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  2. Action exercée sur quelqu’un.
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Jean Nicolas, l’historien qui a étudié les colères françaises

Publié le 18 novembre 2018 par

Les 282 710 Gilets jaunes qui ont manifesté dans toute la France samedi 17 novembre sont-ils les lointains héritiers des 1800 rébellions françaises étudiées par Jean Nicolas ?

Démocratie. Les Gilets jaunes qui ont inventé la jacquerie fluo et connectée sont-ils les lointains héritiers des rébellions françaises observées entre la Fronde et la révolution française de 1789 ?
En 2009 déjà, à l’occasion de la publication de son ouvrage monumental, La rébellion française, et de la colère sociale, nous avions posé la question à l’historien Jean Nicolas.

Il suffisait de lire les archives de justice comme lui durant une quarantaine d’années. Elles regorgent de micro-émeutes débordant la réalité, débouchant sur des modes de protestation de plus en plus construits. Jean Nicolas en a étudié mille huit cent entre 1661 et 1789, mais il estime en avoir laissé de côté un bon millier. «  Ces archives, d’une richesse incroyable, mais très mal classées, proviennent de la police, de la maréchaussée, de la justice ou encore des recours des procureurs et des mémoires défensifs des avocats », explicite le spécialiste aux Influences.

L'HISTORIEN DES JACQUERIES. Jean Nicolas est né en 1928, en Ardèche, une région «  fondamentalement protestataire  ». Dans les années 1960, il est jeune professeur d’histoire à Annecy, et rédigera de nombreux ouvrages et publications savantes sur la Savoie. Mais il consacre surtout sa vie professionnelle, à l’étude monumentale des rébellions françaises des années 1660 à 1789. Une captivante œuvre de référence : La rébellion française, Folio histoire.
L’HISTORIEN DES JACQUERIES. Jean Nicolas est né en 1928, en Ardèche, une région «  fondamentalement protestataire  ». Dans les années 1960, il est jeune professeur d’histoire à Annecy, et rédigera de nombreux ouvrages et publications savantes sur la Savoie. Mais il consacre surtout sa vie professionnelle, à l’étude monumentale des rébellions françaises des années 1660 à 1789. Une captivante œuvre de référence : La rébellion française, Folio histoire.

«  La rébellion n’est pas contre le pouvoir, elle est une protestation contre un pouvoir qui franchit ses limites, précise t-il. Ensuite, elle peut changer de nature, d’affectivité et déboucher vers une remise en cause radicale de ce pouvoir, c’est-à-dire la révolution. La France rébellionnaire est une réalité vivante et profonde, elle constitue même un mode collectif qui a fait du heurt et de la rupture le principe même du changement dans ce pays.  » Une exception française en somme dont on peut fixer l’extrait de naissance vers les années 1660, entre la Fronde et la révolution de 1789.

La rébellion n’est pas contre le pouvoir, elle est une protestation contre un pouvoir qui franchit ses limites

Auparavant, existaient les jacqueries, les croquants, les va-nu-pieds, fort nombreux, fort actifs. Mais ils constituaient autant de mouvements « conservateurs  », pré-libertariens, tournés contre cette autorité monarchique en train de se consolider et qui empiétait notamment fiscalement sur leurs droits traditionnels. Après la Fronde, la rébellion change sensiblement de nature.
Des historiens allemands, comparant cette période, se sont dit surpris par l’intensité et de la multiplication des mouvements rébellionnaires à la française. «  C’est une époque sous tension. Le régime monarchique est le règne de l’intranquillité par excellence, contrairement à ce que l’on imagine aujourd’hui, décrit Jean Nicolas. Les gens vivent dans une forme permanente d’anxiété. Ils ont le souci de survivre. La mendicité et l’errance s’étendent. Les peurs de l’époque sont celles de la précarisation, de l’échec des ambitions individuelles, notamment des petits clercs qui n’est pas sans rappeler la crise actuelle de l’université. Les salariés non qualifiés, cette armée des hommes de peine, suscitent également beaucoup d’inquiétude.  »

«  J’avoue que j’ai tremblé toutes les fois que j’ai vu la portion basse de ce peuple en émotion !  » écrira en 1788, le chroniqueur Restif de la Bretonne.
Les ancêtres des «  Conti  » et autres licenciés protestataires qui ont défrayé la chronique sociale du premier semestre 2009 se croisent dans des conflits pour le pain, la grève à la fabrique, le refus de droits seigneuriaux, les taxes sur le sel et le tabac. Eclatant un peu partout par dizaines, mais encore de basse intensité, «  ces mouvements cellulaires  » auront fini par cristalliser en phénomène politique.

Par exemple, cette affaire locale élémentaire. Des paysans, protestant contre les droits seigneuriaux abusifs, arrachent les insignes du seigneur de son ban à l’église. Traînés en justice, ils vont alors quérir les services d’un célèbre avocat. Ce ténor de Grenoble lui va se référer à Montesquieu et aux Lumières devant les juges. Ce phénomène de protestation devient politique, ce que refusent de voir la majorité des grandes élites.

Scène de la Grande Peur,
Scène de la Grande Peur,

«  L’ADN de la Grande rébellion historique qui a revêtu un caractère historique fabuleux a été la Grande Peur  », marque Jean Nicolas. L’attaque et le brûlage des châteaux dûs à la panique et à la rumeur d’un complot aristocratique auront constitué dans leur désorganisation, l’événement clé débouchant sur l’abolition des privilèges et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (juillet-août 1789).

«  Sans gauchir la réalité, nous sommes avec ces rébellions, au vif du sujet. Il ne s’agissait plus de pain, plus d’octroi et de barrières douanières, mais au cœur du problème, la contestation du privilège.  » En 2009, cette question égalitaire devant les situations revient sur le devant de la scène française et dans les débats, mais elle ne l’avait jamais vraiment quitté selon Jean Nicolas.
L’historien qui a étudié le grand aveuglement des élites de 1789 ne peut s’empêcher tout de même «  de faire un rapprochement avec le comportement de nos élites financières et bancaires contemporaines en temps de crise  ».

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15 commentaires sur “Jean Nicolas, l’historien qui a étudié les colères françaises

  1. Jean Nicolas, l’historien qui a étudié les colères françaises
    La rébellion est une forme d’expression de la démocratie en particulier dans un régime autoritaire comme celui de l’Ancien Régime. Autoritaire, mais où le pouvoir judiciaire n’était pas inexistant, comme on peut le découvrir dans le livre (excellent) de Jean Nicolas.
    Par contre, je ne pense pas que ce soit dans « les gènes français ». On trouve d’autres pays marqués par les révoltes paysannes notamment : le Royaume-Uni (où il faut lire les analyses de sans doute un des plus grands historiens contemporain EP Thomson sur « l’économie morale »), mais aussi le Japon par exemple où il y aurait eu plus de 3000 révoltes paysannes. Certes au Japon à l’origine une révolte paysanne consistait à porter une doléance illégalement au seigneur, mais c’était aussi une forme d’expression populaire quand tous les autres recours avaient échoué.
    Bref, la rébellion est aussi une forme d’expression de la démocratie quand les Autorités ne veulent plus écouter la souffrance populaire. Mais l’idéal aujourd’hui serait que les rébellions débouchent sur une rupture culturelle afin de retrouver un monde commun et de démocratie directe permettant à tous de vivre en harmonie, et aussi en harmonie avec la nature, ce qui a été détruit par le monde de la Révolution industrielle contre laquelle justement se sont multipliées les révoltes populaires sous l’Ancien Régime.

  2. Il a étudié 1800 rébellions françaises
    h bien moi celà ne me rassure pas d’apprendre que la rébellion est dans les gènes français : c’est plutot le signe d’une profonde immaturité politique et démocratique rémanente qui fait de ce triste pays le plus agressif et invivable d’Occident en ce sens que les relations inter-humaines ,sociales sont constamment gauchies par la violence verbale et comportementale……….il suffit de voir comment les « français » se comportent sur les routes !

    Immaturité : du psychologisme bon pour Elle
    Magazine et le Figaro du dimanche.

    Les investisseurs qui expulsent à
    tour de bras les locataires depuis des années les
    verront sous peu dans la rue.

    En plus du précariat et du chômage imposés, des salaires de merde, les gens sont contraints de revenir chez leurs parents
    alors qu’ils ont les cheveux blancs,
    à se nourrir de plus en plus
    mal parce qu’ils payent
    des hypothèques ridicules et des
    loyers exorbitants.

    Ça suffit.

  3. Il a étudié 1800 rébellions françaises
    je pense que sans être un  » médium « , Jean Nicolas a bien traduit l ‘ horizon qui se profile en France métropolitaine ! On a déjà eu un avant-goût et léger aperçu avec les DOM/TOM , les Conti , les étudiants , le défilé ou on était trois millions ! ! Ça va chauffer sous peu …. et je le souhaite ardemment !Pourtant je suis Européen , partisan de l Europe des peuples et des nations ! Je suis pour un fédéralisme européen qui respecte les particularités historiques , culturelles , cultuelles et linguistiques ! La crise mondiale donc européenne peut se transformer ici en une révolution générale dans l ‘ état de sous-hommes que nous a réduit le ( petit) napoléon-bonapartiste Sarkozizi !Celui qui nous dirige à la hussarde hongroise mérite une bonne leçon , et ceux qui le suivent et l ‘ approuvent…. idem !
    UN EX-SOIXANTEHUITROPTARD

  4. Il a étudié 1800 rébellions françaises
    Ce qui m’a frappé après la lecture de cet article remarquable, c’est qu’il apporte la preuve que Sarkozy n’est pas un français pur-jus, et sa part hongroise l’emporte sur l’autre au point d’avoir éradiqué de ses gènes cette notion innée de la rébellion. S’il était vraiment français, il se méfierait et n’imposerait pas « sa » volonté avec une arrogance aussi dangereuse pour ses prérogatives qui, l’a t-il oublié, ne lui ont pas été octroyé de droit divin mais bien par le suffrage universel, c’est d’ailleurs une grand différence avec l’époque des révolutionnaires.
    Je ne suis pas une intellectuelle, loin de là, mais je sens, de façon épidermique, que quelque chose ne va pas tarder à exploser en France, une chose violente et irréversible que Sarkozy et la plupart de ses conseillers, ces derniers trop courtisans pour rester lucides, sont incapables de voir arriver … y a-t-il encore un français à l’Elysée ?

  5. Il a étudié 1800 rébellions françaises
    Excellent. Pour mieux comprendre cet air que nous respirions durant les 3 dernières grandes manif’ nationales, je vais acheter ce bouquin. Car en arpentant le bitume, j’ai cru renifler comme une odeur de jacquerie : nombreux étaient ceux qui défilaient par dégoût du pouvoir en place et non pas sur les thèmes syndicaux. Et puis ça rassure de savoir que la rebellion est inscrite dans nos gènes. Merci pour cet article.

    1. Il a étudié 1800 rébellions françaises
      eh bien moi celà ne me rassure pas d’apprendre que la rébellion est dans les gènes français: c’est plutot le signe d’une profonde immaturité politique et démocratique rémanente qui fait de ce triste pays le plus agressif et invivable d’Occident en ce sens que les relations inter-humaines ,sociales sont constamment gauchies par la violence verbale et comportementale……….il suffit de voir comment les « français » se comportent sur les routes!

  6. Question …
    «  L’ADN de la Grande rébellion historique qui a revêtu un caractère historique fabuleux a été la Grande Peur  », marque t-il. L’attaque et le brûlage des châteaux dûs à la panique et à la rumeur d’un complot aristocratique auront constitué dans leur désorganisation, l’événement clé débouchant sur l’abolition des droits, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (juillet-août 1789).

    L’ abolition des droits ? ou plutôt des

    privilèges ?

    Merci pour cette article-

    1. La question des droits de l’homme

      Arrêtons de parler des DROITS de l’homme sans parler de ses DEVOIRS.

      Je suis persuadé que les discours sur ce sujet seraient différents et à terme plus efficaces si on associait SYSTEMATIQUEMENT l’un et l’autre.

      Alors bienvenu aux  » Droits et devoirs de l’homme « 

      1. La question des droits de l’homme
        La déclaration des droits de l’homme confère des devoirs les uns envers les autres. Il s’agit donc bien uniquement des droits de l’homme et uniquement de cela. Pour s’en persuader, il suffit de relire la déclaration.

  7. Il a étudié 1800 rébellions françaises
    Le pire aveuglement de nos élites est le mépris dont elles nous accablent, n’hésitant pas à mentir,à se contredire d’un dossier à l’autre en fonction de ce qui sert leur propos.
    L’aveu sur le temps de cerveau disponible est un bel exemple du mépris dans lequel elles nous tiennent, si persuadées de pouvoir continuer à nous manipuler. Le traité de Lisbonne devrait nous ouvrir les yeux sur la conception de la démocratie en vigueur!
    Comme dit l’adage des Anciens « Zeus rend fous ceux dont il veut la perte »… J’esère que nous n’en serons pas les dommages collatéraux!

  8. Il a étudié 1800 rébellions françaises
    J’ai noté depuis 2008 un changement profond dans la formulation des revendications en bas totalement antagoniques aux revendications formulées par le haut (politiques, institutions et syndicats).
    dernier en date, chez CONTINENTAL. Les salariés ne retrouvent pas leurs comptes avec les 50 000€ signés entre la Direction et les syndicats (dont la CGT majoritaire dirigée par un salarié appartenant à l’organisation LUTTE OUVRIÈRE), ils continuent à exiger le maintien de l’emploi sur place et s’adressent par petits groupes aux élus locaux ou aux autres entreprises en grève… C’est à l’évidence une exigence politique qui si elle s’étend, montera jusqu’aux sommets.
    Merci pour votre travail, un salarié du ménage.

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