Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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URSS : la propagande et les petites légendes

Publié le 1 janvier 2021 par

L’idée : Parfois, la littérature ne fait pas bon ménage avec l’histoire.

HISTOIRE CONTEMPORAINE. Deux ouvrages aux statuts similaires évoquent l’histoire de l’URSS en mêlant récit et réalité. S’ils établissent bien des aspects de la tragédie russe, ils procèdent d’un genre littéraire qui ne permet pas de saisir le système soviétique.

038_yachine_p1_hd.jpg Laurent Lasne est un ancien journaliste sportif, également passionné de cinéma, qui propose une biographie romancée du gardien de but Lev Yachine. Il a servi toute sa carrière au Dynamo de Moscou, ce club fondé par la police politique soviétique à la demande d’un de ces ténors Lavrentii Beria. Lev Yachine est né dix ans après la «  grande-révolution-socialiste  » au temps de la sortie du film d’Eisenstein, Octobre. C’est aussi une histoire de l’URSS. L’auteur alterne les va-et-vient entre la vie du gardien et la grande histoire soviétique. Il décrit ainsi quatre ans avant la naissance de Yachine le match de foot entre l’équipe soviétique qui fait mordre la poussière à l’équipe des sportifs communistes français. L’Humanité, le quotidien communiste français, souligna la supériorité de la patrie du socialisme. L’événement est certes passionnant mais ne permet pas vraiment de comprendre la vie du futur gardien. L’enfant naît quand le «  merveilleux géorgien  » a installé sa domination sur le pays et liquidé les dernières oppositions. L’heure est à l’industrialisation forcée et à la collectivisation. Lev Yachine, un fils d’ouvrer modèle travaillant pour le complexe militaro-industriel soviétique, bien qu’il n’ait pas la carte du Parti. C’est un enfant de cette nouvelle aristocratie ouvrière promu par le régime, qui vit dans un appartement communautaire. Cette condition n’empêche pas sa mère, puis sa jeune soeur de mourir de la tuberculose, alors que Lev n’a que six ans. Le héros se trouve en décalage avec les affres de la propagande, la vie n’est pas devenue plus joyeuse. Néanmoins, le père et le fils traversent la grande terreur stalinienne sans encombre. Lev vit la guerre en dehors des zones de combats. À son retour, il entre à l’usine, comme un parfait «  homo sovieticus  ». Balloté par sa dépression, devenu militaire, c’est à l’occasion d’ un match de foot dans les premiers jours de son incorporation, qu’il est repéré par le recruteur du NKVD. Après des débuts médiocres, il prend les premiers rôles et devient le gardien du Dynamo. L’équipe d’URSS, est une belle machine de propagande soviétique, incarnant la noblesse ouvrière que souhaite exalter le régime. Le destin social de Lev Yachine est une belle histoire pour le régime, montrant un ouvrier devenu footballeur dans une URSS enchantée. Le destin de Lev Yachine est passionnant, mais le récit de l’auteur a trop vouloir convaincre, s’englue dans une scientificité historique du dimanche, qui l’obscurcit plus qu’il ne le complexifie.

La romancière Natascha Wodin ©Ed. Métaillié
La romancière Natascha Wodin ©Ed. Métaillié
Le travail de l’écrivaine et interprète allemande Nastasha Wodin concerne également des destins individuels dans la période stalinienne. Fondé sur une quête personnelle, son livre cherche à décrire la réalité soviétique à travers des membres de sa propre famille. Sa mère, Evguénia, a quitté l’Ukraine pour rejoindre l’Allemagne où elle a travaillé dans une usine d’armement pendant toute la guerre. En 1945, elle reste dans le monde libre mais ne supportant pas l’isolement et l’absence de sa famille, met fin à ses jours en 1955. L’autrice s’est lancée dans une enquête pour comprendre les mécanismes et les origines familiales de cette dépression. Après avoir échangé avec des habitants de la ville de Marioupol en Ukraine, elle finit par recueillir des informations, grâce à un citoyen russe anonyme qui permet à Natascha Wodin de retrouver des traces de la famille déportée pour en Sibérie. L’autrice nous livre alors des larges extraits du journal de sa tante mélangé au récit de sa quête. Le texte diariste est passionnant : Il s’agit d’une femme qui doit résister et surmonter la violence masculine de l’univers concentrationnaire soviétique alors qu’elle tente d’enseigner à des zeks issus du monde des droits communs. Si le livre a d’incontestables qualités littéraires, il pèche par un manque de mise en perspective historique et par des inventions littéraires qui gênent la lecture. Parfois il vaut mieux laisser la littérature loin de l’histoire.

5_pin_s-unpeudecu_120dpi.jpg Lev Yachine. Un roman soviétique, Laurent Lasne, Arbre Bleu et Tiers livre éditions, 394 p. 19 €. Paru décembre 2020.
Elle venait de Marioupol, à la recherche d’une famille perdue en Union soviétique, Natascha Wodin, Métallié, 324 p., 23 €. Paru novembre 2020.

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