Julie Clarini, au Seuil de L’Obs
Publié le 19 mai 2022 par Rédaction LI
L’info : Éditrice au Seuil en charge des sciences humaines depuis 2019, elle revient à la source, le journalisme intellectuel et les pages Idées.
Un tweet de bienvenue, signé de la directrice de la rédaction de L’Obs, Cécile Prieur : Julie Clarini est de retour dans la presse. Après un intermède, très confiné pour cause de Covid, la responsable des documents et des essais aux éditions du Seuil (groupe Media Participations) s’apprête à prendre la responsabilité des pages idées du newsmagazine. Elle n’y sera pas trop dépaysée, car le journal a été absorbé par le groupe Le Monde, où elle a longtemps officié pour Le Monde des livres et le supplément idées.

Rien ne laissait présager que Julie Clarini, agrégée de lettres classiques, rejoindrait un jour le microcosme enchanté des journalistes d’idées, et ne devienne l’une des arbitres de l’édition des sciences humaines et sociales. « Je viens d’une famille de professeurs. Comme j’étais bonne élève, on me disait : ‘Passe l’agreg’ d’abord, et ensuite tu verras !’ » Ce qu’elle a fait. « Après cela, j’ai dû enseigner un an. Mais je ne désirais pas vraiment devenir professeur de lettres. Non pas que ce ne soit pas un très beau métier, mais parce que j’ai voulu changer de l’habituelle trajectoire familiale », racontait-elle aux Influences, en novembre 2012 dans un long portrait-entretien.
J’estime qu’il est extrêmement important de penser contre soi-même, non pas en tant que que citoyen, mais en tant que journaliste.
Sérieuse opportunité : en 1997, Antoine Spire, qu’elle avait rencontré à l’occasion d’un stage, lui propose de travailler pour son émission quotidienne « Staccato ». S’ensuivra une longue carrière au sein de la station culturelle publique. En 1999, Julie Clarini rejoint « La suite dans les Idées », émission que vient de créer le directeur de la rédaction des Inrockuptibles Sylvain Bourmeau. Les affaires sérieuses débuteront en 2006, avec « Le Grain à moudre », qu’elle co-anime réellement, façon Chapeau melon et Bottes de cuir de l’actualité des idées, pendant cinq ans avec Brice Couturier. Dans Les Inrocks on la taxe de « gauchiste ». « Ça c’était le jeu !, s’amuse t-elle. Les choses étaient bien plus subtiles que ça… Parfois Brice me disait : « Tu veux pas faire la jeune politiquement correcte ? Comme ça je pourrai faire le vieux réac en disant ça, et ça ». On faisait un peu de mise en scène. » Plus que de la mise en scène, ils s’entraînent très régulièrement à défendre les « thèses » de l’autre. « On se disait : ‘Moi si j’étais toi, je dirais ça’. C’était amusant. On ne suivait pas l’actualité, on cherchait les lignes de clivage, à faire émerger des voix. Avec toutes les limites du débat, qui donne souvent de l’importance à des choses qui n’en ont pourtant pas tant que ça. Il est trop compliqué aujourd’hui de se placer à gauche ou à droite. Je peux avoir beaucoup de plaisir à lire quelqu’un avec qui je ne suis pas d’accord, si je sens derrière une pensée originale. »
J’aime la clarté. Ou plutôt, j’ai une incapacité à plonger dans la spéculation.
Julie Clarini
Elle quitte finalement l’émission à l’été 2011, non sans tristesse, quand Jean Birnbaum l’invite à rejoindre le Monde des Livres. Au Monde, le travail de bénédictin de l’actualité des essais est beaucoup plus calme. « Je suis capable de m’enthousiasmer sur des livres très universitaires, explique-t-elle. Mais je ne me situe dans aucune obédience particulière, ne fais preuve d’aucune religiosité. » Julie Clarini n’est pas pour autant une Marie-Chantal du paysage intellectuel. « J’estime qu’il est extrêmement important de penser contre soi-même, non pas en tant que que citoyen, mais en tant que journaliste. » Quand on lui demande quelles sont les qualités qui lui auraient servi dans sa carrière, c’est après un grand silence qu’elle lâche : « J’aime la clarté. Ou plutôt, j’ai une incapacité à plonger dans la spéculation… Je ne comprends pas, tant que je n’ai pas rendu les choses claires. C’est une qualité malgré moi, parce que je crois que je n’ai pas trop de difficultés à rendre les choses claires, à la fois pour le lecteur et pour l’auditeur. »

En 2019, autre aventure, elle rejoint les éditions du Seuil, au titre de directrice éditoriale adjointe, en charge des sciences humaines et des documents. Mais d’un virus, l’autre, Julie Clarini va reprendre les rênes des pages idées de L’Obs, particulièrement convoitées.