Yaël Benayoun et Irénée Régnauld déconnectent les dogmes
Publié le 20 décembre 2020 par Les Influences
NUMÉRIQUE. Technologies partout, démocratie nulle part, Yaël Benayoun et Irénée Régnauld, Fyp, 239 p., 20 €. Paru septembre 2020.
L’idée : Pourquoi le progrès promis par les technologies numériques nous échappent-elles et sortent du bien commun.
Cette année encore, les essais sur les dystopies numériques forgées par les GAFAM (Google, Amazon, FaceBook, Apple, Microsoft) et nos servitudes volontaires devant les écrans sont légion. Qu’ils prennent la signature autorisée d’un geek repenti, Jaron Lanier, ou réformiste, le sociologue des médias Romain Badouard, ou d’économistes libéraux contrariés qui prédisent l’ère brutale des titans financiers et politiques (Olivier Babeau, Charles-Édouard Bouée). Technologies partout, démocratie nulle part, lui, tire particulièrement son épingle du jeu dans cette littérature fort abondante. Pas de révélation à proprement dit, mais un point de vue panoramique, une pédagogie éclairée et un plaidoyer pour faire entrer le débat démocratique et les expériences citoyennes dans la technique numérique. « Progressivement, la technologie s’est imposée dans l’agenda politique au même titre que d’autres grands sujets de société, comme le chômage ou la santé. La protection de la vie privée, la ‘’fracture numérique’’, les effets de l’automatisation sur l’emploi ou le secteur public sont des thèmes fréquemment abordées dans les médias » relèvent les deux auteurs. Mais rien n’est prêt.
La pollution sous-estimée de ces technologies, la condition sociale des centaines de milliers de travailleurs du clic, l’insoutenabilité à terme d’une telle industrie gourmande de minerais au recyclage très faible, sans oublier la progression de technologies autoritaires, constituent autant d’impensés. Yaël Benayoun et Irénée Régnauld, animateurs du think tank associatif Le Mouton numérique analysent les impacts des choix technologiques par les industries et le pouvoir politique peu décidés à changer la donne inquiétante. Toutes leurs réflexions de grande densité convergent vers la nécessité de retrouver le sens du commun dans le grand bazar numérique.
La partie la plus passionnante de l’essai est le démontage des dogmes, du travail psychologique et essaims d’idées qui facilitent la mise à l’écart des délibérations citoyennes. Les auteurs trient également les pratiques et les technologies « plus démocratiques que d’autres ». Le troisième volet abordé est pour l’instant, le plus fragile : comment renouer les technologies du numérique avec le bien commun. Des thèses coopérativistes aux exemples de démocratie locale, les exemples fourmillent telles un ensemble impressionniste de petites pousses expérimentales, mais peu implantées. L’essai, lui, éclaire, bouscule, stimule.
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