Influences (n. fem. pluriel)
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Les Influences

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Pierre Rosanvallon : les egos des égaux

Publié le 22 septembre 2011 par

Son essai La société des égaux renoue le philosophe avec l’universalisme républicain. Mais son concept ne se restreint-il pas au débat franco-français ?

Comment concilier la république de la solidarité avec l’individualisme contemporain ? C’est ce à quoi s’attelle le philosophe politique Pierre Rosavallon dans son ouvrage «  La société des égaux  » (Le Seuil), un livre abouti, explicitement inscrit dans les débats présidentiels à venir, sur lesquels l’animateur du site La vie des idées entend peser et que Libération a voulu prescrire à toute force.

Peur sur le contrat social français

Pierre Ronsavallon aborde dans cet ouvrage, l’idée d’égalité, délaissée ces dernières années et qui fait son retour en force dans les mentalités françaises. Partant du constat que jamais l’écart entre l’importance prise par les sujets socio-économiques dans l’espace médiatique et la petitesse de la réponse politique n’aura été aussi grande en 2011, l’auteur rappelle pourtant que depuis l’âge des démocraties, et particulièrement depuis 1945, la baisse des inégalités économiques était consubstantielle à l’idée démocratique.

Or, lorsque Martin Hirsh affirmait lors de son précédent mandat trouver «  plus de trente mille français qui gagnent plus d’un millions d’euros en France, alors qu’il était difficile d’en trouver auparavant  », difficile il semble, de ne pas penser à la barre des 8 millions de pauvres en France récemment franchie. En effet, depuis le début des «  trente piteuses  », rien ne semble pouvoir arrêter les tendances à l’accroissement des inégalités. Pourquoi un tel changement à partir des années 1980 en France ?

Les différents cycles capitalistiques

L’auteur précise pour commencer que la baisse des inégalités recouvre une période s’étalant de 1900 à 1980, en précisant que l’on venait d’une période hautement capitalistique où les inégalités étaient énormes, lesquelles ont donné lieu à la naissance du mouvement ouvrier et socialiste, craint par les partisans du capital. Le retour aux inégalités correspondrait à un «  réformisme de la peur  » à mettre en relation avec la chute du mur de Berlin et de l’URSS, ceux-la mêmes qui faisait «  tenir  » par ricochet le pacte social à l’Ouest.
Il rappelle que les guerres civiles européennes du XXe siècle ont joué également un rôle fondamental, puisque les hommes, égaux devant la mort, ont aboli les distinctions sociales. Ces épreuves de «  mises en commun  » se sont dissipées au moment de la chute de l’URSS, vue par certain penseurs comme «  la fin de l’histoire  ». Cependant, lorsque le terrorisme international a fait son apparition, ce sentiment d’insécurité n’a pas produit de la solidarité escomptée, mais a favorisé a contrario l’essor de l’Etat autoritaire et du repli sur soi.

Des virus accélèrent la mutation de la démocratie

Cet ouvrage se présente également comme le dernier d’une trilogie commencée par «  La contre démocratie » et «  La légitimité démocratique  », dans lesquels l’auteur explique la mutation d’une démocratie moderne à sa forme post-moderne. Il continue donc sur les transformations difficilement perceptibles de la démocratie, et du malaise que les peuples éprouvent quant à sa capacité à produire le bien public. L’auteur essaie donc en substance d’établir un curseur démocratique en déterminant à quel niveau d’inégalité le contrat démocratique sera définitivement morcelé.

Mais au-delà de ces cancers sociaux, le problème est double : premièrement, si tout le monde s’accorde à dénoncer ces inégalités, les phénomènes qui les produisent comme la justification par le mérite, le fait de valoriser l’individu qui joue pour lui même, fonde l’idée même d’une sourde légitimation ainsi qu’une acceptation silencieuse de ces mécanismes par une partie de la population. Au final, ce n’est pas forcément la sécession de la classe des ultra-riches qui pose problème, mais la décomposition du lien social qui apparaît comme nettement plus grave. Cette dernière remarque constitue de fait le corps de la démonstration de Pierre Rosanvallon.

De la volonté de faire corps avec la société

Influencé par les thématiques de l’identité et de l’équité étudiées par Taylor et Rawls, le principal questionnement de l’auteur revient à s’interroger sur la façon de «  faire société  ». La société est en effet en train de s’effilocher et s’il faut évidemment parler impôt et prélèvement, il faut observer les causes profondes de cette anémie sociale. L’égalité n’est pas seulement une question économique et de redistribution des richesses, mais aussi citoyenne. Rappelons que le mot d’ordre d’égalité des révolutions françaises et américaines était que les individus devaient se considérer comme des semblables, sans distinctions instituées.

C’est ce que rappelait Tocqueville lorsqu’il affirmait que «  la question de l’égalité est économique mais elle est aussi sociétale  ». De ce postulat, le professeur au Collège de France estime que si les inégalités économiques ont progressé de manière exponentielle, c’est que l’égalité sociale s’est effritée et que «  l’égalité des semblables  » s’est défaite. A la question de reconstruire le corps social, il s’agit également de rétablir un monde de la réciprocité entre les individus, d’instaurer des lieux de communalité pour que les gens se rencontrent mais en acceptant également que les individus puissent être reconnu dans leur singularité.

Cette anémie vient donc du fait que nombre d’individus n’ont plus le sentiment d’être reconnus comme tels. Par conséquent, derrière le sentiment d’injustice éprouvé devant les inégalités, il faut bien voir que si cette société ne se refait pas, c’est la démocratie politique elle-même qui sera en danger, car lorsque une société se défait, la façon primitive de la remodeler, c’est dans homogénéité et dans le rejet de l’autre. La maladie de l’Europe au XXe scièle s’incarnait dans le totalitarisme. Au XXIe siècle, la maladie de l’inégalité pourrait prendre le visage du populisme.

Comment ainsi refonder l’égalité lorsque l’individualisme augmente ainsi que les revendications au droit à la différence ? Derrière la destruction progressive du programme de la résistance, fondement de l’Etat de Providence français, se joue également les questions liées à l’identité de chacun susceptibles de désolidariser l’unité du peuple français.

L’auteur finit, non sans jeu de mots, par des propositions pour résoudre ce grave problème en pariant sur la mise en valeur «  des égos  » afin de favoriser l’installation de la société des égaux, celle-ci s’appuyant sur la mise en place d’une politique de singularité et de réciprocité. C’est à travers ces deux axes, décrites dans la dernière partie du livre, que la société des égaux deviendra alors une «  utopie parfaitement réaliste  ».

Un cadre théorique trop franco-français ?

Se limiter au cadre national ou in extenso à celui des pays de l’OCDE ne serait-il pas contradictoire avec l’universalisme républicain ? N’oublions pas, au risque de heurter, qu’un citoyen français touchant le salaire minimum fait tout de même partie des 10% les plus riches du monde. La différence salariale entre pays riches et pauvres était de 1 à 45 en 1960, et de de 1 à 60 en 1980, et ce chiffre semble augmenter sans cesse depuis.

Dans tous les cas, l’auteur qui se réclame de la tradition philosophique de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme semble précisément oublier cet universalisme pour les infiniment plus pauvres de la planète. En dehors de cette polémique, cet ouvrage très complet sonne également comme une certaine rédemption de l’auteur par rapport à ses espoirs placés dans le courant de la seconde gauche. Il est décidément bien difficile de réconcilier société et marché.

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3 commentaires sur “Pierre Rosanvallon : les egos des égaux

  1. Pierre Rosanvallon : les egos des égaux
    bon résumé de cet ouvrage qui fait déjà du bruit !

    un peu juste cependant sur les dérives (au sens premier du terme) de la conception de l’égalité chez les français et les américains. les premiers présidents américains étaient des jacobins et avaient je pense la même approche de l’égalité que les français mais la pensé libérale au sens d’adam smith a pris le dessus. et un peu court sur les critiques adressées au livre, enfin bon, on fait ce qu’on peut.

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