Aie conscience
Publié le 4 octobre 2021 par Les Influences
L’idée : entreprendre une enquête captivante sur le soi, le libre arbitre (ou pas) et sa propre connaissance du monde à l’heure des algorithmes souverains.

#Umwelt #panpsychisme #hallucinations
Une expérience de pensée à portée de cerveau et pas chère ? Avoir conscience. La journaliste scientifique Annaka Harris, collaboratrice du New York Times, s’est ainsi lancée dans une enquête courte mais vertigineuse. Comme point de départ, la définition la plus basique de la conscience, formulée par le philosophe Thomas Nagel, auteur de Quel effet cela fait, d’être une chauve-souris ?. Soit : « Un organisme a des états mentaux conscients si cela lui fait un certain effet d’être cet organisme. » Mais la simplicité est la porte d’entrée d’une véritable odyssée scientifique et intellectuelle. Comment jaillit-elle ? Comment quelque chose peut-elle jaillir du néant ? Et dans ces interrogations en chapelet : si le cerveau humain vit des expériences conscientes, quelles preuves de cette conscience peuvent-elles être détecter de l’extérieur ?
Annaka Harris la recherche dans les intuitions qu’elle distingue des impasses illusoires (les intuitions trompeuses). Elle s’interroge sur la liberté de conscience ( « Le cerveau adapte en permanence son comportement en fonction des informations qu’il reçoit. »), et son mouvement en tant que spectatrice de l’action plutôt que directrice ou instigatrice. Elle discute les effets psychédéliques, les neurosciences, s’appuie sur le terme d’Unwelt ( « monde propre » en français) forgé en 1909 par le biologiste Jacob von Uexküll, souligne les expériences du neuroscientifique Anil Seth avec les lunettes virtuelles ( notre perception de nous-même dans le monde comme une « sorte d’hallucination contrôlée ») ou la théorie du cerveau scindé. Elle se demande si la conscience au fond n’est pas partout. C’est l’occasion de vérifier les thèses du panpsychisme (le philosophe Francesco Patrizi, XVIe siècle), mais aussi de deux théories temporelles, celle du présentisme ( le réel c’est le moment présent) et celle de l’éternalisme (le temps est un bloc). Le lecteur en a vite conscience : à l’heure où l’on annonce l’ère des super-calculateurs quantiques et des algorithmes souverains, c’est un petit livre réjouissant de discussions et d’images captivantes.
Une Brève introduction à la conscience, Annaka Harris (trad. de l’anglais par Anne Lemoine), Quanto (Lausanne), 133 p., 18,90 €. Paru mars 2021.