Un professeur d’art baroque poursuivi par le maire de Florence
Publié le 12 janvier 2021 par Rédaction LI
165 000 euros réclamés à l’universitaire et critique d’art, Tomaso Montanari qui accuse l’équipe municipale de saccager et de brader le patrimoine de la capitale toscane.
PATRIMOINE. Le successeur de Matteo Renzi à la mairie de Florence s’appelle Dario Nardella. En pleine pandémie qui a mis sa ville, une « icône mondiale » aime-t-il à dire, dans une sérieuse crise financière, le maire démocrate de gauche poursuit Tomaso Montanari, professeur d’art baroque. Il lui réclame 165 000 euros de dommages et intérêts pour avoir diffamé l’« image » de la capitale toscane lors d’un entretien télévisé sur Report (RaiTre) : « Florence est une ville en vente. C’est une ville mise aux enchères, c’est une ville dont s’empare le plus offrant, et les administrateurs de Florence sont au service de capitaux étrangers », a cinglé l’universitaire. Directeur de recherches au CNRS, spécialiste de l’art italien et de l’humanisme européen, Stéphane Toussaint partage le même constat que son collègue qu’il a soutenu dans une tribune publiée sur Art Critique. L’analyse de « la gestion du patrimoine florentin, est partagée non seulement par l’auteur de ces lignes, modeste soutien, mais il suscite l’inquiétude d’associations culturelles de portée nationale comme Italia Nostra et Patrimonio SOS, toujours au premier rang de la préservation du territoire et des biens artistiques, de Brescia à Bari et de Milan à Messine. Pour ne rien dire de l’UNESCO ». La marchandisation à outrance et la surexploitation touristique menaceraient la ville. Avec un bel humour noir, des Florentins ont surnommé ce type d’affaire juteuse « luxury virus ».
« Florence est emblématique d’une nouvelle tendance, celle des nouveaux rapports de force qui s’instaurent sournoisement entre les pouvoirs sans culture et les intellectuels cultivés »
« Il n’est nullement répréhensible de démontrer qu’une telle politique, inaugurée sous Renzi, a vidé Florence, dépeuplé les quartiers historiques et transformé la cité des Médicis en une wedding-city pour asiatiques fortunés. Indubitablement l’idée que Florence doive se vouer au big business privé revient à Nardella, l’inventeur d’InvestInFlorence adonné au marketing immobilier de quelques joyaux architecturaux comme le Palais Vivarelli-Colonna, le Podere de Rusciano, le couvent de Monte Oliveto ou la Villa de l’Ombrellino. Après la vente pour 19 millions d’euros au groupe argentin Lowenstein, par le Conseil communal du Palazzo Vecchio, d’une ex-caserne de 16 000 mètres carrés à Costa San Giorgio, entre Boboli et Forte Belvedere, nous touchons à un sommet en tous sens du terme. Comme pour démentir les bonnes intentions qu’il affiche en matière de logement citadin, Palazzo Vecchio, en l’occurrence, a autorisé 86 % d’utilisation touristique de très haut standing et envisage de surcroît la création, pour mieux choyer la clientèle huppée, d’un ascenseur-funiculaire exclusif enjambant la muraille des jardins de Boboli et dont le départ piétonnier se ferait derrière le Rondò di Bacco au Palais Pitti. »
Pour l’édile, le coronavirus s’est immiscé dans ses projets : « Les exportations ont enregistré des pertes de 7 milliards d’euros et le secteur du tourisme de plus d’un milliard d’euros. En mai, notre déficit était déjà de 180 millions d’euros sur un budget dont les dépenses courantes s’élèvent à 500 millions. La taxe de séjour, qui a évidemment disparu pendant le confinement, représente 43 millions d’euros par an, expliquait-il dans un entretien aux Échos en septembre dernier. J’ai même menacé de devoir éteindre l’éclairage public pour faire comprendre qu’on était à genoux. Le gouvernement nous a aidés. Mais le vrai problème sera l’an prochain quand il n’y aura plus de mesures d’urgence. »