un Eléphant approuvé par les neurosciences
Publié le 4 février 2013 par Les Influences
L’Eléphant est une nouvelle revue de culture générale validée par un laboratoire de sciences cognitives : le savoir comme éléphantiasis ?
Mentalités. Dans les années 1980, un tigre, souple et chasseur, se mouvait sur la couverture du premier numéro de L’Autre journal. L’écrivain Michel Butel lançait ainsi un titre bientôt mythique, qui faisait de l’intelligence du monde une encyclopédie passionnée et poétique. En janvier 2013, barrit L’Eléphant en kiosques et librairies. Cette publication trimestrielle veut être « la nouvelle revue de culture générale » pour l’honnête homme-femme du XXIe siècle. Bref, un nouveau média entre Wikipédia et L’eusse-tu-crû ?
» Hiérarchiser, « contextualiser », répéter et émouvoir » : mais pour savoir quoi ?
Les cornacs de ce projet sont une ancienne journaliste de La Tribune, Gwenaelle Saullieu et l’éditeur de Scrineo, Jean-Pierre Arif. Ils peaufinaient leur projet, inspiré en droite ligne de l’héritage des Lumières soulignent-ils, depuis plus d’un an. L’objet de papier est agréable et bien fait. » Savoir c’est se souvenir » constitue la ligne éditoriale définie en son temps par un certain Aristote. La revue a bénéficié d’une expertise du laboratoire d’étude des mécanismes cognitifs de Lyon II, aidant le lecteur à une série technique de mémorisation. Soit : hiérarchiser, « contextualiser », répéter et émouvoir. Toutes ces opérations ont été prises en compte par les promoteurs de la revue dans la narration des articles. Des « jeux pour retenir » émaillent également la publication de papier et sont proposés sur le site.
Mais pour savoir quoi au fait ? Le lecteur de ce premier numéro est prié, entre autres, de se souvenir des préceptes du « Grand Témoin » Jacques Attali, de 10 dates clés de l’identité française, de la madeleine centenaire de Proust et du Who’s who d’organisations internationales,sans oublier un article pédagogique de deux neuropsychologues sur les 100 milliards de neurones qui nous permettent de se souvenir. Certes.
Mais un doute s’instille au fil de la lecture. Si L’Eléphant a de la mémoire, un autre drôle d’animal aurait pu prétendre au titre de la revue : l’hippocampe qui est aussi une structure cérébrale originale, et à en croire les neuropsychologues Guillaume Vallet et Martine Simard, n’est pas pour rien dans le traitement du contexte temporo-spatial : un endroit, un moment liés à un souvenir. Ce qui fait précisément défaut à cette revue. L’Eléphant aurait t-il de la culture générale, une conception proche de l’éléphantiasis ? Quelle est la visée de ce savoir proposé et comment celui-ci a t-il été fabriqué ? Frappant : on note ainsi peu de sources citées et un minimum de technologie journalistique ( absence d’enquête, donc de recoupement et de confrontation ) qui laissent un gros doute sur la traçabilité du dit-savoir : est-ce du Google puisé au fil de l’eau qui a constitué le matériau principal des dossiers ? Le savoir c’est peut être se souvenir, mais c’est également savoir à ne pas tout gober.