entreprise et dont Pascal Blanchard est le gérant. À son actif pour ce qui concerne les études postcolonialistes, on relève la conception pour le compte de l’Achac et des éditions La Découverte, de beaux-livres tels Zoo humains ( pour « la compréhension du passage d’un racisme scientifique à un racisme colonial et populaire diffusé en Occident »), La France noire et La France arabo-orientale.
« Ces usages commerciaux de l’histoire devraient être totalement étrangers au monde de la recherche », commente Pierre-André Taguieff. « La stratégie culturelle de l’ACHAC consiste à mêler les universitaires et les chercheurs aux militants « décoloniaux », voire « indigénistes », les premiers conférant une respectabilité académique aux seconds. Son principal animateur, l’entrepreneur idéologique et médiatique Pascal Blanchard, n’hésite pas à se présenter comme « chercheur au Laboratoire Communication et Politique (CNRS) » alors qu’il y est « chercheur associé ». Mais suffit-il de commenter l’actualité comme n’importe quel journaliste pour « valoriser la recherche » ?  »

L’actuel Président du CNRS, Antoine Petit, estime que « La « race » devient la nouvelle grille de lecture du monde »

Chercheur au CNRS, Taguieff interpelle Antoine Petit, son actuel président, qui serait coupable de faiblesse – et même d’enthousiasme- envers un « gauchisme culturel décolonial sévissant dans certains milieux intellectuels et quelques campus universitaires ». Une préface du président du CNRS dans Sexualités, identités et corps colonisés, conçu par l’ACHAC (CNRS Éditions, novembre 2019) l’inquiète tout particulièrement :
« La « race » devient la nouvelle grille de lecture du monde sur laquelle s’intègre la grille du genre, et qui s’articule à la hiérarchie homme/femme : aux colonies, le plus petit des « Blancs », sur l’échelle sociale, sera toujours plus grand que n’importe quel colonisé, surtout s’il s’agit d’une femme. (…) La mise en partage de ces travaux, qui doivent être lus par tous, constituent [sic] un document incontournable de savoir sur des passés qui émeuvent, choquent et en tout cas interpellent ». Le livre en question est l’émanation d’une association abusivement auto-designée comme « Groupe de recherche », pointe Taguieff, et a bénéficié du soutien de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.

Pierre-André Taguieff et les co-signataires de la tribune mettent en garde contre le risque à terme d’une chaire de postcolonial studies. Une victoire symbolique des « marchands de postcolonialisme » qui pourraient ainsi « croire qu’ils sont en passe de gagner la bataille pour la reconnaissance, voire la consécration institutionnelle ».

couve-barberis.jpg La tribune de Pierre-André Taguieff survient après l’Appel de 80 intellectuels contre la stratégie hégémonique du décolonialisme, publié dans Le Point l’année dernière. Appel qui avait suscité en retour bien des polémiques.

Au début de l’année, la maîtresse de conférences (Paris-Diderot) Isabelle Barbéris, décortiquait dans son essai, L’art du politiquement correct (PUF), ce même mouvement postcolonial très actif dans le théâtre et l’art contemporain.

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