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Nicolas Chemla : le steak-frites est un humanisme

Publié le 7 février 2022 par

L’idée : La récente polémique entre le communiste Fabien Roussel et la Verte Sandrine Rousseau sur le steak-frites et le bien manger français n’oppose pas les réactionnaires contre les progressistes. L’anthropologue Nicolas Chemla y voit surtout une «boubourisation des esprits».


Nicolas Chemla, anthropologue du luxe et romancier. DR

Roland Barthes s’en pourlécherait les babines. « Un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, c’est la gastronomie française » : La passe d’armes récente entre le communiste Fabien Roussel, apologue du steak frites et du « bien-manger français », et l’écologiste Sandrine Rousseau, décelant un soupçon de xénophobie et lui opposant le couscous (à tort présenté comme le plat préféré des Français puisqu’il s’agit de la raclette), aura été un micro-événement de la campagne.

Rebondissant sur cette polémique dans Le Monde (« L’Époque », du 30-31/012022), Nicolas Santolaria et Marie Aline dépeignent un « repas traditionnel à la française » vampirisé désormais par les suprémacistes et les youtubeurs identitaires, et l’essayiste Jean-Laurent Cassely , contributeur régulier de la Fondation Jean Jaurès, décrète que le steak-frites est définitivement « passé à droite ». Thierry Pech, pour Terra Nova, le think tank ami mais néanmoins concurrent, remet cette sentence en perspective dans son article, « La Bataille du biffteck » : «Il me semble qu’un chemin de compromis pourrait consister à inviter chacun à manger deux fois moins de viande et deux fois mieux, c’est-à-dire à consacrer le même budget à acheter plus rarement une viande un peu plus chère et de meilleure qualité : non transformée, fraîche et locale. Sur ce dernier point d’ailleurs, n’en déplaise à Jean-Laurent Cassely, droite nationale et écologie politique se rejoignent parfois, cultivant toutes deux le locavorisme, le terroir, l’artisanat de qualité et le rejet des « sandwich triangle », des burgers précuits sous plastique et des sauces bolognaises en conserve. L’adoption d’un régime de consommation deux fois moins carné serait de nature à assurer à la fois la rémunération des éleveurs, la santé des consommateurs, une plus juste allocation des terres et une prise en compte des intérêts de l’environnement. Je pense aussi que ce n’est pas tenir en grande estime les classes populaires que de les considérer a priori incapables de s’approprier ces questions et de s’interroger elles-mêmes sur leurs habitudes alimentaires et la santé à long terme de leurs enfants.»

Un anthropologue et romancier est également beaucoup plus nuancé sur cette question. Précurseur, Nicolas Chemla a forgé en 2014, la notion de « boubour » : après le « bobo », le « boubour » ou bourgeois-bourrin. En août 2021, dans The Atlantic, David Brooks, le théoricien des bourgeois-bohème reconnaissait lui aussi que le boubour de Nicolas Chemla commençait à prendre le dessus sur son sociotype forgé en 2000. Son Anthropologie du boubour (2016, aujourd’hui épuisé) décrivait cet halo culturel qui fait la marque du trumpisme et autre comportement autoritaire, mais pas seulement.

C’est la radicalisation qui fait le boubour.

« Le boubour n’est pas un sociotype, mais un nuage de valeurs qui tend à tout radicaliser, formule-t-il. La “bourrinisation” des esprits s’impose à toutes et tous, boubours de droite, boubours de gauche. » Ainsi de délicats végans et des antispécistes anti-viande radicaux peuvent s’avérer bien plus boubours que le supposé boubour viandard qui, lui, peut être un connaisseur de viandes bien élevées et maturées, élaborant un discours philosophique et civilisationnel. C’est la radicalisation qui fait le boubour. « La boubourisation des esprits, de Zemmour à Sandrine Rousseau en passant par Alice Coffin, est totale », affirmait Nicolas Chemla en novembre dernier dans un entretien à La Dépêche du midi. Le steak-frites lui peut être aussi un humanisme.

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