Les Inrocks2 : Franquin, le génie de la dépression
Publié le 22 avril 2012 par Les Influences
Un hors-série des Inrockuptibles est dédié à André Franquin (1924-1997) : « Un trait de génie » qui fit naître Gaston Lagaffe, le Marsupilami et ses Idées noires, (et renaître la série Spirou et Fantasio). Décevant et plan-plan dans sa conception, médiocrement écrit (le calamiteux reportage à Bruxelles signé Jean-Baptiste Morain en constitue la truffe), ce numéro dédié présente néanmoins un extrait précieux d’un long entretien réalisé par Numa Sadoul pour le livre Et Franquin créa la gaffe (Distri BD/Schlirf, 1986, épuisé). On ne soulignera jamais assez combien cet intervieweur des années 70-80, stimulant et perspicace (Hergé, Moebius, Gotlib,…) fit passer la BD à l’âge adulte de la critique.
André Franquin lui raconte en détail la dépression qui l’a sévèrement frappé. Extrait : » Depuis que j’ai connu ça, je comprends les fous, ceux qu’on voit dans les asiles, repliés sur eux-mêmes, regardant l’intérieur de leurs mains, recroquevillés telles des momies incas : moi, j’ai été comme ça, j’ai été vraiment comme ça ! » La déprime englue Franquin, et va contaminer son travail. Lorsqu’il sort de sa nuit, « complètement brouillé » avec lui-même, le dessinateur s’aperçoit alors qu’il a perdu « toute espèce de virtuosité de la main« . Il peut dessiner un Gaston correct au crayon, mais ne parvient pas à l’intégrer dans ses planches. Il n’arrive plus à se servir de l’encre de Chine. A la fin de l’entretien, il confie à Sadoul : « Cela m’est encore resté en partie difficile de maîtriser ces difficultés aujourd’hui; encore maintenant, je dessine peu, et je déchire un dessin sur deux. » On regarde ses petits monstres merveilleusement atroces et sadiques, d’un autre oeil.
Franquin, un trait de génie, Les Inrocks 2, 98 pages, 6,90 euros. En kiosque