Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Lettres et le néant

Publié le 9 janvier 2021 par

POP SPIRITE, la chronique des imaginaires de la pop culture

polar.jpg À l’occasion de conseils mal inspirés, j’ai voulu comprendre pourquoi certains auteurs à la mode me tombaient des mains – ceux qui ne terminent pas leur phrase ou vous annoncent que la fiction est morte. J’ai cru trouver un début de réponse lorsque l’un d’eux, au détour d’un paragraphe, écrit que son histoire n’a pas grande importance et que les mots n’y peuvent pas grand-chose, comme un aveu d’essoufflement. Une littérature dévitalisée. C’est peut-être pour ça qu’il ponctue si mal ses phrases – la ponctuation, c’est le souffle, non ? Comme si on était toujours dans cette même impasse des 50s : comment écrire face au néant ? La réponse étant toujours la même : on fait de la littérature, mais on n’y croit pas vraiment.

Le néant, Jim Holt, lui, le contemple droit dedans, assis au bord d’un trou noir sur la couve de Pourquoi le Monde existe-t-il ? (Éditions Les Novateur.es, 360 p., 21, 90€). Il en tire de tout autres conclusions. C’est que, nous explique-t-il au fil de ce polar existentiel dévoré en deux nuits, le néant lui-même a changé de nature. Il n’est plus, comme à l’époque de Sartre, juste une hypothèse. Le Big Bang non plus, ni les trous noirs. Le vide est au cœur de la matière, et la physique quantique déploie une infinité de multivers possibles. Holt, au fil de son enquête jubilatoire, tente d’épuiser toutes les réponses possibles à la question «  pourquoi il y a-t-il quelque chose plutôt que rien  », interviewant les plus éminents cerveaux des 15 dernières années (et des 30 derniers siècles), et l’excitation qu’il partage face au néant sonne comme un manifeste pour l’imagination, l’invention narrative… la littérature, en fait. Revitalisée.

Au milieu de notre galaxie, se trouve une zone nommée « l’horizon des événements » où la réalité s’efface et l’imagination s’affole

Le néant, l’essoufflement de la littérature, la mort du roman et de l’auteur sont le point de départ de deux livres fabuleux, très éloignés en apparence mais qui partagent la même foi dans le pouvoir spirite et démiurge des mots, et qui tous deux prennent acte des dernières avancées de la science pour redonner à la littérature toute sa puissance d’envoûtement et de désordre, mais aussi d’agencement du monde – d’esthétique, en fait. Solenoide, de Mircea Cartarescu (Noir sur blanc, 2019) commence par 200 pages (sur 800) sur des poux (rien, donc), Et c’est tout votre cosmos qui vacille, et vous embarque dans une aventure interdimensionnelle au cœur de la texture du réel. quichotte.jpg Avec Quichotte, (Actes Sud, 332 p., 23€, septembre 2020), Salman Rushdie réinvente la grande épopée de l’imaginaire à l’ère de la post-vérité, jonglant avec les thématiques trumpiennes comme avec les dimensions avec une dextérité confondante, dans un monde littéralement dévoré par les trous noirs.
Dans le documentaire Mystérieux trous noirs, sur Arte, on apprend qu’un énorme trou noir s’impose au cœur de notre galaxie, et qu’au bord de ces «  non-entités  » se trouve une zone nommée « l’horizon des événements, » où la réalité s’efface et s’étire et l’imagination s’affole. C’est une jolie expression, et on peut vouloir croire que c’est là, à la frontière du réel, que s’origine la littérature-plutôt-que-rien.

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