Dernière cuite avant la fin du monde
Publié le 12 décembre 2020 par Nicolas Chemla
La chronique pop culture de Nicolas Chemla : Drunk ou Broad City, il faut choisir entre deux cuites en cette fin d’année chaotique.

POP CULTURE. J’avais très envie d’aimer Drunk, le nouveau film de l’inégal Thomas Vinterberg, à qui on l’on doit, tout de même, l’inoubliable Festen. En ces temps ultra-hygiénistes, je trouvais qu’il y avait quelque chose d’assez punk à faire un film sur l’ivresse, la cuite méthodique, l’éthylisme comme mode de vie. Vinterberg raconte l’histoire de 4 profs de collège qui décident de vérifier par eux-mêmes si on ne vit pas mieux quand on est bourré. Spoiler alert : ça dérape. Au début, on est soufflé, emporté par la mise en scène virtuose, à la fois légère et intense, le jeu des acteurs, le dispositif narratif. Et puis, à la longue – au bout de 45 minutes exactement -, on se demande où ça veut en venir. On a l’impression de passer un (très) long dimanche après-midi en compagnie d’un vieil oncle vineux – accompagné, c’est encore pire, de ses potes bourrés aussi -, avec ce sentiment horrible de bien être le seul à rester sobre. La deuxième heure du film est vide comme les cadavres des bouteilles que les personnages s’enfilent les unes après les autres.
« Non, le monde d’après ne sera pas sage : il sera violent, trouble et spasmodique, quand les valves vont lâcher et que les bouchons vont exploser, une énorme teuf sans fin. »
Alors, on troque volontiers cette gueule de bois danoise contre Broad City, série post-féministe où deux jeunes New Yorkaises un peu paumées et complètement défoncées H24 parcourent NYC en quête de leur prochain coup ou coup foireux. Ce NYC d’avant la Covid où – comme Paris, comme Londres et ailleurs – les nuits filaient de fête en fête et ne finissaient jamais, qui paraît si lointain en 2020, et on pense à tout ce qu’on a volé aux jeunes, toutes ces nuits perdues qu’ils auront manquées, la soif de la prochaine « éclate » et du prochain shot, les fièvres et les frissons liminaux, à la porte du danger et du sacré et des mystères de l’identité, et l’on se dit que, contrairement a ce qu’annoncent à l’envi sociologues et tendanceurs, non, le monde d’après ne sera pas sage : il sera violent, trouble et spasmodique, quand les valves vont lâcher et que les bouchons vont exploser, une énorme teuf sans fin, à la mesure de la longue nuit d’ennui qui vient.
Série Broad City. Série en 5 saisons d’Ilana Glazer et Abbi Jacobson, disponible sur itunes.