Influences (n. fem. pluriel)
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  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Politique

Mathieu Bock-Côté :  » La droite française ? Une gauche pâle »

Publié le 7 novembre 2019 par

L’idée : Un entretien avec le sociologue conservateur québécois sur l’état de la politique française et les effets de l’idéologie multiculturelle.

LE NOUVEL AUTORITARISME DE LA DIVERSITÉ. Essayiste, chroniqueur au Figaro, serait-il la nouvelle mascotte intellectuelle d’une droite française désorientée ? Le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté a retenu l’attention en 2016, avec la publication de son essai, Le multiculturalisme comme religion politique - que les éditions du Cerf viennent d’éditer en poche. Lui qui avait plutôt écrit sur le malaise politique dans le laboratoire canadien, se mondialisait d’un coup avec sa thèse : l’idéal émancipateur d’une société progressiste, transnationale et multiculturelle est en fait un enfer idéologique de moins en moins climatisé. Sous couvert de modernité «  découvrant dans la diversité, son nouveau visage  », c’est bien «  une révolution idéologique qui a transformé le principe de légitimité dont se réclament nos sociétés  ». Bock-Côté, nouveau nouveau conservateur dans ce nouveau nouveau monde, campe avec talent la longue biographie d’une gauche, qui à partir de 1968 et de l’implosion du marxisme, et en accéléré à la chute du mur, s’est réinventée dans l’égalitarisme identitaire critique. La droite, du moins celle libérale, en prend aussi pour son grade qui a amplifié et même rendue plus concrète encore cette tendance. Car c’est bien elle qui «  a entrepris de transcrire dans le droit et les institutions les revendications culturelles issues de mai 1968.  » Autant dire se tirer une balle dans le pied. Esquissés dans le XXe siècle crépusculaire, les contours de cette mentalité se précisent et s’imposent aujourd’hui. Telle une entreprise cool au management autoritaire, cette idéologie qui serait même un dogme religieux exigerait un formatage mental de son peuple pour pouvoir fonctionner. Cette adaptation forcée passerait par une véritable déconstruction culturelle et anthropologique. «  La pluralité du monde qui se déployait à travers la pluralité des souverainetés n’est plus qu’une vieillerie bonne pour l’histoire des idées, mais sans pertinence aucune pour le monde à venir  », observe-t-il. Il déroule la pelote des arguments, avec ce procès déjà connu de mai 68 d’où est advenue la «  mondialisation par le marché et les droits de l’homme  ». «  La défense de la nation historique est proscrite du débat public ; il n’est plus possible de défendre son substrat culturel, en rappelant qu’elle n’est ni une simple juxtaposition de communautés, ni une seule communauté juridique.  » La référence identitaire n’est plus «  confisquée par la «  référence nationale  ». Le social est remplacé par le sociétal. La postmodernité disloque les appartenances et dissout le politique «  stationné dans l’enclos national et condamné pour cela à l’impuissance  ».  À écouter les idéologues de la diversité, le citoyen nouveau doit se conformer à «  l’ère des excuses et de la commémoration pénitentielle  », à la «  dénationalisation  » et à la «  détraditionnalisation  » et surtout, à l’effacement pure et simple de la politique et du concept d’État devant l’imperium des droits et la judiciarisation. Bref, une «  citoyenneté diasporique  », dans l’éther, mais qui se dépouillerait de son «  appartenance fondamentale à un corps politique  ». Mais Bock-Côté n’y croit pas, qui estime au contraire qu’une pesanteur irréductible de l’État fait de lui un «  acteur historique  » peu enclin à «  se laisser disloquer au nom de d’une démocratie cosmopolitique, pour l’instant plus hypothétique qu’autre chose  ». Le chapitre le plus réussi car le plus polémique mais aussi le plus personnel est le dernier, sur la nature de son conservatisme revendiqué.  Avec novembre 1989, le mur est tombé sur les ennemis d’hier certes, mais également sur cette droite conservatrice de combat mais qui n’avait pas du tout le même rapport à la civilisation occidentale que le néolibéralisme. Une religion de salut terrestre en a remplacé une autre : «  Nous assistons à une psychiatrisation de la dissidence en régime diversitaire, qui n’est pas sans rappeler celle qu’on pratiquait en URSS dans les années Brejnev, quand la critique de la révolution d’Octobre était considérée comme un signe flagrant de dérèglement mental  », cingle-t-il. L’auteur dissèque les effets concrets de cette «  nouvelle tentation totalitaire  ». Le lecteur français y reconnaît quelques mœurs détestables de la vie intellectuelle et de ce que Bock-Côté appelle «  l’imaginaire de la gauche diversitaire  ». Brillant, excessif, souvent percutant et d’une solide gourmandise intellectuelle… les arguments des «  progressistes diversitaires  » rencontrent ici leur meilleur résistant. Encore faudrait-il qu’il y ait possibilité de curiosité et de débats. Exclusions de toutes sortes et fabrique d’un lexique démonologique contre l’adversaire tué d’avance en réactionnaire, si ce n’est préfasciste, sont devenues la norme très paradoxale de la nouvelle société dite inclusive. (Le Multiculturalisme comme religion politique, Lexio, 367 p., 12 €.) E.Lx
LE NOUVEL AUTORITARISME DE LA DIVERSITÉ. Essayiste, chroniqueur au Figaro, serait-il la nouvelle mascotte intellectuelle d’une droite française désorientée ? Le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté a retenu l’attention en 2016, avec la publication de son essai, Le multiculturalisme comme religion politique – que les éditions du Cerf viennent d’éditer en poche. Lui qui avait plutôt écrit sur le malaise politique dans le laboratoire canadien, se mondialisait d’un coup avec sa thèse : l’idéal émancipateur d’une société progressiste, transnationale et multiculturelle est en fait un enfer idéologique de moins en moins climatisé. Sous couvert de modernité «  découvrant dans la diversité, son nouveau visage  », c’est bien «  une révolution idéologique qui a transformé le principe de légitimité dont se réclament nos sociétés  ». Bock-Côté, nouveau nouveau conservateur dans ce nouveau nouveau monde, campe avec talent la longue biographie d’une gauche, qui à partir de 1968 et de l’implosion du marxisme, et en accéléré à la chute du mur, s’est réinventée dans l’égalitarisme identitaire critique. La droite, du moins celle libérale, en prend aussi pour son grade qui a amplifié et même rendue plus concrète encore cette tendance. Car c’est bien elle qui «  a entrepris de transcrire dans le droit et les institutions les revendications culturelles issues de mai 1968.  » Autant dire se tirer une balle dans le pied. Esquissés dans le XXe siècle crépusculaire, les contours de cette mentalité se précisent et s’imposent aujourd’hui. Telle une entreprise cool au management autoritaire, cette idéologie qui serait même un dogme religieux exigerait un formatage mental de son peuple pour pouvoir fonctionner. Cette adaptation forcée passerait par une véritable déconstruction culturelle et anthropologique. «  La pluralité du monde qui se déployait à travers la pluralité des souverainetés n’est plus qu’une vieillerie bonne pour l’histoire des idées, mais sans pertinence aucune pour le monde à venir  », observe-t-il. Il déroule la pelote des arguments, avec ce procès déjà connu de mai 68 d’où est advenue la «  mondialisation par le marché et les droits de l’homme  ». «  La défense de la nation historique est proscrite du débat public ; il n’est plus possible de défendre son substrat culturel, en rappelant qu’elle n’est ni une simple juxtaposition de communautés, ni une seule communauté juridique.  » La référence identitaire n’est plus «  confisquée par la «  référence nationale  ». Le social est remplacé par le sociétal. La postmodernité disloque les appartenances et dissout le politique «  stationné dans l’enclos national et condamné pour cela à l’impuissance  ». À écouter les idéologues de la diversité, le citoyen nouveau doit se conformer à «  l’ère des excuses et de la commémoration pénitentielle  », à la «  dénationalisation  » et à la «  détraditionnalisation  » et surtout, à l’effacement pure et simple de la politique et du concept d’État devant l’imperium des droits et la judiciarisation. Bref, une «  citoyenneté diasporique  », dans l’éther, mais qui se dépouillerait de son «  appartenance fondamentale à un corps politique  ». Mais Bock-Côté n’y croit pas, qui estime au contraire qu’une pesanteur irréductible de l’État fait de lui un «  acteur historique  » peu enclin à «  se laisser disloquer au nom de d’une démocratie cosmopolitique, pour l’instant plus hypothétique qu’autre chose  ». Le chapitre le plus réussi car le plus polémique mais aussi le plus personnel est le dernier, sur la nature de son conservatisme revendiqué. Avec novembre 1989, le mur est tombé sur les ennemis d’hier certes, mais également sur cette droite conservatrice de combat mais qui n’avait pas du tout le même rapport à la civilisation occidentale que le néolibéralisme. Une religion de salut terrestre en a remplacé une autre : «  Nous assistons à une psychiatrisation de la dissidence en régime diversitaire, qui n’est pas sans rappeler celle qu’on pratiquait en URSS dans les années Brejnev, quand la critique de la révolution d’Octobre était considérée comme un signe flagrant de dérèglement mental  », cingle-t-il. L’auteur dissèque les effets concrets de cette «  nouvelle tentation totalitaire  ». Le lecteur français y reconnaît quelques mœurs détestables de la vie intellectuelle et de ce que Bock-Côté appelle «  l’imaginaire de la gauche diversitaire  ». Brillant, excessif, souvent percutant et d’une solide gourmandise intellectuelle… les arguments des «  progressistes diversitaires  » rencontrent ici leur meilleur résistant. Encore faudrait-il qu’il y ait possibilité de curiosité et de débats. Exclusions de toutes sortes et fabrique d’un lexique démonologique contre l’adversaire tué d’avance en réactionnaire, si ce n’est préfasciste, sont devenues la norme très paradoxale de la nouvelle société dite inclusive. (Le Multiculturalisme comme religion politique, Lexio, 367 p., 12 €.) E.Lx
Dans votre essai, vous montrez qu’il n’y a pas que le communisme qui a disparu en 1989, mais également une certaine droite conservatrice qui a été évincée par une autre, libérale. Vit-on toujours dans cette période, ou se fragmente t-elle ?

La disqualification morale de la droite conservatrice remonte à plus loin, même s’il est vrai qu’elle se radicalisera avec l’entrée dans l’ère de la mondialisation heureuse au début des années 1990. Dans une époque qui devait être celle de la liquidation des frontières et des peuples, pour qu’advienne un citoyen du monde caractérisé par son hybridité identitaire, la droite devait s’adapter, essentiellement en se repliant sur sa dimension libérale, et en sacrifiant sa part conservatrice, qui fut pathologisée. On ne voulait plus y voir qu’une forme de résistance au changement, de repli identitaire, surtout présente d’ailleurs dans les classes populaires incapables de s’adapter à un monde où il faudrait toujours être en mouvement. À travers cela, c’est le gaullisme historique qui sera liquidé. Politiquement, la déchéance du RPR demeure le symbole de cette expulsion symbolique d’une forme de national-conservatisme de la vie politique. Son espace, nous le savons, sera récupéré par d’autres. Le conservatisme sera extrême-droitisé. On le diabolisera, avant de le réduire à une série de phobies. On en fera même le parti de l’intolérance.

Assurément, la mouvance conservatrice cherche à se déprendre du petit espace où elle avait été confinée. Elle entend retrouver son propre langage, son propre imaginaire.

C’était une époque marquée par le sentiment de la fin de l’Histoire. Certains la célébraient, d’autres la contestaient, la grande majorité n’osait toutefois remettre en question que nous en étions rendus là. La seule dissidence possible devint celle de l’esthète réactionnaire de génie, qui avait le droit de maudire notre temps, à condition d’accepter sa défaite. Je pense évidemment à Philippe Muray.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Assurément, la mouvance conservatrice cherche à se déprendre du petit espace où elle avait été confiné. Elle entend retrouver son propre langage, son propre imaginaire. On utilise contre elle toujours les mêmes méthodes. Par exemple, ceux qui se portent à la défense du cadre national ou de l’identité nationale sont vite suspectés de racisme. On leur colle une sale étiquette. Il se peut que ces méthodes soient un peu moins efficaces qu’avant. L’époque y est pour beaucoup. La crise de civilisation que nous traversons est propice à la résurgence d’un conservatisme tragique, qui est tout le contraire de la droite gestionnaire bon chic bon genre.

Paradoxe : Il semble pourtant que l’esprit du temps soit en faveur des valeurs de droite. Comment expliquez-vous la dilution politique de la droite française ?

Sans le moindre doute, notre époque est théoriquement favorable au conservatisme. La mutation fondamentaliste de la modernité, qui se donne à voir dans la déconstruction militante des ancrages anthropologiques de notre civilisation, comme si la société liquide avait besoin d’une identité fluide, déstabilise les fondements mêmes de l’ordre social. Dès lors, certaines aspirations fondamentales de l’âme humaine ne trouvent plus d’échos dans la cité, comme si l’homme devait s’arracher à ses appartenances pour s’émanciper véritablement. Je pense évidemment à l’enracinement, aussi à la conscience d’une nécessaire verticalité dans la constitution de la communauté politique. Il y a un espace dès lors pour qui voudra occuper et assumer ce pôle de l’espace politique. Mais qui l’occupera s’assurera une mauvaise réputation médiatique : le progressisme demeure médiatiquement et intellectuellement hégémonique, quoi qu’on en dise. À travers cela, il faut bien dire que la droite française ne s’aime pas: elle aime quand la gauche l’aime. Elle aurait tout avantage à lire des auteurs qui, s’ils ne se disent pas nécessairement de droite, lui permettraient de reconstruire son imaginaire, qui doit être celui de la continuité historique de la nation française. Je me permets d’ajouter que ces auteurs sont nombreux, et que ces dernières années, de nombreux ouvrages de grande qualité, marqués par cette sensibilité conservatrice, sont parus.

Le macronisme ? Il est plus difficile de répondre à cette question aujourd’hui qu’il y a deux ans.

Comment définiriez-vous le macronisme ?

Il est plus difficile de répondre à cette question aujourd’hui qu’il y a deux ans. Le macronisme s’est d’abord présenté comme le parti de la mondialisation heureuse, avant de donner l’impression, une fois au pouvoir, de se délivrer de son progressisme obligatoire, pour intégrer dans son logiciel la part de conservatisme dont le pays avait besoin. Il s’est ensuite reconverti en croisade progressiste contre la lèpre populiste tout en voulant jouer la carte du parti de l’Ordre. Aujourd’hui, il entend incarner une ligne ferme sur l’immigration. On pourrait croire que le macronisme est infiniment flexible. Voyons cela autrement : la classe dominante entend persévérer dans le progressisme mais est prête à multiplier les contorsions idéologiques pour rester au pouvoir.

Et le RN ?

Le RN ne parvient pas à sortir de la fonction tribunicienne et demeure pour cela le parti protestataire par excellence. Mais personne n’imagine un scénario où il pourrait l’emporter, d’autant qu’il se montre hostile à toute forme d’alliance – il faut bien dire qu’inversement, personne ne veut vraiment s’allier avec lui. Il faut dire aussi que le système électoral permet encore aujourd’hui de jouer contre lui la stratégie du cordon sanitaire. Dès lors, il rêve d’une poussée aux extrêmes avec Macron, dont il serait l’opposant véritable. Le RN version Marine semble rêver au populisme intégral pour transformer le malaise français en révolte électorale. Son programme demeure pourtant plus flou qu’il ne veut l’avouer.

La droite française est aussi une droite littéraire. C’est certainement là où elle est la plus brillante.

Y a t-il une spécificité de la droite française ?

Assurément : politiquement, elle semble incapable de se définir autrement qu’à la manière d’une gauche pâle, d’une gauche au ralenti, qui donne l’impression de s’accrocher au monde d’hier, tout en sachant qu’elle finira par sacrifier ses positions, surtout sur les questions sociétales et identitaires. La droite feint de résister chaque fois à la révolution diversitaire mais prépare chaque fois sa capitulation et son ralliement au nom du réalisme politique et de l’adaptation à la modernité. Elle s’est laissée convaincre qu’elle n’était pas dans le sens de l’Histoire et n’a pas de contre-récit à jouer contre ce dernier. Cela dit, c’est une réponse bien sévère et trop brève. La droite française a le sens de la nation, elle croit au politique, elle croit à l’État. Au fond d’elle-même, elle est consciente de la nature tragique de l’histoire. C’est qu’elle demeure marquée par l’empreinte gaullienne. La droite française est aussi une droite littéraire. C’est certainement là où elle est la plus brillante. Paradoxalement, c’est là qu’elle révèle aussi sa tentation crépusculaire. Il suffit de penser à l’œuvre magnifique de Chateaubriand pour s’en convaincre.

À quoi, selon vous, ressembleront les droites du XXIe siècle et sur quel socle idéologique peuvent-elles espérer tirer leur épingle du jeu?

La droite, si elle veut être pertinente, doit se délivrer de son préjugé économiciste. Surtout, elle doit renouer avec la question du régime. Car le régime diversitaire, quoi qu’en disent des propagandistes et théoriciens, ne représente pas une évolution du la démocratie libérale, mais sa contradiction. La droite devrait, me semble-t-il, se refonder dans la critique du régime diversitaire: critique de l’immigration massive et du multiculturalisme, de la déconstruction anthropologique, du postnationalisme, du gouvernement des juges et des excès du libre-échangisme mondialisé. Elle ne devrait pas s’interdire de prendre au sérieux la crise écologique. À l’horizon, il s’agira de restaurer l’État-nation et la démocratie libérale, et un certain patriotisme de civilisation européen ou occidental comme chez vous ou comme chez nous.

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QUE LISEZ-VOUS EN CE MOMENT ?

Je relis les œuvres autobiographiques d’Arthur Koestler. On trouve aussi sur ma table de travail la biographie de Russel Kirk, une figure majeure du conservatisme américain, par Bradley J. Birzer, ainsi que Des hommes justes, d’Ivan Jablonka (Seuil).

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