Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Kauffman Stuart

Stuart Kauffman

Publié le 16 mai 2009 par

Stuart Kauffman est l’une des figures marquantes de cette «  nouvelle science de la complexité  » qui s’esquisse doucement dans les laboratoires. Un domaine en pointe, mais dont les conséquences philosophiques sont encore difficiles à évaluer.

Portrait dessiné : Darius
Portrait dessiné : Darius
À un moment où bon nombre de scientifiques rejoignent les rangs des «  brights  » (athéistes militants) en réaction à pesanteur religieuse des années Bush, Stuart Kauffman part lui, dans l’autre sens, et propose une réévaluation du Sacré.

Mais rassurons-nous, on n’a pas affaire à un créationniste nouveau style. Bien au contraire, Kauffman s’est illustré en étudiant l’une des grandes énigmes restées sans solution de la science moderne – et cheval de bataille des créationnistes – l’origine de la vie.

Il s’est attaqué à l’éternelle question du hasard et de la nécessité : si la vie est née par une pure combinaison de phénomènes aléatoires, alors les probabilités de son apparition sont tellement minimales qu’on ne peut y voir qu’un événement unique dans l’histoire du cosmos, quelque chose de complètement singulier et de toutes les façons, sans signification. Du coup, il ne devient même plus possible d’élaborer une théorie scientifique à son sujet. Kauffman fait partie de ceux qui n’ont pas démissionné face au problème : il doit y avoir des lois qui gouvernent des phénomènes comme la vie. À coup de simulations informatiques, il a élaboré une série de systèmes comme les réseaux autocatalytiques ( capables de créer leurs propres composants, ce qui facilite la génération de molécules de plus en plus complexes) ou les réseaux booléens (capables d’affecter des configurations très complexes, mais stables et cycliques). Ces différents algorithmes tendent à montrer que les lois de la physique ne s’opposent pas à la génération d’entités complexes comme les organismes vivants. Au contraire, elles l’encouragent : nous ne sommes plus des étrangers sur la terre, créés par un Dieu extérieur au monde ou produits dérivés d’un absurde concours de circonstances, comme le pensait Jérôme Monod : nous sommes «  chez nous dans l’univers  », titre du premier livre de Kauffman.

La compréhension des mécanismes de la complexité est un enjeu fondamental, tant en médecine qu’en écologie ou en économie. Pour ses travaux dans ce domaine, Kauffman a obtenu en 1987 le prix de la fondation McArthur, également surnommé le prix Génie, qui récompense «  des individus qui ont montré une originalité extraordinaire et une grande ténacité dans leurs travaux créatifs  ».

Kauffman s’est intéressé tant aux applications pratiques de ses découvertes qu’à leurs conséquences philosophiques. La fin des années 1990 l’a vu businessman : soucieux d’utiliser ses recherches dans le domaine de la prévision économique ou du «  data mining  » (recherche d’information), il a été l’une des chevilles ouvrières de la mini-révolution (avortée) qu’on a appelée «  l’info mesa  », une espèce de Silicon Valley de la complexité, qui se développa un temps sur le plateau de Santa Fe, près de l’Institut pour l’étude des sciences complexes où Kauffman a développé ses idées. Apparemment, ce nouveau paradigme n’est pas encore prêt pour le monde des affaires puisque la plupart des sociétés créées à cette époque en ce lieu ont fermé leurs portes, celle de Stuart Kauffman, Bios Group – et celle qui la racheta, Nutek – comprises.

Son dernier livre, Reinventing the sacred (Basic books, 2008), nous ramène à la philosophie. À première vue, les hypothèses de Kauffman pourraient plutôt justifier l’athéisme, puisqu’elles rendent inutile l’hypothèse d’un créateur capable de justifier la haute improbabilité du vivant. Mais en revanche,selon Kauffman, les théories de l’auto-organisation réhabilitent une certaine idée de Dieu, un concept à son avis encore fécond pour représenter l’extraordinaire créativité de l’univers lui-même.

Pour Kauffman les notions d’auto-organisation et d’émergence mettent fin à «  l’enchantement galiléen  » du réductionnisme, selon lequel la connaissance des éléments constitutifs de l’univers et des lois de la physique peut nous amener à une compréhension totale de l’univers, mais au détriment de toutes les valeurs que nous chérissons. Une attitude parfaitement exprimée par le physicien Steven Weinberg lorsqu’il proclame : «  plus nous comprenons l’univers moins celui-ci semble avoir de sens  ».

Pas question de remettre en cause les lois de la physique et de supposer que «  quelque chose  » vient de l’extérieur pour donner naissance à la vie ou à la conscience. Mais le phénomène d’émergence qui montre qu’à chaque nouvelle échelle de complexité apparaissent des phénomènes inattendus et imprévisibles rend le réductionnisme inopérant. Les valeurs, la conscience ne sont pas des épiphénomènes sans importance. Ils font partie intégrante de la biosphère.

L’infinité des possibles ouverte par l’émergence et les surprises de l’évolution darwinienne suffit, selon Kauffman, à nous remplir d’émerveillement et cette infinie créativité mérite selon lui largement le nom de Dieu.

Mais est-il nécessaire de reprendre un terme aussi chargé, aux connotations aussi nombreuses, et si suspect aux yeux des scientifiques ?
«  Mais la notion de Dieu évolue  », répond Kauffman. Il y a une grande différence entre les déesses mères du néolithique, le Dieu de colère de l’Ancien testament et celui d’amour des évangiles. Pourquoi le concept n’évoluerait-il pas encore une fois dans un sens compatible avec la science moderne ? «  Dieu est le symbole le plus fort que nous ayons  » explique Stuart Kauffman dans une interview à le revue Salon. De fait, selon lui, réutiliser le mot «  Dieu  » en lui donnant une nouvelle signification pourrait permettre de bâtir un pont et ouvrir une communication entre les théistes traditionnels et les tenants de la pensée scientifique, au lieu de choisir la confrontation directe, comme le ferait un Dawkins.

Un Dieu plus proche de celui des stoïciens ou de Giordano Bruno que de celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, donc. «  C’est le Dieu de Spinoza, celui auquel croyait Einstein, précise-t-il. Mais leur vision de l’univers était déterministe. Le nouveau point de vue envisage un cosmos partiellement dépourvu de lois et constamment créatif. Et nous sommes les enfants de cette créativité.  »

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