Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Culture

Chloé Pathé, la possibilité d’un livre

Publié le 10 septembre 2021 par

#EDITOR. Les éditeurs ne parlent pas souvent d’eux. Sauf ici. En cinq années, l’éditrice d’Anamosa a su construire son catalogue d’ouvrages de sciences sociales, et même récolter une bonne nouvelle durant le Covid.

©Chloé Pathé, fondatrice de la maison d’édition Anamosa, Paris, 2018 par Olivier Roller.

À quoi reconnaît-on un petit éditeur ? Au fait qu’il n’inonde pas les rédactions de communiqués de victoire, de newsletters klaxonnantes, d’Instagram hystériques, de comptes tweeters hyperémoticonnés et qu’aucune accroche annonçant que l’on a obtenu l’un des grands prix littéraires de cette rentrée, rien du tout, ne figure sur son site Web. « Vous êtes sûr ? Ah oui, c’est vrai ! C’est un peu exagéré de notre part quand même » s’amusait Chloé Pathé, fondatrice des éditions Anamosa, l’année dernière lorsqu’on l’appela pour nous commenter son trophée d’éditrice. GFK, institut d’études de marché et  juge de paix des éditeurs, a mouliné les données des ventes passées : un essai doté du prix Femina se vendrait entre 5 000 et 10 000 exemplaires. On est loin des envolées stratosphériques des romans français et étrangers qui accrochent la lumière, mais Anamosa ne va pas bouder son plaisir. Chloé Pathé, sa fondatrice, a dû solliciter les Cameron pour réimprimer 2 500 exemplaires de l’heureux élu et le lester d’un joli bandeau. Le prix Femina de l’essai a été attribué à Joseph Kabris ou les possibilités d’une vie, signé de l’historien Christophe Granger. De lui, on connaissait un petit essai vitriolique sur La Destruction de l’université française (La Fabrique) ou, plus chatoyant, La Saison des apparences (Anamosa),une histoire des corps à la plage entre les années 1920 et 1970. Avec son nouveau livre, l’auteur a trouvé sa note originale : un récit historique, sans affect et gros procédé narratif, mais d’un mécanisme de précision picaresque en diable. « Lorsque je l’ai lu, je me suis dit que ce livre était d’emblée un classique, un livre de fond », souffle l’éditrice. La vraie vie du Bordelais Joseph Kabris est suivie à la trace de 1780 à sa mort à 42 ans. Adolescent, il embarque sur un baleinier, en fuit l’ambiance pour se retrouver sur Nuku Hiva, une des îles Marquises, peuplée de cannibales dont il devient l’un des guerriers redoutés aux tatouages craints. Il absorbe toute la psyché marquisienne, oublie jusqu’à ses origines et sa langue, mais un navire russe, en 1804, l’arrache à sa condition et, de Moscou à la France, il devient bête de foire itinérante, conteur et témoin vivant de monde inconnu et meurt sans avoir revu sa famille. De cette existence, Granger en a conçu un étonnant page turner et une magnifique réflexion sur l’invention et la réinvention d’une vie.

Le nom de sa maison signifie  » Tu marches avec moi « . Ce n’est pas du Macron, mais une expression des Amérindiens Sauks

« Joseph Kabris a suscité des réactions inattendues, remarque Chloé Pathé. Des lecteurs m’ont confié que ça leur avait donné envie de changer, de bifurquer. » À la tête d’Anamosa où elle fait à peu près tout, avec ou sans prix, la jeune femme ne devrait pas perdre le cap qu’elle s’est fixée il y a plus de quatre ans. Le nom de sa maison signifie « Tu marches avec moi ». Ce n’est pas du Macron, mais une expression des Amérindiens Sauks (assez proche de la tribu des Mesquakies –Renards, voire des Kickapous et qui auraient vécu dans la baie des Puants). Soit, « entretenir une confiance mutuelle avec mes auteurs. Ce travail-là avec Christophe Granger par exemple, qui est un compagnon intellectuel de longue date, fait que, à l’exception de notes de bas de page que je lui ai demandé d’alléger, il ne s’est rien interdit. C’est ce que j’attends des écrivains d’Anamosa, faire en sorte qu’ils entreprennent des projets de livres qu’ils ne feraient nulle part ailleurs. »

À cette rentrée déconfinée, elle propose un ambitieux Voir les savoirs, signé de l’historien des sciences sociales Jean-François Bert et du sociologue des sciences Jérôme Lamy (après avoir publié Le Théorème de la couche-culotte de Nicolas Santolaria – à qui on doit un autre bestseller de la maison, Le Syndrôme de la chouquette). Elle publie une dizaine d’ouvrages par an. Chloé Pathé est d’une génération de l’entre-deux. « J’ai débuté comme stagiaire chez 00h00.com, une maison pionnière de livres à la commande, quand on croyait qu’Internet allait remplacer le papier. » Ensuite, elle s’est retrouvée chez Autrement. On est en septembre 2001, et ce passage revêt une curieuse sensation en septembre 2021 : son premier livre est un document blitz paru dans la foulée de l’attentat du World Trade Center, la maison d’Henry Dougier venait d’acquérir les droits d’une impressionnante enquête, L’Ombre des talibans, la seule exhaustive à ce moment-là sur le sujet, signé du chercheur pakistanais Ahmed Rashid.  «  C’est là que j’ai pu réaliser l’impact social d’un livre. » Avec son chèque d’indemnités licenciement, elle a financé son premier ouvrage qui lui ressemble, Le Louvre insolent, à la fois livre de savoir ludique et essai de fond. De belles signatures des sciences sociales ont marché avec elle depuis, comme Thomas Bouchet, Antoine de Baecque, Sarah Gensburger ou Camille Froidevaux-Metterie – dont le livre Les Seins a aussi été un bon crû de l’année 2020. Son labo éditorial aime façonner des essais « durables ». C’est, pour elle, la meilleure façon de marcher.

www.anamosa.fr

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