Le film Shoah versé au patrimoine mondial par l’Unesco
Publié le 19 mai 2023 par Rédaction LI
L’info : L’œuvre monumentale de Claude Lanzmann rejoint le » registre de la Mémoire du monde »
Ce qui pouvait déjà être considéré comme acquis, ou tombé sous le sens depuis longtemps, est officialisé. Dans un communiqué en date du 19 mai, l’Association Claude et Félix Lanzmann (A.C.F.L.) informe que le film Shoah (1985) est désormais inscrit au « Registre de la Mémoire du monde » par l’Unesco.
Shoah, le mot hébreu pour «Catastrophe », représente neuf heures et vingt-six minutes de film, mais également deux cent vingt heures de pellicules conservées à l’USHMM (United States Holocaust Memorial Museum) de Washington et tout autant d’interviews audio, conservées au Jewish Museum Berlin, Musée Juif de Berlin, (institution choisie par l’ACFL). Dans ce monument sans pareil, Lanzmann façonne à travers une écriture documentaire très personnelle, la mémoire de l’extermination des six millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Les revenants des camps y libèrent leurs paroles jusqu’alors très rares, mais également l’œil-caméra de Lanzmann incise les silences de lieux terrifiants, mais surtout les non-dit, les derniers secrets ou les confidences sans filtre de Sonderkommandos ou juifs du travail, d’esclaves assignés aux chambres à gaz et aux fours, d’habitants polonais voisins des camps, de petits bureaucrates et de bourreaux nazis eux-mêmes. Le terme « Shoah » s’est imposé en France puis en Europe à la sortie du film – tandis que les États-Unis emploient le mot « Holocauste».
Claude Lanzmann (à gauche) sur le tournage de Shoah, à Auschwitz avec son chef-opérateur William Lubtchansky. ©ACFL
Dominique Lanzmann, la veuve du cinéaste et présidente de l’association, précise les modalités : « Les Commissions Nationales françaises et allemandes de l’UNESCO avaient proposé conjointement la candidature de Shoah à la Mémoire du Monde. L’ACFL porte la candidature pour la France et le Musée Juif de Berlin pour l’Allemagne, choisi par l’ACFL car dépositaire des archives sonores préparatoires de Shoah.»
Qu’est que cela signifie concrètement ? Dans cette Mémoire du monde, Shoah rejoint les archives des Frères Lumière, Metropolis de Fritz Lang, Los Olvidados de Luis Buñuel, et toute l’œuvre de Bergman. Considérée comme une œuvre primordiale de l’histoire orale, le film fleuve rejoint également comme témoignage essentiel, Le Journal d’Anne Frank, les archives du ghetto de Varsovie, celles du procès d’Auschwitz et la collection de témoignages de Yad Vashem. « L’Histoire retient très peu de choses des siècles. Le XXe siècle est le siècle de la Shoah, c’est aussi le siècle du Cinéma», résume Dominique Lanzmann.
Ce versement de l’Unesco à la mémoire mondiale devrait encourager la diffusion de Shoah, notamment en milieu scolaire et universitaire dans le monde entier. À sa sortie en 1985, la télévision de service public qui avait acheté les droits de diffusion dès 1979, hésita longtemps à diffuser l’œuvre qui se déroule sur presque dix heures, et ce fut finalement TF1, fraîchement privatisée, qui s’en chargea, en quatre épisodes à partir du 30 juin 1987, et sans coupures publicitaires. L’impact de la diffusion, en marge du procès de Klaus Barbie, fut considérable.
Du 6 novembre au 20 décembre 2023, indique également Dominique Lanzmann, Shoah et toute l’œuvre du cinéaste feront l’objet d’une rétrospective intégrale à la Bibliothèque Publique d’Information du Centre Pompidou, en amont du centenaire de la naissance (1925) de Claude Lanzmann, des 40 ans de la sortie de Shoah et des 80 ans de la libération des camps en 2025.