Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Jean-Laurent Cassely est-il toc ou authentique ?

Publié le 21 janvier 2020 par

8/13. NO FAKE© (ARKHÊ).
Essais, documents, récits : nos 13 Prix Idées Les Influences 2019

prix-idees-nofake-2.jpg eclair_noir.jpg SOCIÉTÉ. Il est devenu la coqueluche des chasseurs de tendances papillonnantes, des pubeurs et marketeurs, des rédacteurs cools de l’infotainment façon Usbek & Rica, qui adorent se faire fouetter. Jean-Laurent Cassely, publiciste à Slate, nouveau chroniqueur à L’Express et consultant en mutations de société, élabore ainsi une théorie ouverte sur la quête et l’obsession contemporaine d’ «  authenticité  ». D’où une angoisse elle aussi moderne : qu’est ce qui est «  fake  » et qu’est ce qui est authentique ? En Roland Barthes du cocktail crevette-avocat-pamplemousse, il démêle le vrai faux du faux vrai, sans oublier le «  trop vrai  ». Il s’intéresse à l’a-priori insignifiant qui, telle la lettre cachée sur la cheminée d’Edgar Poe, est la vérité miniaturisée de l’époque. Son exploration se fait au gré de ces artificiers du vrai que sont les restaurants hipsters et les commerces de «  l’hyper-France  ». Il décrit «  l’esthétique de la France moche  » où un village néo-provençal jouxte le Flunch et une pizza bio marketée proposée dans un mégacentre représente le summum de la vérité vraie, et à faire circuler sur insta. L’idéologie instagrammatique, c’est-à-dire celle des identités s’auto-parodiant et se rendant visibles à travers les réseaux sociaux, remplace la peur du vide d’identité. Dans la trace d’un Benjamin Barber (Comment le capitalisme nous infantilise ), Cassely sculpte deux idées force.

Une angoisse moderne : qu’est ce qui est «  fake  » et qu’est ce qui est authentique ?

Théorie 1 : Nous sommes passés des Trente Glorieuses aux Trente Génériques. Dans la queue de comète des premières, on ne les a pas vu venir entre 1980 et 2010, mais «  ces années Génériques coïncident avec ce que les historiens contemporains ont nommé le «  capitalisme tardif, multinational ou de consommation  ». C’est d’ici que de «  nouveaux paramètres  » se sont imposés : «  la mondialisation de l’économie et la délocalisation de la production, l’explosion de la sphère de la finance, le rôle central joué par les nouvelles technologies et en particulier par l’informatique et les réseaux, la place occupée par les médias et les flux d’images.  » Dans ce prélude qui a aménagé des territoires homogènes dans le monde entier et façonné nos mentalités, Jean-Laurent Cassely y voit la fabrication du non-saillant et de la prolifération des non-lieux, la généralisation d’une grande amnésie et même d’un véritable «  black-out culturel  ». Depuis, l’État s’affaisse, le royaume de Disney s’impose.

Théorie 2 : les nouvelles classes sociales sont désormais façonnées par les styles de vie. «  Contemporains du jaillissement des paysages génériques et de l’édification d’un mode de vie qui tend vers la standardisation, les fameux Millenials formeront également la première génération à grandir et à évoluer dans un monde borné par la culture médiatique et commerciale  » souligne t-il. D’où en riposte contre-insurrectionnelle, le hipster des années 2010 qui serait un farouche «  archiviste de la société occidentale, le conservateur d’un «  musée des styles de vie  » dont il assure la maintenance et dont il réorganise périodiquement les collections. » D’où aussi la colère des Gilets-jaunes qui manifesterait le retour à l’héritage culturel commun d’avant les années 80, quand ne sévissait pas encore son effacement par les Trente Génériques.

Le livre est attachant par son écriture joyeuse, subjective mais toujours précise, sa (fausse) nonchalance cool et son esprit de curiosité qui avance, tâtonne, se reprend, cristallise au fil de la démonstration. Le livre est agaçant pour avoir négligé les mécanismes sociaux, beaucoup moins sexy et beaucoup moins visibles (donc inauthentiques) qui sous-tendent également ce monde marchand des apparences. Bref, un authentique essayiste est né.

No fake©. Contre-histoire de notre quête d’authenticité, Jean-Laurent Cassely, Arkhê, 189 p., 18 €.

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