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Quand Jean-François Copé s’inspire du « conservatisme compassionnel »

Publié le 15 décembre 2009 par

Théorisé par David Cameron, jeune leader conservateur anglais, le conservatisme compassionnel se nourrit à la fois de la notion de fraternité, des références à Benoît XVI et George Orwell. Le think tank de Jean-François Copé aimerait bien acclimater cette idéologie à la France.

Pour le philosophe Serge Audier, auteur de la Pensée anti-68 (La Découverte), la fraternité est devenu le credo des néo-conservateurs.

©Jean-François Copé, par Darius - ideeajour.fr
©Jean-François Copé, par Darius – ideeajour.fr
Génération France, le think tank de Jean-François Copé, s’intéresse beaucoup à une théorie élaborée par David Cameron, le nouveau leader des Tories, et son conseiller politique Danny Kruger : le conservatisme compassionnel.

Depuis le début du grand débat sur l’identité nationale, le député-maire UMP de Meaux teste cette partition toute personnelle, enjoignant les Français à se parler tous ensemble pour mieux se retrouver. Ce dialogue dans la société civile doit être nourri et se poursuivre « en permanence », c’est-à-dire bien au-delà du mois de février politiquement réglé par le ministre de l’Identité Nationale Eric Besson.

Benjamin Haddad a consacré un article, argumenté et édifiant, sur le site Génération France, intitulé  » La Fraternité au coeur du projet des conservateurs britanniques ».
« Tout comme le New Labour de Blair, Brown et Mandelson a permis dès 1994 d’amorcer une reconquête idéologique qui se concrétisera dans les urnes en 1997, » le Parti Conservateur est progressivement en train de dominer «  l’agenda  » politique britannique », analyse M. Haddad.

Danny Kruger, conseiller politique de David Cameron et théoricien du conservatisme compassionnel.
Danny Kruger, conseiller politique de David Cameron et théoricien du conservatisme compassionnel.
Danny Kruger, conseiller spécial de David Cameron, est à l’origine d’un opuscule, « On Fraternity, Politics beyond Liberty and Equality », (Civitas, Londres, 2007). Principe de base : la classique opposition entre la liberté (droite) et l’égalité (gauche) a cessé de dominer les débats publics, la fraternité est devenue « l’ enjeu politique du XXIème siècle ». La fraternité n’est surtout pas à confondre avec l’égalité. Elle sert à recoudre le tissu social, à rompre l’isolement moderne de l’individu en utilisant plutôt que le levier de l’Etat, celui de la société civile à travers ses associations, ses communautés, ses clubs, mais aussi les travailleurs sociaux et une politique soutenue de la famille. Le leader tory recommande une forte promotion, de la part de la puissance publique, des « entreprises sociales » et autres business angels.

La société plutôt que l’Etat, la sociologie plutôt que l’économie

Selon D. Kruger, le conservatisme compassionnel répondrait ainsi à l’augmentation des inégalités, notamment celle de la mobilité sociale et de la discrimination positive, la fragilisation des structures familiales, le manque de solidarité intergénérationnelle, voire la consommation des drogues et la montée des crimes.

Avis de Benjamin Haddad : «  Il est intéressant de constater que des éléments culturels et sociologiques, comme notamment la qualité de l’éducation et la stabilité de la famille deviennent, selon cette analyse, les principaux facteurs explicatifs du malaise sociétal grandissant, plutôt que les critères économiques. (…) La sécurité des espaces publics, le bien être social de la communauté sont plus importants pour déterminer le niveau de justice sociale que le revenu relatif. Ainsi, l’indicateur le plus important de pauvreté ou de richesse n’est pas tant relatif que relationnel ; le sentiment d’appartenance auquel l’individu est le plus sensible n’est pas forcément l’identité nationale mais englobe une série d’associations plus diverse et nombreuse  ».

Bien-être, George Orwell et Benoît XVI

David Cameron, adepte du bottom-up ( poussée des décisions du bas vers le haut), défend aussi le principe du « well being » (bien-être) qui doit devenir une référence supérieure au traditionnel PIB ou critères de croissance. Le conservatisme compassionnel cherche également à se démarquer des modèles autoritaires générées par les idéologies conservatrices, et instaurer des formes d’autorité « relationnelles ».

Cette idéologie diffère du « libéralisme compassionnel » (compassionate conservatism) prôné en 2000 par un George Bush en campagne, et qui ne cherchait qu’à fédérer les lobbies chrétiens. Le conservatisme compassionnel de D. Cameron cherche à déborder toute la société.

Serge Audier, maître de conférence à Paris-IV-Sorbonne, et auteur notamment de « La Pensée anti-68 » (2008, réédité en 2009, Poche La Découverte) a repéré ce nouveau foyer idéologique qu’il décrit dans la nouvelle postface (« Quarante après: fin des luttes idéologiques ? »). « La thèse de David Kruger est à la fois une charge contre l’idéologie des années 60, jugée trop permissive et libertaire, mais également un contre-feu au blairisme, ce libéralisme de gauche imaginé par Anthony Giddens, trop libertaire, individualiste et étatiste à la fois » explique Serge Audier à Ideeajour.fr.

Si l’auteur de « On Fraternity » peut reconnaître le bien-fondé des travaillistes lorsqu’ils dépénalisent l’homosexualité ou autorisent le divorce, il s’appuie avec plus de force sur les références d’un Benoît XVI critiquant le relativisme, le culte de la liberté individuelle ou encore, le désert spirituel des sociétés consuméristes. L’ autre source d’inspiration intéressante, note Serge Audier, est celle de l’écrivain et sympathisant socialiste George Orwell, et son idée de « common decency » ou comment penser l’entraide dans un cadre non étatiste.

« De la crise de la canicule de 2003 à la question de l’intégration, beaucoup d’enjeux auxquels nous sommes confrontés ne dépendent pas de réponses strictement économiques ou administratives et sont un défi posé à l’ensemble de la société. Ils nous invitent peut-être à dépasser nos réflexes jacobins et étatistes afin d’imaginer de nouvelles solutions qui renforcent le lien social et notre identité » conclut Benjamin Haddad sur la fraternité britannique.

Ségolène Royal, elle aussi, a tenté une opération de « triangulation » (se saisir des concepts de l’adversaire pour mieux les retourner contre lui) sur la notion de fraternité, en s’appuyant notamment sur l’essai de Régis Debray, « Le Moment fraternité » (Gallimard, 2009). Mais sans grand succès pour l’instant. La fraternité ne semble pas de saison au Parti Socialiste.

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2 commentaires sur “Quand Jean-François Copé s’inspire du « conservatisme compassionnel »

  1. Quand Jean-François Copé s’inspire du « conservatisme compassionnel »
    Deux corollaires, qui en sont aussi les buts, à cette nouvelle compassion, qui rappelle les plus cyniques des bondieuseries des dames de charité.

    En premier lieu, l’Etat est secondaire dans les rapports entre les citoyens, et son rôle doit donc être diminué; un des credos des neocons.

    Et puis, les malheurs des individus sont largement indépendants de leur situation matérielle ; il est donc inutile de lutter contre les inégalités économiques.

    On pourrait qualifier cette nouvelle compassion sur mesure d’appendice de l’ultralibéralisme.

  2. Quand Jean-François Copé s’inspire du « conservatisme compassionnel »
    Oui, on imagine très bien Jean-Claude Michéa et Bruce Bégout faire une présentation au Club Génération France de la « Common decency » d’Orwell… Le concept de « common decency » est bien autre chose qu’un système d’entraide étatophobe, il désigne une disposition d’esprit, une civilité des gens humbles.

    Si Orwell s’est volontairement qualifié d’anarchist tory, c’était surtout une boutade car ce dernier n’a jamais appartenu au parti conservateur et s’est même encarté chez les dissidents de l’Independent Labour Party.

    Orwell n’était point étatophobe (il pensait qu’une société anarchiste serait invivable) et pronait la nationalisation des banques, du chemin de fer et de l’énergie (lire la dernière mouture du Magazine littétaire sur Orwell) même s’il pouvait pointer les limites d’un tel système.

    Les Tories ont volontairement oublié un aspect de la pensée d’Orwell: la critique du progrès et l’antimachinisme dans leur marché aux idées.

    La tentative du Parti Conservateur est astucieuse et on est bien loin de « la société n’existe pas » de Thatcher, bien au contraire… Orwell, Lasch, ils peuvent enrôler du monde tant ces penseurs ont mauvaise presse auprès d’une partie de la gauche.

    Serge Audier dénonce avec pertinence les habits neufs des néoconservateurs (néonéoconservateurs?) car il y a effectivement une offensive d’essence anglosaxonne (Une de la revue Prospect) sur le concept de Fraternité depuis 2006.

    Après, de-là à dire qu’il y a une percée des néoconservateurs français avec le concept de fraternité via Régis Debray (néocon selon la revue Regards) ou un petit article sur Orwell dans « Le Meilleur des Mondes » de l’automne 2006 (combien d’article sur Orwell chez les anachistes-luddites?, il ne faudrait pas pousser mémé dans les orties.

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