Influences (n. fem. pluriel)
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  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Maxime Bussy, un boulanger bien dans son pétrin

Publié le 11 avril 2023 par

Nichée dans le XXe arrondissement, sa boulangerie Le Bricheton innove avec ses farines anciennes, la levure et les gestes. Philosophie : prendre son temps.

Le boulanger Maxime Bussy dans son atelier. ©Gérard Cambon


Quand est ce qu’il a vraiment réalisé que son travail de boulanger n’avait rien de commun avec la baguette surgelée ? Lorsqu’une entreprise de l’agro-business l’a approché pour lui proposer de réaliser une vidéo sur son art du pétrissage. « Une belle tentative de bread-washing. Elle ne voulait que des images pour faire joli et puis les utiliser dans un film d’entreprise à la gloire de la boulangerie industrielle, mais pas question d’évoquer mes farines anciennes, le levain et ma démarche. Elle n’en voulait que l’image », résume Maxime Bussy en souriant, dans les quelques tout petits mètres carrés du Bricheton (« morceau de pain » en argot militaire), sa boulangerie du XXe arrondissement. Silhouette féline de danseur sur fil, chevelure romantique, le quadragénaire est boulanger ou plus exactement, boulanger paysan. Des savoirs ancestraux, des gestes précis et de l’innovation. La boulangerie moderne a tout tué pour domestiquer le pain. Les farines industrielles et les levures en constituent les vigiles qui obéissent au doigt et à l’œil, et même à la baguette. Maxime Bussy, lui, considère la boulangerie comme une cohabitation avec les farines anciennes (du rouge de Bordeaux, de l’étoile de Choisy, ou un barbu du Roussillon…), le levain et les bactéries, la température, le frigo, les différences thermiques… « C’est le vivant qui mène la danse dans ce métier ». Ce jour-là, une brioche le tarabuste. Son beurre a un goût trop prononcé. Est-ce un déplacement tout simplement de la brioche dans l’atelier, ou bien est-ce que la matière grasse a ce rance aigre dû à un changement d’ensilage de son fournisseur, à moins que cela ne vienne des fourrages eux-mêmes, contrariés par la canicule ?

Son métier : « prendre son temps, faire tous ses gestes en conscience, ne pas avoir peur de rater ». C’est un faux calme. Il lui a fallu pas mal de ténacité et d’ « indispensables ratages ». Avant d’être le théoricien passionnant de sa boulangerie, il aura vécu des existences cabossées, variées et mouvementées. « En effet, le pain m’a rendu mature », songe-t-il. En 2008, il a passé son CAP de boulangerie, école Ferrandi, puis quelques détours l’ont éloigné du fournil. De retour de Mexico où il avait créé un étonnant festival du cinéma africain, il devient serveur dans les restaurants de République : « C’est un beau métier que d’être serviable, et d’avoir l’impression d’œuvrer à des moments de joie et de plaisir ». « À cette époque, nous n’étions pas hyper-heureux, témoigne Jordane Saget, ancien collègue, son ami son frère, et l’un des meilleurs street-artistes internationaux du moment, la nuit on picolait, on fumait pas mal, on tournait en rond mais on a théorisé sur le ratage, et c’est ce qui nous a sauvés tous les deux. Rater c’est aussi progresser, préciser une idée, se définir. » « Je me souviens que l’on s’était fabriqué de fausses cartes de visite pour réaliser ce que l’on pouvait devenir. On s’est entraidés à trouver notre manière d’être », dit Maxime qui, tout naturellement, a demandé à Jordane qui le lui aurait de toute façon demandé, d’embellir sa devanture. Les premiers pains de Maxime ont été réalisés pour le restaurant Au Passage. Il s’est très vite passionné pour les farines anciennes, khorasan, sarrasin, intégral, mélange de blés sudistes… « un acte capital pour retrouver toute l’autonomie et le plaisir du métier ».

« Dans le métier de boulanger, le vivant mène la danse. » ©Gérard Cambon

Affilié aux paysans boulangers, il s’ouvre à un autre monde, celui des maîtres du levain, matière vivante capricieuse comme un chat mais qui permet la fermentation, et n’utilisera plus que des céréales issues de semences paysannes. Son eau ne coule pas de son robinet, mais il va la chercher dans un puits artésien à la Butte-aux-Cailles. Avec l’eau, la farine et le sel (Salorge de Vertonne sur l’Île-d’Olonne) : il malaxe l’ancestral et l’innovation pour composer de nouveaux assemblages. Même son pétrissage a été raisonné. « Il ne se fait pas à l’électricité, ce qui fait qu’en ces périodes de folie énergétique, nous passons sous les balles ». Devant la pâte à pétrir, sa chorégraphie de boulanger a été étudiée par un kiné, mais aussi un danseur étoile, qui lui ont conseillé des postures et des gestes afin de ne pas se ruiner le corps. »

Au moment où ces lignes seront lues, le boulanger ne sera plus dans le lilliputien Bricheton – mais ses disciples venus du monde entier veillent. Le quadragénaire sera en train de faire un tour de France compagnon. Un mois et demi à se familiariser avec les techniques des meuniers. C’est que depuis quelque temps, son attention est portée sur Montfermeil : le dernier moulin à vent de la Seine-Saint-Denis, système Berton de 1740, attend ses prochaines farines. En l’occurrence, celle créé par Maxime Bussy, à la tête d’Agrof »île, petite association d’agro-foresterie, qui met au point une farine de céréales paysannes fabriquée uniquement pour ces lieux retrouvés. Maxime Bussy n’est pas sorti du pétrin.

Instagram : @lebricheton


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