Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Saint-Étienne-du-Rouvray : faire la guerre à la parole politique inutile

Publié le 27 juillet 2016 par

Après l’égorgement d’un prêtre dans une petite commune normande le 26 juillet, le pire est venu : le blabla des politiques, héritiers des énervés.

Énervé : Qui a subi le supplice de l’énervation.
Énervation : Supplice qui consistait à brûler les tendons (appelés nerfs) des jarrets et des genoux au moyen âge.
(Trésor de la langue française)

salazar-3.jpg Jadis, à l’école, enfin pas si jadis que cela, sous Pompidou, on rappelait en cours d’histoire aux élèves que le défaut le plus grave de la monarchie et son infériorité décisive sur la république, était qu’on ne pouvait jamais savoir si le roi allait être fou à lier ou un peu dérangé, maniaque sexuel, idiot congénital, dépressif chronique, somnambule, pied-bot ou bègue, ou simplement distrait au point de mettre, comme Dagobert, son pantalon à l’envers.

On citait alors comme exceptions, dans l’histoire nationale consensuelle et glorieuse revue et corrigée au XIXe siècle, Clovis car il créa la France, saint Louis car il rendait la justice assis sous un chêne, Henri IV car il troussait les filles en cuisinant une poule, Louis XIV (jusqu’à l’expulsion des protestants, proto-martyrs de la République) pour avoir maté la noblesse toujours prête à trahir et affermi l’Etat, mais en célébrant Colbert fondateur de l’Administration et des dynasties bourgeoises qui renverseront le royaume et contrôleront ensuite pendant cent cinquante ans la France, avant la relève par les «  élites  » technocratiques, elles-mêmes réincarnations modernes du colbertisme – en boucle. Parfois on rajoutait François 1er, à cause de Léonard de Vinci, et donc précurseur du Président Mécène des Arts et Fondateur de Musées. A part ces gloires plus nationales que royales, la monarchie était, à cause du jeu de hasard héréditaire, un système irrationnel, ne garantissant pas que les meilleurs, les plus aptes, gouvernent et soient choisis par la volonté générale et non l’accoucheuse royale.

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La République, nous expliquait-on alors, avait mis tout cela en ordre grâce au suffrage universel. Le suffrage populaire avait permis l’accession au pouvoir d’hommes, et puis de femmes, élues librement et – sans le dire on le sous-entendait puisque toute l’argumentation reposait sur l’irrationalité du pouvoir héréditaire – dans la démonstration éclatante de la raison et du bon sens communément partagés aux urnes. Hélas si, par aveuglement passager, le peuple portait au pouvoir un groupe d’hallucinés (la Terreur), des traîtres (le Directoire), un tyran coupable de la mort de millions de Français (Bonaparte), un fêtard tête de linotte (Napoléon III) – je cesse ici la liste –, eh bien le remède était contenu dans le poison puisqu’il suffisait, avec une élection (avec parfois une émeute, une révolution, un coup d’Etat, parfois une cinglante défaite), de revenir à la raison triomphante.

Les jihadistes à l’assaut et les énervés à la dérive

Depuis une quinzaine d’années – je ne remonte pas plus haut par respect envers les morts, les vivants et les morts-vivants – les Français ont pu voir à l’œuvre le remarquable et rationnel principe du suffrage universel : nous avons élu des dirigeants sages dans l’action présente, prévoyants dans l’anticipation du futur, probes avec les deniers de l’Etat, parcimonieux envers eux-mêmes et sévères envers leur clientèle, capables aussi de raisonner froidement, toujours d’un tempérament égal, et réellement, en toutes choses, l’incarnation de notre honneur. Tout mécanisme présidant au choix du prince, et du personnel politique, en veut un autre, héréditaire, élection – si tant est que les vertus de gouvernement sont là, du haut en bas.

Les quinze dernières années ont ainsi été, nous en convenons tous, n’est-ce pas ? une lumineuse illustration que la République n’a pas, à la différence de l’Ancien Régime, mis au pouvoir des excités, des apathiques, des voleurs, des lâches et des imprudents, bref des Dagobert, et pire que tout : de beaux-parleurs.

Nous avons en fait élu des énervés.
Énervés ? Jadis aussi, en histoire, pour nous signaler la bêtise du régime monarchique et son arbitraire, on nous montrait un tableau, un peu pompier : Les Enervés de Jumièges, par Evariste-Vital Luminais. Ce tableau est au musée de Rouen. Le tableau décrit l’abus de pouvoir : Clovis II pour punir ses fils d’une tentative de coup d’État leur fit brûler les nerfs des jambes, et les déposa, pantelants, sur un radeau qui partit à la dérive au fil de la Seine, jusqu’à s’échouer en aval de Rouen.

Juste allégorie de ce qui se passe quand on s’imagine pouvoir gouverner : on s’énerve et on dérive.

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L’État islamique a énervé nos gouvernants : le djihadisme leur a coupé les nerfs non pas des jambes mais les nerfs de la pensée. Énervés, et depuis trois ans embarqués sur un radeau, navire de l’Etat sans gouvernail, ils dérivent au gré des vents et des courants. Ils dérivent énervés vers Rouen, cette ville où un prêtre a été égorgé durant la messe, sur les ordres d’un potentat musulman.
Et la France dérive avec eux. Pire : la classe politique s’auto-énerve à chaque attentat islamique. À l’auto-radicalisation des guérilleros du Califat sur notre territoire qu’ils terrorisent, répond désormais l’auto-énervation des politiciens qui dérivent en dépit des mines compassées et des paroles bien repassées.
L’auto-énervation est là : inventer des mots («  guerre, impitoyables, tous les moyens etc.  ») qui sont comme des emplâtres sur les nerfs tranchés, pour cacher la plaie. Panser les blessures avec des bandages de mots. Beaux-parleurs.

L’État islamique a énervé nos gouvernants : le djihadisme leur a coupé les nerfs non pas des jambes mais les nerfs de la pensée.

Ne peuvent-ils pas s’arrêter de parler, juste un instant, mettre le tweet en sourdine, ne peuvent-ils pas pauser, cesser d’écouter leurs conseillers en communication («  Il faut communiquer !  ») dont le salaire est le salaire de la peur, ne savent-ils pas ces énervés à la langue pendue concevoir en hommes d’Etat et peser en hommes d’action le poids majestueux du silence, du silence comminatoire qui précède un geste éclatant de vengeance et de punition? On ne dit rien. On frappe.

Ils devraient, nos élus issus de la sagesse du suffrage universel, prendre modèle sur les rois de France, car il était une chose qui les différenciait des autres monarques, à savoir : parler peu et parler juste et parler fort. Les rois, y compris les abrutis, avaient assimilé une notion essentielle de la majesté du pouvoir, c’est à dire au sens propre de «  majesté  », la plus grande force: que l’exercice magistral du pouvoir exige qu’on sache se taire. Qu’on économise la parole. Qu’on laisse le peuple, et la valetaille politicienne, parler, s’égosiller, s’étourdir de paroles, et prendre des paroles pour des idées. Les médias de nos jours. Pour le gouvernant, la «  brièveté impérieuse  » où excellait Louis XIV. Un mot. Une action. Décisives.

Depuis quinze ans la parole politique, et présidentielle sert, elle, de modèle aux Guignols de l’Info. Mesurez-vous la chute ?

Songez au silence prémédité de De Gaulle lors de la tentation d’un coup d’État par ses adversaires en 1968, silence précédant et propulsant comme la foudre cette déclaration : «  Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé, depuis vingt quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir. J’ai pris mes résolutions  ». Silence. Action. Stupéfaction. Victoire.

Corneille et Racine n’ont pas inventé leurs sublimes répliques de diction politique, mises dans la bouche des princes et des rois, parfois des reines tragiques : ils les ont copiées de la bouche même du monarque. Le pouvoir montrait alors comment parle le pouvoir au moment d’une crise décisive: à point nommé, juste ce qu’il faut, fulgurant. Depuis quinze ans la parole politique, et présidentielle sert, elle, de modèle aux Guignols de l’Info. Mesurez-vous la chute ?

Par décence, et par patriotisme, je ne vous donnerai aucun exemple de ce que j’avance, pas aujourd’hui en tout cas. Plus tard. Je ne tiens pas à lester, et couler, le radeau des énervés qui nous font dériver avec eux.

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