Faut-il leurrer, mentir ou désinformer pour défendre une juste cause ?
Publié le 7 novembre 2012 par Christian Harbulot
Le combat pour la liberté de l’information est un droit inaliénable à condition de ne pas le pervertir. Si le fort est souvent tenté de le faire, le faible devrait a contrario s’interdire tout franchissement de la ligne rouge sous peine de fausser les bases de sa légitimité dans la prise de parole. Or depuis quelques années, les tendances au dérapage se multiplient du côté des chevaliers blancs de la société civile. L’histoire avait pourtant bien commencé.
Dès la fin des années 80, les campagnes de protestation issues de la société civile ont peu à peu occupé le terrain de la société de l’information. La première victoire significative fut remportée par les partisans du retrait de l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI). En 1997, une âme généreuse mit en ligne sur Internet le brouillon d’un rapport en cours de réalisation au sein de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques. Très vite, le débat s’amplifia au sein d’une petite communauté du web. Une force hétéroclite (défenseurs de l’autonomie des Etats de la bannière étoilée, partisans de l’exception culturelle, syndicalistes) mena de part et d’autre de l’Atlantique une campagne d’opinion contre les risques d’une libéralisation accrue des échanges. Cet affrontement informationnel tourna à l’avantage des anti-AMI lorsqu’un journaliste tendit le micro au représentant d’un des quelques dizaines de manifestants qui s’étaient donné rendez-vous au siège de l’OCDE, Porte de la Muette. Ce dernier émit l’hypothèse que la gauche plurielle alors au pouvoir ne résisterait pas à la validation de cet accord par le gouvernement dirigé par Lionel Jospin. Ce message porta ses fruits puisque la partie française se retira du projet, ce qui l’enterra définitivement.
Ce cas d’école soulignait la force d’un débat public sur un rapport réalisé de manière quelque peu occulte. Il donnait aussi un aperçu de ce qu’allait devenir la force du buzz sur la toile ainsi que la capacité de frappe tous azimuts des individus et des collectifs de citoyens à travers le monde. Ainsi naissait un nouvel art de la rhétorique virtuelle. Sa force combinait la démultiplication de la liberté de parole en temps réel à la volonté de polémiquer par des arguments cumulables aux sources infinies du web.
Qu’en est-il aujourd’hui de cette nouvelle forme de pratique de la démocratie ?
Le dossier publié sur www.infoguerre.fr sous le titre « éthique humanitaire et manipulation de l’information » est une alerte sur certaines formes de dérapages informationnels à l’image de cette ONG mondialement connue qui crée un faux site à l’enseigne d’une entreprise qu’elle a prise pour cible. En adoptant les armes du fort, le faible quitte le terrain de l’éthique du révolté pour s’engouffrer dans le no man’s land où tout est permis au risque d’y perdre sa raison d’être initiale.