Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Dick Annegarn, retour aux sources pour notre chanteur citoyen

Publié le 6 août 2011 par

De loin qu’on s’en souvienne, il y a toujours eu Dick Annegarn, ce Hollandais venu tailler l’incruste dans notre hexagonale chanson, la bousculer puis, alors au faîte de sa popularité, lui faire un bras d’honneur pour ne plus fréquenter que des chemins de traverse.

Dick-2.gif De loin qu’on s’en souvienne, il y a toujours eu Dick Annegarn, ce Hollandais venu tailler l’incruste dans notre hexagonale chanson, la bousculer puis, alors au faîte de sa popularité, lui faire un bras d’honneur pour ne plus fréquenter que des chemins de traverse. Bruxelles, c’était il y a presque quarante ans… «  Bruxelles, ma belle /Je te rejoins bientôt / Aussitôt que Paris me trahit…  » Ce n’est point que Paris l’ait trahi, mais le moule forcément réducteur du showbiz ne pouvait être la cuirasse de ce grand Duduche-là, cet autre Don Quichotte, lassé de pourfendre un système par lui honni.
Mireille, Bébé éléphant, Ubu, Volet fermé, Sacré géranium, L’institutrice… rarement entrée dans la chanson ne fut pourtant aussi mémorable que celle d’Annegarn. Si, peut-être celle de Maxime Le Forestier, l’homme de cette maison bleue adossée à la colline : c’est d’ailleurs lui qui repéra un beau jour ce grand blond dégingandé et le fit signer derechef chez Polydor. Nous sommes en 1973, une nouvelle génération d’artistes se presse au portillon de la chanson, bousculant sans ménagement les titulaires, augurant de jolis lendemains qui chantent. Jacques Bedos est directeur artistique de Polydor. Il a signé Le Forestier l’année précédente, non sans difficultés… Devant lui, dans son bureau, ce grand échalas de Dick flanqué de sa guitare. Dick interprète Bruxelles. Bedos est convaincu mais ne veut rien en laisser paraître : «  Comment ça, on va voir ?  » objecte le grand blond : «  J’ai mon billet de train, il est valable trois jours, il me faut un contrat dans trois jours, le disque dans trois mois et un contrat de trois ans, sinon je rentre à Bruxelles !  » Sans budget aucun, Bedos rusera, grappillant de quoi faire sur le budget du disque en cours d’un autre de ses poulains, le Métèque de la chanson qu’est Moustaki. C’est ainsi que sort cet OVNI, ce disques de chansons étranges, pour le moins singulières, naïves au moins en apparence. Le disque en passe de sortir, il faut le lancer, mais pas par n’importe quelle entrée. Pas par le zizi du père Ubu, du gros cul de la mère Ubu, non. Par Bruxelles qui, quarante ans après, chantonne toujours en nos têtes, aussi fraîche, et désormais indispensable, classique de la chanson qu’elle est devenue.
Annegarn est mis en orbite dans l’univers des stars la chanson mais rapidement casse ce jouet qui n’est pas le sien. Il «  quitte la compétition  ». Et plaque tout, fuit. Avec, pour solde de tout compte, la sortie d’un double album en public, «  De ce spectacle ici sur terre  », en 1978. L’affaire fait à l’époque son raisonnable bruit et Guy Lux, deus ex machina des variétés télé, est même sommé de s’expliquer sur la fuite du jeune prodige dont la carrière aura duré tout au plus cinq ans.

Atelier flottant, galère choisie

Oubli. Puis, discrètement, sur un label improbable, un nouvel album deux ans plus tard, Ferraillages, partagé avec le bluesman Robert Pete Williams. Annegarn nous est revenu, mais différemment, à la marge du métier, délibérément hors bizness. Il vit dans une péniche ancrée dans un chemin de halage du côté de Noisy-le-Grand, où il tient épicerie et café sans alcool, où il y fait du soutien scolaire pour les mômes de proximité. Un atelier flottant, galère choisie… Le rapport à la vie est autre, autrement plus sincère. L’homme est engagé, plus sûrement que s’il avait écrit mille Marseillaise. Son engagement est choix de vie, dégagé qu’il est désormais d’un métier où on triche trop souvent.
A la manière d’un Antoine qui touche terre, chante ou sort une vidéo et un livre chaque fois qu’il a besoin d’argent, Dick s’en va parfois chanter ici et là, au communal, au cantonal, loin des circuits. En 1981, il renoue avec un label d’importance, RCA (Citoyen) puis passe au Chant du Monde (140 BXL, 1984) et à Nocturne où il sort trois albums : Frères ? en 1986, Ullegarra et Chansons fleuves en 1990, avant à nouveau grande absence, sept ans de silence où il largue les amarres pour se frotter à d’autres cultures, là où la chanson n’est pas profession : chez les Kurdes, les Berbères, les Hongrois… Il s’enrichit de sourires et de poignées de mains, de regard et de connaissance de l’autre. Tout se retrouvera dans ses musiques, dans sa vie.
C’est à son retour qu’un label en vue, Tôt ou tard, le convainc de réinvestir un studio. Les albums depuis se succèdent (six à ce jour), certes sans tapage, mais avec constance.
Dick est désormais gascon, du côté de Saint-Gaudens, et, en citoyen impliqué, il multiplie les initiatives, pur agitateur du verbe qui ensemence les esprits. Il crée en 2003 le Festival du verbe, provoquant des rencontres peu communes autant que désintéressées, de ces artistes qu’on ne pourrait imaginer en un tel lieu, pour un tel prétexte. Christophe et Raphaël sont les deux principaux invités de la prochaine édition, en septembre 2011. La philosophie d’Annegarn est sereine et confiante : «  J’investis le terroir de la chanson pour y planter des vignes. Elles donneront, j’espère, un cépage qui enivrera ceux qui cherchent l’ivresse poétique.  »
Hors ce festival, deux événements marquent 2011 d’une pierre blanche pour Annegarn. D’abord un livre – le premier en quarante ans -, Paroles, aux éditions Le Mot et le Reste, qui rassemblent toutes ses chansons ainsi qu’on long entretien biographique. Et Folk Talk, un nouvel album (chez Tôt ou tard) que tout amateur consciencieux placera en tête des disques de Dick, avant même «  Bruxelles  ». C’est un retour aux sources, aux fondamentaux, à l’essence d’Annegarn, à ses sens aussi : un disque hommage aux classiques étasuniens du blues, de Woddy Guthrie à Elvis Presley, de Bob Dylan à Malvina Reynolds. Un livre, un disque, comme deux regards complémentaires sur une vie, une œuvre, des racines et, un peu, sur le devenir de la chanson.

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2 commentaires sur “Dick Annegarn, retour aux sources pour notre chanteur citoyen

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