Le Cerf et le Seuil : le débat d’idées dans ses petits papiers
Publié le 10 février 2022 par Les Influences
L’idée : Libelles, placards, opuscules… Des éditeurs se mettent dans la foulée du succès de la collection Tracts, créée par Alban Cerisier chez Gallimard.

Chartiste, seul archiviste à plein temps d’une grande maison d’édition, Alban Cerisier avait eu l’idée en consultant les archives de Gallimard de réactiver la collection Tracts. Dans les années 1930, elle accueillait des textes courts et incisifs, signés André Gide (Retour d’URSS) ou Jean Giono (Lettres d’un pacifiste). Depuis, Tracts avec le renfort de ses auteurs maison (Régis Debray, Danielle Sallenave en tête) cartonne. La collection tint même la maison à elle toute seule durant le grand confinement de mars 2020 : chaque jour, elle proposait un « tract de crise » autour de la pandémie, téléchargeable sur le site de Gallimard, avant que la production ne devienne une anthologie papier du COVID-19.
Le succès a réveillé les appétits d’autres éditeurs.
Au Cerf, Jean-François Colosimo s’est souvenu de 1928 et de la revue fondatrice La Vie intellectuelle de la vieille maison dominicaine : depuis octobre dernier, l’éditeur propose son média intellectuel tous les 15 jours, en librairie, intitulé « Placards et Libelles ». Soit une grande feuille (équivalente d’un 16 pages), conçu par le maquettiste Sylvain Collet, que l’on déplie au fur et à mesure de sa lecture. L’historien Emmanuel de Waresquiel a été le premier à placarder son texte sur les origines de l’affiche d’opinion, la directrice de la Revue des deux mondes Valérie Toranian a alerté sur l’Arménie, alors que Kaboul tombait Jean-Marie Montali a réveillé un texte du Commandant Massoud, Alexandre Adler a croqué la chute des empires. Plutôt foyer d’idées libéral, les sujets abordés sont variés, relevant de l’actualité ou d’une approche originale, à l’instar du Manteau de Thepsis (n°6) écrit par le médiacrate Christophe Barbier, également comédien qui joua récemment le ministre Georges Mandel sur scène, et réfléchit dans son texte, sur les liens entre démocratie et théâtre (« L’histoire montre que le théâtre est l’obstétricien de la démocratie »).
Le Seuil, lui, fait dans le mini-pocket de combat. Ses opuscules intitulés « Libelles » balaient l’actualité par l’hémisphère gauche : Pour une télé libre de Julia Cagé, L’Ensauvagement du capital de Ludivine Bantigny, Qui annule quoi ? de Laure Murat, La Langue de Zemmour de Cécile Alduy, ou ce 11 février, Mesurer le racisme, vaincre les discriminations de Thomas Piketty.
Souples, peu chères à fabriquer et à acheter (entre 2,50€ et 4,50€), rapidement consommables et médiatisables, ces publications sont destinées à participer aux débats publics, mais aussi à faire la démonstration de la puissance de feu intellectuelle des maisons d’édition. Et la visibilité des auteurs dans leurs petits papiers.
