Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

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#Politique

Marc Laimé, l’intelleau

Publié le 18 juillet 2022 par

L’Info : Il vient de publier avec le journaliste Thierry Gadault, une enquête édifiante sur le scandale sanitaire et politique de l’eau en Guadeloupe (Éditions Florent Massot). Lui-même, ancien journaliste est devenu un expert tenace de la remunicipalisation des eaux, et donne des sueurs froides aux majors du secteur.

Marc Laimé, expert de l’eau et journaliste d’enquête. ©Olivier Roller pour Les Influences

Le Canard Enchaîné chipotait dans sa mare, et Marc Laimé, journaliste pigiste, en a été tout vexé. « Quand Dominique Voynet est nommée ministre de l’Écologie par Lionel Jospin, elle s’empare de la question de l’eau qu’elle inscrit à l’agenda politique. Je propose au Canard de publier un dossier sur ce sujet… brûlant. Ça ne les branche pas. Je décide de publier ma première enquête au Seuil un an plus tard. Elle rencontre un vrai succès d’estime. On est en pleine vague altermondialiste, je commence à être sollicité pour des conférences, puis je rencontre des élus, des consultants engagés, avec qui je commence à travailler. Depuis, ça ne s’est pas arrêté. » Même s’il vient de publier avec le journaliste Thierry Gadault, une enquête édifiante sur le catastrophique dossier de l’eau en Guadeloupe ( L’Île sans eau, Florent Massot), Marc Laimé est surtout devenu expert respecté, formateur et conseiller en politiques publiques de ce secteur auprès des collectivités locales, plongeant dans un univers dense de lobbys et de majors, d’intérêts financiers colossaux et d’interactions administrativo-politiques aux acronymes barbares et inconnus du simple buveur d’eau. Il campe le décor : « L’eau n’est pas privatisée en France, elle demeure patrimoine commun de la nation. Mais la gestion de l’eau potable et de l’assainissement des eaux usées, elle, peut être confiée par les collectivités locales à Veolia, Suez ou SAUR, qui desservent 60 % des Français. Cette emprise s’est accompagnée d’une disparition accélérée depuis vingt ans de l’ingénierie publique en faveur du privé, mouvement général qui a mis à mal l’émergence de politiques publiques attachées à la défense de l’intérêt général. » Son premier dossier a été une mission pour un syndicat dans le Sud-Ouest, à propos des problèmes d’assainissement non collectif : « un sujet explosif qui concerne 5 millions de foyers, rançonnés jusqu’à plus soif par les vautours. »

« Nous sommes entrés dans un état de crise permanent qui n’est pas du tout propice à une évolution maîtrisée d’une gestion raisonnée de la ressource. »

Marc Laimé

Méfie-toi de l’eau qui dort : de ses années de journaliste en agence mais aussi à Libération, Le Monde diplomatique et aux manettes de L’Autre journal, il conserve des tics qui lui procurent d’utiles armes de combat. Mangeur de dossiers et d’expertises particulièrement rebutants, méticuleux et tenace, il dénichera, lui, le tartre du scandale, l’astuce financière, la morgue technocratique et l’anguille sous roche. Reste qu’il peut apprécier sur le terrain, la puissance de feu des majors de l’eau. « À Périgueux, il y a une dizaine d’années, deux élus écolos font le siège du maire PS, afin que nous réalisions un véritable audit, dans la perspective de la création d’une régie publique après quatre décennies de règne de la Lyonnaise. Dès le début on nous met des bâtons dans les roues, surtout quand nous établissons que la régie publique serait moins chère. » Au cabinet du maire, on cherche à tordre le bras à ces utopistes cinglés et les faire revenir sur ce chiffrage pour faire apparaître, au contraire, que le privé serait moins cher… « Je participerai pourtant à deux réunions successives avec les trois entreprises qui avaient déposé une offre, leur intimant, au lieu de leurs boniments habituels, de répondre sérieusement sur le fond », se souvient Marc Laimé. Coup de théâtre à la veille de la réunion dite conclusive : il est prié de rester chez lui à Paris, car la ville resigne avec la Lyonnaise. Tout change, rien ne change. Mais un an plus tard le maire se voit contraint d’émettre un titre de recettes pour leur réclamer l’argent que l’entreprise avait indûment accaparé. « L’année suivante ce fervent soutien de François Hollande, y perdra sa mairie… », grince l’expert.

L’eau, ce bien commun par excellence, n’est pas qu’affaires de tuyauteries profitables. La sécheresse récurrente des étés n’a pas vraiment lancé le débat crucial sur la préservation des ressources. « Non, car la FNSEA défend bec et ongles un modèle agricole productiviste complètement obsolète et tous les gouvernements cèdent devant son lobbying permanent, s’agace et s’inquiète l’intelleau. Et il n’y a pas que l’irrigation, mais aussi les inondations, le recul du trait de côte, la gestion des eaux pluviales, les nouveaux micropolluants… Nous sommes entrés dans un état de crise permanent qui n’est pas du tout propice à une évolution maîtrisée d’une gestion raisonnée de la ressource. »

À côté de ses essais, il tient son petit média à succès, un blog au clin d’œil marxien, « Les eaux glacées du calcul égoïste », pas peu fier de ses 50 000 à 60 000 visiteurs uniques par mois, « sans aucune pub ou effort de référencement, en fait ça marche tout seul car j’occupe une niche critique sans concurrence. » Au fil de l’eau, il distille des infos explosives ou rares, des scènes de mœurs technos et politiques, mais aussi de saintes colères et ses analyses percutantes. Un sacré débit.


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