Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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Albert Hofman

Publié le 16 mai 2009 par

«  Le paysage m’apparaissait comme un miroir déformant,
et j’avais l’impression de pédaler sur place  »

Portrait dessiné : Darius
Portrait dessiné : Darius
Tout le monde connaît Galilée et sa lunette. Newton et sa pomme. Flemming et ses moisissures. On connaît moins bien Hofmann et sa bicyclette. Pourtant Albert Hofmann, qui est mort cette année à l’âge vénérable de 102 ans a certainement contribué à changer le monde moderne, pour le meilleur ou pour le pire, selon les points de vue.
Comme beaucoup de grandes découvertes, Hofmann a fait la sienne par hasard. En 1938, ce chimiste travaillant pour la compagnie Sandoz, étudie différents dérivés de l’ergot de seigle dans l’espoir de découvrir un remède contre le mal de tête. C’est à cette date qu’il crée le 25e dérivé de l’acide lysergique. Puis il l’oublie. Cinq ans plus tard, en 1943, il en recommence la synthèse. Dans les heures qui suivent, il se sent à la fois agité et pris de vertiges. Alors qu’il s’allonge, il observe un carnaval d’images fantastiques défiler derrière ses yeux clos. Hofmann vient de découvrir les étranges propriétés de son nouveau composé, le LSD 25.
Comment en a-t-il ingéré ? Hofmann est par habitude très prudent avec les molécules qu’il étudie. Si un peu du produit a fui, ce doit être en quantité infime.

Fasciné par les résultats, il décide de recommencer l’expérience, en présence de ses assistants. Prudent, il se contente d’ingérer une quantité infime, pense-t-il : 0,25 milligramme devrait avoir une puissance limitée. Il s’agit en fait d’une dose très puissante ! Peu après les premiers effets se font sentir et Hofmann décide de prendre son vélo pour rentrer chez lui. Un voyage plutôt difficile : «  Le paysage m’apparaissait comme un miroir déformant, expliquera-t-il. Et j’avais l’impression de pédaler sur place.  »

Le «  mauvais trip  » commence à son retour chez lui. Il est persuadé qu’il est en train de mourir ou de devenir fou. Un médecin, convoqué d’urgence, ne remarque rien d’anormal en dehors de ses pupilles dilatées. Il arrive finalement à se calmer, et le voyage prend une bien meilleure tournure :

«  quand plus tard j’allais marcher dans la rue, éclairé par le soleil après une pluie de printemps, tout scintillait et miroitait dans une pure lumière. J’avais l’impression que le monde venait d’être créé…  »

Cette date, le 19 avril 1943, est depuis célébrée par la culture psychédélique comme le «  jour de la bicyclette  ».

Après son premier voyage, le rôle d’Albert Hofmann dans l’histoire du LSD s’estompe. Le composé passe entre les mains de l’entreprise Sandoz, qui en distribuera légalement pendant des années, à des psychiatres, à des chercheurs, à la CIA… Jusqu’aux années 1960 ou, via les beatnicks et Timothy Leary, le produit entrera dans l’histoire.

Hofmann ne joue guère de rôle dans la contre-culture des années 1960. Il apprécie peu le messianisme autour de «  sa  » molécule, et les efforts d’évangélisation d’un Timothy Leary le laissent froid, c’est le moins qu’on puisse dire. Il n’est pas, pour autant, un simple chimiste qui aurait découvert le produit sans jamais participer au mouvement qu’il a contribué à créer. En 1951, il prend du LSD en compagnie de l’écrivain Ernst Jünger. Il apprécie aussi grandement les entretiens avec l’écrivain Aldous Huxley, qu’il a l’occasion de rencontrer plusieurs fois. Sa fascination pour les hallucinogènes ne s’arrête pas au LSD. À la fin des années 1950, il s’intéresse au principal composant chimique des «  champignons magiques  » mexicains, la psilocybine.

Discret pendant les «  sixties  », Hofmann tombe dans l’oubli à partir des années 1980. Mais il connaît un surprenant come-back le 13 janvier 2006, à l’occasion de l’anniversaire de ses 100 ans. L’événement va non seulement contribuer à ramener à la lumière un chercheur méconnu, mais aussi à réévaluer le rôle de son «  enfant à problèmes  », le LSD 25.
C’est donc à l’occasion de ces célébrations que s’est tenu à Basel, la ville suisse où habitait Hofmann, un symposium sur le LSD qui a réuni plus de 80 conférenciers et 2 000 participants. À cette occasion, de nombreux chercheurs tout à fait respectables se sont succédé à la tribune pour défendre les potentialités thérapeutiques du LSD et demander une reprise des recherches sur le sujet et un allégement de la prohibition frappant le produit. On se serait cru revenu trente ans plus tôt !

L’événement fut l’occasion pour une revue comme Wired d’insister sur le rôle du LSD dans les révolutions technologiques et scientifiques du xxe siècle, la surnommant «  la drogue des geeks  » et rappelant qu’outre Steve Jobs, le fondateur d’Apple (qui affirma que prendre du LSD fut une des deux ou trois choses les plus importantes de sa vie), on pouvait également citer : Douglas Engelbart, inventeur de la souris ; Kary Mullis, prix Nobel de chimie qui reconnut avoir été aidé par le LSD dans ses recherches sur l’amplification des séquences d’ADN. On évoque également du prix Nobel Francis, codécouvreur de la structure hélicoïdale de l’Adn qui aurait utilisé dans les années 1950 de faibles doses de LSD parce que ça l’aidait à réfléchir.

Le rôle qu’a joué la personnalité d’Albert Hofmann a peut-être été sous estimé dans l’histoire du LSD. Ce n’était pas pour rien qu’il était fasciné par cette drogue. Ses effets lui avaient rappelé une autre expérience mystique survenue dans sa jeunesse. Pour le psychiatre Michael Szukaj, qui en discuta avec Hofmann, «  s’il n’avait pas connu (et été capable de se rappeler) l’existence d’une forme similaire d’expérience transpersonnelle survenue dans son enfance, l’humanité n’aurait peut-être jamais vraiment compris la structure chimique du LSD (4)  ». Autrement dit, la théorie de la gravitation n’est pas dans la pomme, et le mysticisme sous-jacent d’Hofmann n’a fait que se révéler sous LSD, lui fournissant une interprétation qui allait influer fortement sur la vision que ses successeurs auraient des effets de la molécule. Que se serait-il passé si le voyage à bicyclette avait été accompli par un chimiste moins enclin à apprécier les métamorphoses possibles de la conscience ?

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