Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

Filtré pour vous : L'actualité politique et intellectuelle

#Edition #Elisabeth Borne #Emmanuel Macron #Médias #Politique

Petits et grands secrets d’Elisabeth Borne

Publié le 17 mai 2023 par

La Première ministre a porté plainte contre La Secrète, un livre d’enquête de Bérengère Bonte, journaliste de France Info, réclamant que l’on supprime quelques passages jugés trop personnels lors d’une éventuelle réimpression.

#L’INFLUENCEUSE. Après notre entretien, elle a tenu à nous restituer par SMS, l’exactitude d’une confidence d’Elisabeth Borne que la journaliste avait enregistrée, et Berengère Bonte a eu raison : « C’était inconscient chez moi, mais la façon dont ma nomination à Matignon m’a obligée à en parler [de l’histoire et de la mort de son père] m’a fait prendre conscience que oui, je relativise beaucoup. Au regard de ce que j’ai vécu dans mon enfance et de ce que mon père a vécu, il n’y a pas grand chose de grave. » Ces petites phrases obtenues à l’arraché lors d’un entretien court et dense avec la Première ministre un soir de janvier dernier, constituent la psychologie complexe d’un personnage que d’aucun comparait pourtant à un ectoplasme politique, comme la Macronie en produit tant depuis 2017.

« La  Secrète » titre l’ouvrage d’enquête fouillé, gourmand et curieux de Bérengère Bonte. Dans le livre, la Première ministre, elle, se comparerait volontiers à Elastigirl. Mais au sortir de la lecture, on est plutôt tenté de dire « Le Silex ». Car le livre, et c’est une surprise, rend saillante une dimension romanesque de la figure publique, falote et techno, et que ses services de com ont bien du mal à vendre depuis un an. Plus que son cursus à Polytechnique (le chapitre le plus faible, l’institution verrouille bien), son premier mari et père de son fils, sa découverte du jospinisme et du pouvoir, sa collaboration ignifugatrice avec la ministre de l’Environnement Ségolène Royal,  son ralliement à Emmanuel Macron, et même ses authentiques vociférations, autoritarisme et obsession du détail à Matignon, ce sont bien les origines familiales qui intriguent le plus. La pupille de la nation a eu un père. Joseph Bornstein, (devenu Borne dans la résistance), rescapé de la déportation, mais qui s’est suicidé en 1972, comme nombre de revenants de la Shoah. Pire, sa mère aurait reproché à sa fille cadette, Elisabeth, alors âgée de 36 ans, d’avoir le jour de sa naissance, le 18 avril 1961, contribué au déclenchement de la profonde dépression nerveuse de son père épileptique. Ce que les camps n’avaient pas réussi, sa fille l’aurait provoqué. Elisabeth Borne, nommée Première ministre, a du évoquer le fantôme de son père lors de son discours. Comme l’intrus d’un parcours jusqu’ici très lisse. Les rires d’Elisabeth Borne sont pareils à des explosions de protection et de diversion, note sa biographe. Sans ce malheur originel, le déroulé de sa vie se confondrait avec celui des générations politiques nées dans les années 1960-70 : soit un CV de surdiplômée, aussi excitant qu’une eau de fontaine d’entreprise, pas vraiment une épopée voyou de la Ve République avec ses plaies, bosses et coups bas.

Qui aurait parié que l’ouvrage la ferait sortir de ses gonds, et qu’une petite foudre judiciaire tomberait sur lui ? Le 10 mai, Elisabeth Borne faisait savoir qu’elle demandait la suppression de différents passages du livre, en cas de réimpression de l’ouvrage tiré, selon l’éditeur Jean-Daniel Belfond, à 15 000 exemplaires. Si c’est si grave, pourquoi ne pas demander tout de suite au tribunal judiciaire de Nanterre, son interdiction pure et simple ? « Parce que c’est le genre de demande qui ne se fait que très rarement, nous instruit l’éditeur, seul le livre du docteur Gubler [le docteur personnel de François Mitterrand atteint d’un cancer tenu secret] a eu le droit à une telle interdiction. Les avocats de Matignon ont sans doute estimé que c’était une voie médiane moins périlleuse, nous verrons bien. Quant à nous, nous défendons un principe : la liberté d’enquêter. » Enquêter sur quoi ? Sur le fait de manger des Bounty (suggérant une tendance anorexique), de parler de son fils Nathan (vie trop privée), et surtout, d’un étrange compagnon, qui serait le paravent légal d’une homosexualité inavouée (bis). Tels sont les passages qu’Elisabeth Borne n’aurait jamais voulu lire. « C’est d’autant plus absurde que cela n’empêchera pas la circulation de cette version, ni la lecture sur ebook », note Bérengère Bonte qui aura rencontré nombre de très proches et d’intimes de la Première ministre, plus prolixes et précis les uns que les autres.

La Secrète est le titre de la biographie d’Elisabeth Borne, après lecture on serait plutôt tenté de dire Le Silex

   Avec son livre, la journaliste politique ne s’est pas fait que des lecteurs, Matignon lui est désormais zone interdite. C’est d’autant plus paradoxal que La Secrète est bien loin d’être un pamphlet anti-Borne. Extraits : « La pupille de la nation qui se voit depuis toujours en Elastigirl n’abandonnera jamais ce pacte scellé avec elle- même : Ce début de vie compliqué m’a donné envie de me dire qu’on allait remettre les choses en ordre pour qu’elles marchent mieux », m’avait-elle expliqué lors de notre première rencontre. En clair, ne jamais cesser de progresser pour toujours réparer son pays. » Elle lui trouve de l’intérêt, elle parie sur une certaine longévité à Matignon car « pour l’instant, Macron n’a personne d’autre en stock », elle la trouve même pugnace et pas moins crédible à son poste qu’un certain Édouard Philippe, sujet de sa précédente bio. Le 24 mai, la justice devrait trancher sur ce que peut garder ou non rien que pour elle, Elisabeth Borne comme grands et petits secrets.

La Secrète, Bérangère Bonte, L’Archipel, 240 p., 21 €. Sortie : 5 mai 2023.


Bérangère Bonte, bio-express

« J’ai le piano de mon grand-père, un Seiler, autrement dit mister Nobody, bon, mais je l’aime quand même, c’est l’essentiel ! », s’amuse-t-elle. Sans compter le violoncelle. Elle aurait pu être musicienne. Elle aurait pu être comédienne de théâtre également (« Le souffle et la gestion du silence m’ont beaucoup aidé en radio. »). Et pourquoi pas danseuse. Mais la « provinciale du Nord » comme elle se dépeint, est allée finalement sur d’autres pistes. Celle du journalisme d’enquête. Bérengère Bonte, 53 ans, s’est fait la main sur un sujet pionnier à l’époque dans les médias, le changement climatique, mais aussi les nouvelles technos, les sports et la politique. Après RFO en 1993, Europe 2 mais surtout un quart de siècle à Europe 1, l’éclectique a rejoint la radio de service public l’année dernière. Elle a réalisé pour la télé, quelques documentaires (quatre dont un Connors Vs McEnroe) mais ce sont surtout ses enquêtes et biographies politiques, coachées par l’éditeur Yves Derai, qui ne lui ont pas valu que de chouettes copains : la garde rapprochée d’Edouard Philippe conserve toute leur hostilité envers l’enquêtrice; la direction de la communication de Matignon n’est plus vraiment prête à lui faciliter la vie désormais. Pour ses travaux d’écriture en solitaire, Bérengère Bonte a une conseillère éditoriale de choc. Catherine Nay, connue à Europe 1, échange volontiers avec elle. « Je l’admire. À 80 ans, elle cisèle ses portraits politiques et se demande toujours et encore, si elle à le ton ou le mot juste », souligne la benjamine. Depuis cette rentrée sur France Info, elle anime, une chronique quotidienne, « L’Intrus ou l’intruse de l’actu ». Des croquis sur le vif, mais documentés, de personnages qui s’immiscent de façon inattendu sur le fil de l’info. Des gens hors-cadre, mal connus ou carrément secrets. On la soupçonne d’avoir un faible pour les coups de théâtre dans la vie grise. ELX


Je m'abonne ! Partage Twitter Partage Facebook Imprimer

Laisser un commentaire

Ce site web utilise ses propres cookies et ceux de tiers pour son bon fonctionnement et à des fins d analyse. En cliquant sur le bouton Accepter, vous acceptez l utilisation de ces technologies et le traitement de vos données à ces fins. Vous pouvez consulter notre politique en matière de cookies.   
Privacidad