Influences (n. fem. pluriel)
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Dominique Simonnot publie un scoop dans Le Journal officiel

Publié le 18 mai 2021 par

L’idée : La journaliste du Canard Enchaîné nommée contrôleur général des lieux de privation de liberté en 2020 vient de donner l’alerte sur l’ignoble quartier de détention des handicapés du centre de Bédenac.

Dominique Simonnot, journaliste judiciaire et écrivaine nommée en 2020, Controleur général des lieux de privation de liberté. D.R

C’est le genre de littérature assez inhabituelle que l’on découvre dans l’édition du Journal Officiel en date du 16 mai 2021. Intitulé « Recommandations en urgence du 16 avril 2021 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au centre de détention de Bédenac (Charente-Maritime) »,  le texte expose dans toute sa crudité la situation lamentable de détenus handicapés. La visite du centre de détention réalisée par six contrôleurs entre le 29 mars et le 2 avril 2021 n’a rien eu d’une promenade de santé. Ils ont pu constater des  «  dysfonctionnements dans la prise en charge des personnes détenues constituant un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Le centre de détention de Bédenac dispose de 194 places, et notamment d’une « unité de soutien et d’autonomie ». Le bâtiment G est une construction neuve qui « a été initialement conçue pour accueillir des personnes détenues vieillissantes nécessitant d’être hébergées en cellule pour personnes à mobilité réduite (PMR) » précise l’enquête. Or c’est le bâtiment des horreurs, déjà repéré par le CGLPL en 2011 et 2018. Sans que rien ne bouge pour la prise en charge effective « d’un public dépendant et âgé, au regard notamment du sens de la peine prononcée ». En 2021, la situation s’est aggravée car  « en raison du transfert de détenus en perte d’autonomie depuis toute la France au cours des deux dernières années, les prises en charge, pénitentiaire et sanitaire, ne sont adaptées ni aux besoins concrets des personnes détenues, ni à l’évolution de leur état de santé.»

Comment un centre de détention avec des équipements flambant neufs, selon une architecture éthique et durable, abrite également un quartier des horreurs où des détenus lourdement handicapés ne reçoivent aucun soin adapté. Source : BPM architecture/ Philippe Carmes


Extraits : Sur les huit personnes qui ne se déplacent qu’en fauteuil roulant, sept n’effectuent le transfert lit-fauteuil qu’au prix d’efforts et de contorsions importants, aidées par la potence du lit mais avec un risque de chutes fréquentes, d’autant que certaines n’ont plus l’usage d’un bras, d’une jambe ou des deux jambes


«  Des personnes âgées, lourdement handicapées et souffrant de pathologies graves, sont maintenues en détention au mépris de leur dignité et en violation de leur droit à l’accès aux soins » dit en exergue l’organisme dirigé depuis 2020 par Dominique Simonnot, journaliste judiciaire à Libération puis au Canard enchaîné. Le bâtiment G incarcère quinze détenus qui disposent d’un lit médicalisé. Description : « Huit personnes se déplacent en fauteuil roulant, dont deux sans autonomie de déplacement ; trois se déplacent avec canne ou déambulateur ; une personne est aveugle et ne peut se déplacer qu’avec une aide humaine. Quatre personnes souffrent d’obésité dont deux nécessitent, lorsqu’elles tombent, l’aide de six personnes pour être relevées ; trois d’entre elles souffrent également d’une impotence partielle ou totale d’un membre supérieur ou inférieur.
Sur les huit personnes qui ne se déplacent qu’en fauteuil roulant, sept n’effectuent le transfert lit-fauteuil qu’au prix d’efforts et de contorsions importants, aidées par la potence du lit mais avec un risque de chutes fréquentes, d’autant que certaines n’ont plus l’usage d’un bras, d’une jambe ou des deux jambes. Un homme est tombé à terre alors que les contrôleurs étaient présents dans l’unité ; pesant 150 kilos, il n’a pu être relevé et transféré à l’hôpital qu’au bout de deux heures et demie avec l’aide des sapeurs-pompiers. Si un incendie se déclenchait la nuit, la grande majorité des personnes en fauteuil roulant ne pourraient, seules, quitter leur lit. »

Des détenus souffrent de démence, d’autres d’incontinences urinaires et fécales sans pouvoir bénéficier de soins ou d’aides constants

Ce n’est pas tout : « Trois personnes souffrent de démence, à différents stades, avec désorientation temporo-spatiale totale pour deux d’entre elles. Quatre autres ont des séquelles d’accidents vasculaires cérébraux avec hémiplégie, troubles musculaires, comportementaux et cognitifs divers. Une des personnes atteintes de démence nécessite d’urgence une prise en charge dans une structure spécialisée avec surveillance constante : elle a été vue par les contrôleurs en train de décortiquer et manger son réveil en plastique (seul objet qui ne lui avait pas été retiré) et boit régulièrement l’eau des toilettes en utilisant ce qu’elle trouve comme gobelet. Ses propos sont incohérents et elle n’a plus aucune autonomie dans les actes essentiels de la vie si ce n’est la déambulation. »

Ce n’est pas fini : « Trois personnes souffrent d’incontinences urinaires ou fécales et ne bénéficient d’une tierce personne pour la toilette que deux à trois fois par semaine ; elles attendent le retour de l’aide à domicile en milieu rural (ADMR) dans leur lit souillé d’urine ou de matières fécales.
Six personnes bénéficient effectivement de l’ADMR deux fois par semaine pour le ménage et l’aide à la toilette mais auraient besoin d’une telle assistance tous les jours, matin et soir ; quatre autres, qui relèvent de ce dispositif, n’en bénéficient pas, soit qu’elles s’y refusent, soit que l’ADMR ne puisse s’en charger faute d’effectif suffisant.
De nombreux patients nécessitent de la kinésithérapie et de l’ergothérapie a minima trois fois par semaine pour l’entretien des fonctions motrices ; elles n’en bénéficient qu’une fois par semaine au mieux et parfois jamais. »
Lourdement handicapés, plusieurs patients sont incapables d’autonomie pour se nourrir, pour couper la viande, pour s’alimenter convenablement, et même pour mastiquer et déglutir.
« Malgré les alertes régulières des soignants depuis quatre ans, les autorités sanitaires n’ont pris aucune mesure d’adaptation de l’offre de soins » nous apprend l’enquête qui conclut que « les pathologies et handicaps décrits ci-dessus nécessitent des soins pluri-hebdomadaires, comme des ergothérapeutes, kinésithérapeutes, pour le maintien des autonomies ». Ces détenus sont également un stock oublié par les services pénitentiaires d’insertion et de probation qui «  n’ont jamais élaboré de convention pour la prise en charge pénitentiaire des personnes détenues ». Lors de l’inauguration des nouveaux locaux du centre de détention de Bédenac, en août 2013, le discours officiel affichait pourtant de louables intentions : « le quartier pour personne à mobilité réduite permet pour sa part d’accueillir les personnes à mobilité réduite ou âgées dans des espaces de vie adaptés. […] Cette prise en charge est complexe car elle mobilise plusieurs services et nécessitera la signature de conventions avec le SPIP, l’établissement et leurs partenaires ».
La  Contrôleur général des lieux de privation de liberté le conclut dans un encadré en forme de pense-bête pour les ministères de la Justice et de la Santé : « Aucune mesure d’enfermement ne devrait être mise en œuvre dans des conditions qui ne permettent d’assurer le respect ni de la dignité ni des droits des personnes qu’elle concerne, quel que soit leur âge ou leur état de santé. Les ministères de la santé et de la justice doivent définir et mettre en œuvre une politique permettant de mettre fin à ces mesures lorsqu’elles concernent des personnes dont l’état physique ou psychique ne permet pas de garantir l’effectivité de ce principe. Dans l’intervalle, l’administration pénitentiaire et les services de santé doivent mettre en place l’ensemble des moyens leur permettant d’assurer le respect de l’intégrité physique des personnes concernées, leur accès aux soins et à l’hygiène la plus élémentaire. »

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