Jean-Laurent Cassely refait sa vie
Publié le 28 septembre 2022 par Emmanuel Lemieux
L’Info : Après le grand succès de La France sous les yeux (Seuil) avec Jérôme Fourquet, le scrutateur de mutations réédite La Révolte des premiers de la classe (Arkhê) dans une version augmentée, à la hauteur des bouleversements considérables survenus depuis cinq ans.
Avec 140 000 exemplaires vendus de La France sous nos yeux (Seuil), Jean-Laurent Cassely et son co-auteur et complice, Jérôme Fourquet, font partie des essayistes les plus lus du moment. Mais le chroniqueur, par ailleurs co-rédacteur de la newsletter Signaux forts (sur le site Bona.Fide.Paris), a un travail (très) personnel. Jean-Laurent Cassely théorise un monde dominé par les marques, où la culture de la consommation remplacerait les traditionnels marqueurs politiques et dessinerait de nouvelles classes. Remarqué pour son premier ouvrage, La Révolte des premiers de la classe (Arkhê), il vient de le remanier pour proposer une analyse plus au goût du jour. En 2017, sa thèse et ses observations décrivaient de jeunes surdiplômés prêts à tout lâcher pour prendre leurs risques et se frotter à l’artisanat. D’ex HEC devenaient ainsi artisans plombiers, bouchers ou customers de motos. La désormais fameuse « quête de sens » recherché dans son travail. Sauf que l’on est passé de l’anecdote signifiante à un phénomène inédit.
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« J’ai en effet augmenté le livre d’une introduction conséquente, nous indique Jean-Laurent Cassely, le COVID et les effets du premier confinement sont passés par là. » Et un sous-titre a été rajouté qui souligne l’évolution : Changer sa vie, la dernière utopie. L’ère Post-Covid s’illustrerait par une évolution massive de cette tendance, selon l’essayiste : « 1. Une diffusion thématique avec la montée des préoccupations écologiques chez les plus jeunes générations et le déplacement de la critique des « métiers à la con » vers celle des métiers nuisibles pour la planète. 2. Une diffusion verticale avec le phénomène dit de « grande démission » de la main-d’œuvre, qui touche cette fois des travailleurs moins diplômés et moins qualifiés et qui pose la question de la place que chacun occupe dans une société de services. 3. Une diffusion horizontale ou spatiale avec l’entrée en compte d’une dimension territoriale importante dans les changements de vie, ce qu’on appelle désormais le phénomène d’« exode urbain ». Les premiers de la classe des années 2010 étaient des « role models » de la décennie. Mais le contrat social lui aussi ne tremble-t-il pas sur ses bases ? Mise en garde de Cassely : « D’une certaine manière, le mythe de la reconversion-passion est un tableau romanesque qui laisse de côté les éléments qui ne cadrent pas avec le récit de la toute-puissance de la volonté individuelle. » Comme le rôle puissant de l’État et la société eux-mêmes, promoteurs qui déploient des moyens importants en coulisse pour permettre de changer de vie à celles et ceux dont c’est l’aspiration. La Grande démission ne provoquerait-elle pas à terme le Grand clivage ? 44% des actifs se sentent inutiles et dans l’incapacité de changer de situation, selon une récente étude du cabinet Occurrence pour la fondation Travailler autrement.
La Révolte des premiers de la classe, Arkhê, 208 p., 17,90€. Nouvelle édition, revue et augmentée.
