Influences (n. fem. pluriel)
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Les Influences

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#Société

«  La Covid ne change rien : les transformations entre Paris et sa périphérie seront lentes, très lentes  »

Publié le 22 janvier 2021 par

CRASH-TEST. Un essai sorti il y a un certain temps à l’épreuve de l’actualité : Quitter Paris ?, Créaphis, novembre 2018.

Quitter Paris ? Les classes moyennes entre centres et périphéries, Stéphanie Vermeersch, Lydie Launay, Éric Charmes, avec la collaboration de Marie-Hélène Bacqué, Créaphis, 192 p., 25 €. Paru novembre 2018.
Quitter Paris ? Les classes moyennes entre centres et périphéries, Stéphanie Vermeersch, Lydie Launay, Éric Charmes, avec la collaboration de Marie-Hélène Bacqué, Créaphis, 192 p., 25 €. Paru novembre 2018.

SOCIOLOGIE URBAINE. Dans un livre soigneusement édité, Quitter Paris ? Les classes moyennes entre centres et périphéries, des sociologues urbains ont suivi à la trace les stratégies des classes moyennes pour rester coûte que coûte au centre de la capitale ou, au pire, instaurer des liens réels ou symboliques de position sociale en s’installant dans des communes des banlieues plus ou moins proches. «  Les manières dont les classes moyennes transforment les grandes métropoles et dont, réciproquement, les métropoles pèsent sur les modes d’habiter des classes moyennes sont aussi discutées que méconnues  » observent les auteurs. Ces classes moyennes, «  catégories socio-professionnelles supérieures liées à l’économie tertiaire globalisée  », Paris les attire comme un super-aimant.
Le livre parcourt le quartier hyper-gentrifié du 9e arrondissement où l’on est prêt à sacrifier beaucoup de choses pour rester dans la place, Noisy-le-Sec en Seine-Saint-Denis avec un début de gentrification, Le Raincy commune relativement aisée du 93, Châteaufort «  ideal-type du village périurbain  » dans les Yvelines et, enfin une autre «  utopie citadine  » à quarante kilomètres de la capitale, l’ensemble pavillonnaire Port Sud à Breuillet, Essonne, à l’origine conçu comme le «  village vacances  » par excellence. Sur ces territoires pareils aux puzzles à mille pièces, les classes moyennes forment une dentelle sociologique. Se tenant à distance des débats et pôles théoriques du moment, tenus par les géographes Christophe Guilluy (La France périphérique) et Jacques Lévy, les auteurs ont cherché à restituer à travers leurs enquêtes et monographies, les ressources et les stratégies qui permettent aux différentes classes moyennes de conserver leur «  statut de parisien  » d’une façon ou d’une autre.
Plus de deux ans après la parution de cet ouvrage, et une pandémie mondiale, le statut des classes moyennes en région parisienne et les conclusions de ce travail d’observation ne s’en sont-ils pas trouvé bousculés ? Depuis le premier confinement, les classes moyennes déserteraient-elles Paris en masse, découvrant les charmes des villes moyennes périurbaines ? Rien n’est moins sûr. La vague un peu mystique d’analyses et de réactions d’intellectuels lors du premier confinement qui voyait dans le coronavirus un levier de changement politique et philosophique puissant s’est éteinte. «  Il est délicat de prédire ce qu’il adviendra de la coupure entre Paris et ses banlieues  » observaient ces chercheurs en 2018 qui confirmaient plutôt le cruel «  manque de perspective métropolitaine  », pénalisant en chaîne des thèmes clés comme la densité, les transports faciles, les parcours résidentiels, la possibilité de revenir à Paris.

Stéphanie Vermeersch, directrice de recherche en sociologie urbaine (CNRS).
Stéphanie Vermeersch, directrice de recherche en sociologie urbaine (CNRS).

Je doute que beaucoup de Parisiens de l’hypercentre aient à cœur de troquer un bout de jardin en banlieue lointaine contre une scolarité jugée performante pour leurs enfants

Co-auteure avec Lydie Launay et Éric Charmes, Stéphanie Vermeersch directrice adjointe scientifique de l’Institut national des sciences humaines et sociales du CNRS réagit : «  L’enquête de terrain, elle, a été réalisée de 2008 à 2012. Un certain recul… Et pourtant, même avec la Covid, les équilibres actuels entre Paris et l’Île-de-France que nous décrivions il y a plus de 10 ans, ne me semblent pas fondamentalement remises en cause. Mon hypothèse est que la force de la reproduction et de l’ascension sociale est bien plus puissante. Momentanément les classes moyennes résidant en périphérie ont peut-être gagné le match culturel, mais c’est une parenthèse dans l’histoire de la métropole. Je doute que beaucoup de Parisiens de l’hypercentre aient à cœur de troquer un bout de jardin en banlieue lointaine contre une scolarité jugée performante, d’autant plus après cette crise sanitaire, pour leurs enfants collégiens, lycéens et étudiants.  »
Le télétravail quasi institué durant les périodes de confinement ne change t-il pas profondément la donne des mobilités urbaines en Île-de-France ? Là encore, Stéphanie Vermeersch, spécialiste de l’habitat autogéré, des mobilités résidentielles et des usages de la ville, propose la prudence. «  Nous manquons encore de données sur cette période, même si cela nous paraît bien long. Par exemple, nous n’avons pas de données sur les répartitions entre résidences secondaires en Île-de-France et décisions de vivre au vert depuis le premier confinement. Je m’éloigne de la rigueur scientifique, mais je fais le pari que cela a surtout impacté les Parisiens sans enfants ou avec des enfants jeunes. Et que ces décisions font partie des dynamiques comme le télétravail, ou le coworking qui étaient en germe depuis des années. Une petite étude récente du laboratoire de Besançon sur la vente en ligne fait ressortir qu’elle ne remplace pas le commerce physique de proximité, mais que l’on cumule les possibilités de commerce. Les difficultés des mobilités sont dues à cet éloignement croissant entre les lieux de vie et les bassins d’emploi mais le télétravail ne résoudra pas définitivement le problème : des entreprises vont sans doute passer à deux jours de télétravail par semaine, mais les salariés ont manifesté également leur peur de la désocialisation. Quitter Paris ne signifie pas un exode massif. Des entreprises réfléchissent à déménager de la capitale ? D’autres réinstallent leurs sièges sociaux à la Défense.  »

Plus consistant, la Covid aurait plutôt été un révélateur grandeur nature des fractures entre Paris et ses périphéries. Stéphanie Vermeersch : «  Je pense que la Covid ne change rien en profondeur : les transformations et les solidarités entre Paris et sa périphérie seront lentes, très lentes. On a pu constater, lors du premier confinement, cette absence de solidarité avec le 93. Comme nous le concluons dans notre livre, Paris n’est pas une île intra-muros, même si elle se conçoit comme cela. Le rôle de la maire Anne Hidalgo qui ne jure que par Paris et s’y enferme a, de ce point de vue, une politique urbaine déletère. Mais elle n’est pas la seule : les traditions intellectuelles et politiques bien établies en France font l’éloge de la centralité, et la hiérarchie des localisations les plus désirables commence avec Paris. Il y a tellement d’impensés laissés de côté par les responsables politiques sur cette métropole, de thèmes à travailler en commun, en commençant par celui, massif et vertigineux dans ses défis, de la scolarité.  »

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