Spirou et le monde enchanté des Soviets
Publié le 25 septembre 2020 par Les Influences
Spirou chez les Soviets (Dupuis) lu et approuvé par un historien de l’anarchisme et des pensées radicales.
Plusieurs hommages aux pères fondateurs de la bande dessinée sont ainsi appuyés. En premier lieu, Tintin et son premier récit de reporter du Petit Vingtième, sans oublier des salutations aux grands magazines de la presse communiste comme Vaillant devenu Pif. Bien sûr, quelques scènes sont empruntées au cinéma de James Bond mais aussi au Petit monde de Don Camillo, le maire de Champignac prenant des allures de Giuseppe Bottazzi dit Peppone.
Fred Neidhardt et Fabrice Tarrin ont mitonné un récit qui relève de l’exercice graphique archéologique et du clin d’œil hénaurme.
L’arrière-fond de l’histoire repose sur une documentation importante, les auteurs ont plongé dans l’abondante littérature documentant le régime soviétique pour mieux s’en alléger. La littérature concentrationnaire, et notamment L’Archipel du Goulag inspire leur vision des camps, même si la période évoquée, les années 1960-1970, a surtout été incarnée par les hôpitaux psychiatriques. De même, Lyssenko évoqué dans l’album, ne possédait plus la même influence sur la science soviétique qu’au temps de Staline. Mais peu importe, il s’agit d’une fiction dans son ensemble jubilatoire, qui restitue une atmosphère et une période.
Fred Neidhardt et Fabrice Tarrin rendent parfaitement compte de la dichotomie du régime. Ils restituent la force de la propagande communiste passant par l’auto-glorification des réalisations du régime et ses slogans égalitaristes. Ils montrent également sa puissance d’inversion des faits. Dès les premiers moments, Spirou et Fantasio sont soumis à la surveillance généralisée – allant des micros à l’accompagnatrice travaillant pour les services de renseignements. Ils décrivent aussi la réalité soviétique : l’omniprésence du contrôle policier, les camps et la rééducation des masses et montrent que la mise en œuvre de l’esclavage répondait à la volonté d’extension du communisme.
Les auteurs ne se limitent pas à la critique du système, la dimension de la guerre froide justifie l’histoire et permet la construction d’un scénario romanesque. Le récit finit avec une pirouette politique joyeusement cruelle. Un champignon addictif.