L’info fatigue énormément, et l’antidote démocratique n’est pas encore trouvé
Publié le 4 avril 2023 par Rédaction LI
Note de lecture : S’informer moins, c’est mieux ? L’essai (sans beaucoup de solution politique) de Guénaëlle Gault et David Médioni. Par Maxime Verner
Dans Quand l’info épuise (L’Aube), la DG de l’Observatoire Société et Consommation, Guénaëlle Gault et le journaliste David Medioni, directeur de l’Observatoire des médias de la Fondation Jean Jaurès, ont le mérite de poser une question de santé publique et de démocratie trop souvent cachée sous le tapis. Le phénomène a pris une telle ampleur dans la dernière décennie qu’il ne peut être étranger à la crise démocratique que nous traversons. Dans un monde où les internautes visionnent chaque jour un milliard d’heures de vidéos sur YouTube et où le volume d’information numérique double tous les deux ans, les citoyens sont largués face à un flux permanent d’évènements non hiérarchisés, et un volume d’information sans limites : il faut des rituels.
Le phénomène de la fatigue informationnelle a pris une telle ampleur dans la dernière décennie qu’il ne peut être étranger à la crise démocratique que nous traversons.
Les médias ont perdu leur pouvoir de décrypter le monde : il s’est accéléré et complexifié trop vite pour eux. Les citoyens ont dont le sentiment de n’avoir plus prise sur le cours des choses, et le sentiment désagréable de ne plus rien maitriser. C’est, selon les auteurs de ce court essai, cette fatigue informationnelle qui vient renforcer un cercle vicieux qui essore déjà les citoyens les plus éclairés, les éloignant du collectif et les plongeant dans l’incertitude et le pessimisme.
L’électeur moyen est plus âgé. Il a construit son rapport à l’information dans le monde d’avant Internet, il a une vision du monde et donc parvient à métaboliser les informations qu’il « consomme » de plus en plus sur des chaines d’information en continu. Si la question du volume et la distribution de l’information les concerne moins, ils payent aussi la perte de valeur de l’information et son homogénéisation : 85 % des Français ont le sentiment de voir tout le temps les mêmes informations. L’économie de l’attention est entrée de plain-pied dans l’ère de la marchandisation du temps de cerveau disponible. Puisqu’elle se mesure quantitativement, la « murdochisation » de la presse et de la télévision ne pouvait que s’accélérer sur les médias en ligne. L’ère de la fast info débouche naturellement sur des concepts aussi dangereux que la post-vérité, les faits alternatifs et on connait la suite.
Pour se guérir de la fatigue informationnelle, limiter son attention aux informations à 30 minutes par jour, se construire des rituels ou sélectionner des sources qui prennent de vrais choix éditoriaux suffira-t-il ? C’est l’ensemble du système social qu’il faudrait déconstruire, car il évite soigneusement de bâtir une culture politique et économique, pour ne pas avoir à accepter la part de conflit qui fait dans son dépassement toute la valeur de la résonance démocratique, qui reste d’être effacée dans cette longue agonie de la fonction journalistique, chez les professionnels comme chez n’importe lequel de nos concitoyens.