Philippe Corcuff en guerre contre le « confusionnisme » de la gauche
Publié le 15 janvier 2021 par Les Influences
L’idée : Étudier les nouvelles influences des thèmes et des discours venus de l’extrême droite sur la gauche.
HISTOIRE DES IDÉES. Aujourd’hui à la Fédération anarchiste, l’ancien chevènementiste de choc (Ceres puis Mouvement des citoyens), puis militant Vert, puis LCR et NPA, s’en prend au « confusionnisme » de la gauche. Un expert. C’est l’un des angles d’attaque de Philippe Corcuff (né en 1960), professeur à l’IEP de Lyon, dans son prochain essai et étude copieuse de plus de 600 pages, La Grande Confusion ou Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées (le 10 mars chez Textuel).
L’auteur annonce « une histoire idéologique et politique de la France depuis les années 1980 (avec des correspondances ailleurs dans le monde) mettant en perspective l’actualité en train de se faire ». Sous sa lentille, les trajectoires d’« idéologues d’extrême droite », Alain Soral, Éric Zemmour, Renaud Camus et Hervé Juvin. Dans son collimateur critique, deux « idéologues de droite radicalisée » : Mathieu Bock-Côté (intellectuel conservateur québécois) et Alexandre Devecchio (journaliste co-responsable du Figarovox) et ceux qu’il nomme des « locuteurs confusionnistes venant de la gauche, » soit au pilori, Emmanuel Macron, Manuel Valls, Laurent Bouvet, Christophe Guilluy, Arnaud Montebourg, Jean-Claude Michéa, Michel Onfray, Jean-Luc Mélenchon, et dans le même sac, Frédéric Lordon et Houria Bouteldja (Les Indigènes de la république).

« Confusionnisme, au sens retenu ici, n’est donc pas synonyme de confusions, mais revêt un sens politico-idéologique plus précis. »
De ce casting, Philippe Corcuff veut mettre à jour les mécanismes d’un brouillard intellectuel et politique en voie d’expansion : « Le confusionnisme est le nom actuel d’une désagrégation relative des repères politiques antérieurement stabilisés autour du clivage gauche/droite et du développement de passerelles discursives entre extrême droite, droite, gauche modéré et gauche radicale. Confusionnisme, au sens retenu ici, n’est donc pas synonyme de confusions, mais revêt un sens politico-idéologique plus précis. La trame discursive confusionniste a pour principal effet, dans le contexte politico-idéologique actuel, de faciliter l’extension de postures et de thèmes venant de l’extrême droite. » Une analyse qui n’est pas sans rappeler celle du Rappel à l’ordre (Seuil, 2002) de l’historien des idées Daniel Lindenberg, mais aussi la thèse d’un intellectuel très conservateur, Guillaume Bertrand, auteur d’un essai sur l’actuel mouvement « dextrogyre » (venant de la droite) des idées, La Guerre à droite aura bien lieu (Desclée de Brouwer, 2016) .
Avec un brin de mégalo qui fait aussi sa marque de fabrique, l’essayiste se veut grand avertisseur des périls à venir : « J’espère que cet ouvrage provoquera un choc, comme son écriture a provoqué un choc chez moi, en particulier parmi ses lectrices et ses lecteurs les plus soucieux de reconfigurer une boussole éthique et politique au sein des brouillages actuels et de réinventer une gauche d’émancipation. Car ce livre de l’inquiétude voudrait contribuer à relancer une espérance vacillante. » Allons bon.