Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Dan Ariely #Flammarion #Psychologie

Dan Ariely en cobaye de nos libertés

Publié le 14 novembre 2012 par

Réédition d’un classique de l’économie comportementale sur nos prises de décisions

Psychologie. Le chercheur israélo-américain Dan Ariely, dont Flammarion réédite l’un de ses best-sellers, est l’un des penseurs les plus connus dans le domaine de l’économie comportementale. Il passe son temps, à coup d’expériences et aux résultats parfois hilarants, à tester notre manière de prendre des décisions. Dans son premier livre, Predictably Irrational (le titre de la traduction française, « C’est vraiment moi qui décide ?« , masque hélas l’argument principal). Il nous explique que, non seulement la plupart de nos intuitions sont fausses, mais qu’en plus, les biais cognitifs qui nous éloignent de l’objectivité sont souvent identiques pour tous, et vont généralement toujours dans le même sens. Cet essai fourmille d’exemples fascinants.

Dans l’un d’entre eux, on a demandé à un groupe de sujets de donner les deux derniers chiffres de leur numéro de sécurité sociale. On leur montra ensuite divers objets, et on s’attacha à savoir quel prix ces personnes interrogées seraient prêtes à payer pour les acquérir. Ariely découvrit alors que celles qui venaient de donner les nombres extraits du numéro de sécu les plus bas avaient également tendance à vouloir payer les objets moins cher : leur évaluation avait été influencée au début de l’expérience, lorsqu’on leur avait demandé de donner cette séquence de chiffres, totalement arbitraire.

L’essai d’Ariely abonde en cas de ce genre.
La rencontre décisive entre l’auteur et l’irrationalité s’est effectuée dans un cadre dramatique. Jeune, un accident l’a laissé brûlé à 70%. Lors de son séjour à l’hôpital, la séance d’enlèvement des bandages s’est avérée un véritable supplice. Comme il l’explique dans son livre et une conférence Ted, il existe deux moyens bien connus d’enlever un pansement. Soit on l’arrache violemment provoquant une douleur intense mais de courte durée, soit on y va doucement, ce qui est moins douloureux mais plus long. Or les infirmières optaient systématiquement pour la première solution, malgré les protestations d’Ariely (il faut dire que « l’arrachage rapide » durait quand même près d’une heure). La raison ne tenait pas à une sordide nécessité de gagner du temps, c’était, de la part du personnel soignant, la conviction, sans le moindre doute, de ce qui était préférable pour le patient.

Brûlé à 70% puis hépatique, Dan Ariely a testé sur lui-même des expériences d’économie comportementale à l’hôpital

Une fois sorti de l’hôpital, Ariely se lança dans une série d’expériences dans lesquelles il soumettait des sujets à des douleurs rapides et intenses, ou plus lentes mais moins fortes (les métiers de la psychologie autorisent des petites joies de ce genre). Avec pour résultat que dans la plupart des cas, les gens préféraient la seconde méthode… L’intuition des infirmières n’avait jamais été validée par l’expérience, elle était totalement « irrationnelle ».

Mais Ariely s’est livré une autre exploration de l’irrationalité à travers son propre état de de santé. Peu après son hospitalisation il a découvert qu’il était atteint d’une hépatite C contractée lors de son séjour. On lui proposa alors un traitement expérimental à l’Interferon. Celui-ci avait des effets secondaires très pénibles. Après une injection, il se mit à vomir et à se sentir très malade pendant plusieurs heures. Il réussit cependant à surmonter sa nausée et à suivre tout le protocole avec succès. Il figurait parmi les rares patients à ne pas avoir renoncé, selon les médecins. Comment avait-il fait ? Selon lui, ce n’était pas l’effet d’une volonté de fer. Ariely s’autorisait tout simplement à visionner des films pendant sa phase la plus désagréable. Grand amateur de cinéma, il en était venu à associer la prise du médicament avec le plaisir de rester allongé à regarder ses films, ce qui l’avait aidé à passer le cap de la douleur. C’est un exemple du côté positif de l’irrationalité (« Upside of Rationality », titre de son second livre), qui n’est pas toujours un handicap, mais qu’on peut « dresser » pour atteindre nos buts.

Les gens trichent un peu mais en masse

Son intérêt pour les comportements irrationnels l’a mené plus récemment à se pencher sur le problème de la malhonnêteté. Là aussi, il a effectué des expériences aux résultats étonnants. La procédure de base était la suivante. On demandait aux sujets de répondre très rapidement à une série de problèmes dans un temps très limité. En moyenne, le nombre de réponses obtenues étaient de quatre. Ensuite, Ariely faisait passer le même test, mais sans réclamer les feuilles de réponse: les gens pouvaient les déchirer et les garder avec eux. En revanche, ils devaient donner le nombre de réponses exactes qu’ils avaient obtenues. En moyenne, les sujets affirmaient en avoir trouvé sept, soit trois de plus que la moyenne réelle. Le modèle économique de la tricherie, explique Ariely, est une estimation des coûts risques/investissement. Autrement dit, je triche le plus possible si le risque de me faire prendre est nul ou très réduit. Mais le résultat réel est différent. En fait, les gens trichent juste un peu, mais en masse. Le fait que le risque soit nul ne les pousse pas à tricher plus. Ariely a effectué d’autres variations sur la même expérience. Si l’on demande aux gens de se rappeler les 10 Commandements (toujours sans vérifier leurs réponse), ils tendront à tricher moins que si on leur demande la liste de 10 livres qu’ils ont lus au lycée. Pour éviter l’influence de sentiments religieux enfouis, Ariely a aussi tenté de faire signer aux sujets un document attestant qu’ils se « conformeraient au code d’honneur du MIT », ce qui a aussi conduit à limiter fortement les tricheries. « C’est d’autant plus ironique, précise Ariely dans une conférence Ted, qu’il n’existe pas de code d’honneur du MIT« .

Mais l’expérience la plus significative est sans doute la suivante. A la fin d’un test, un groupe reçu directement de l’argent liquide, tandis qu’un autre se voyait distribuer des jetons qu’il pouvait échanger contre espèces sonnantes et trébuchantes quelques minutes plus tard en sortant. Le second groupe tricha bien plus. La conclusion qu’en tire Ariely est qu’on a bien plus de facilité à tricher avec une quantité abstraite déconnectée de l’argent réel. Une conclusion qui, selon lui, expliquerait les comportements boursiers à l’origine de la crise financière.

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