Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Culture #Edgar Morin #Jeunes #Salut les copains #Sociologie #Yéyé

Il a été le premier des yéyés

Publié le 20 octobre 2009 par

Le 19 octobre 1959, Daniel Filipacchi lançait une nouvelle émission pour la jeunesse sur Europe n°1 : Salut Les Copains allait devenir le rendez-vous de toute une génération. Après l’émission adulée, il y eût le magazine à succès du même nom, et bien avant la pop philosophie, la première théorie yéyé signée Edgar Morin.

Edgar Morin (source : Olivierroller.com)
Edgar Morin (source : Olivierroller.com)

Le 19 octobre 1959, à l’heure du goûter, écoliers et lycéens purent écouter sur la station Europe n°1, la première émission musicale qui leur ressemblait et accompagnerait leur mue sociologique des années 1960 : Salut les copains ! A partir de juillet 1962 et durant quatorze années , les mêmes journalistes Daniel Filipacchi et Frank Ténot, mais aussi les photographes Tony Franck et Jean-Marie Périer, sauront également aimanter les générations du baby-boom avec leur magazine Salut les copains, qui atteindra à son apogée plus d’un million d’exemplaires vendus.

Le phénomène SLC a eu le droit à une analyse sociologique culte sur la nouvelle classe adolescente, publiée dans Le Monde du 6-7 juillet 1963, et signée Edgar Morin.
«  Cet article Salut Les Copains fait partie de mes petites prophéties dont je suis assez fier  », se souvient notre sociologue. Il a expérimenté sur le vif, le diagnostic sociologique ou «  analyse événementielle  », en s’inspirant de l’événement-choc qui a mis la France des médias et des adultes par-terre, c’est-à-dire «  La nuit de la Nation  » qu’organisèrent Europe n°1 et SLC, le 22 juin 1963.

copains.jpg Ce soir-là, les organisateurs attendent 30 000 participants, tout au plus. Les idoles juvéniles destinées à attirer le public s’appellent Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Eddy Mitchell ou encore Richard Anthony. C’est une marée humaine de 150 000 personnes qui déborde et se transforme en une manifestation immense et inattendue, apolitique et juvénile. La première manifestation de masse d’affirmation publique de la jeunesse du baby-boom.
La fête inédite se transforma aussi en manifestation violente : grilles arrachées, voitures détruites, bastons et affrontements avec la police. La presse des adultes se déchaîna contre ce mouvement. Paris-Soir titra : «  Salut les voyous !  » L’écrivain François Nourissier tempêta dans Les Nouvelles Littéraires : «  Nés en 44, le temps des Zidôles.  »

«  le yéyé, entre dada et gaga »

copains2.jpg Que décrypte lui à chaud Edgar Morin de ce bouillon de culture ? «  J’ai été le premier à utiliser l’expression «  yéyé  ». Les intellectuels de l’époque dédaignaient ce genre de mouvement, à l’exception notable d’un Georges Lapassade qui à la même époque publie son fameux L’Entrée dans la vie (Minuit), un essai sur l’inachèvement de l’homme et l’importance justement du problème de l’adolescence dans les sociétés modernes, se souvient le pop philosophe. Cette manifestation était la version vaselinée de la culture adolescente qui jaillissait en Californie et dans le rock américain.  »

Le sociologue des yéyés, lui, observe que si le jeunisme est une invention de vieux, on assiste à un important rajeunissement de la société française. «  C’est dans l’univers capitaliste occidental que le phénomène s’épanouit pleinement, et par l’intermédiaire des mass media, écrit-il. L’adolescence en tant que telle apparaît et se cristallise lorsque le rite de l’initiation dépérit ou disparaît, lorsque l’accession à l’état d’homme se fait graduellement.  »

C’est la constitution d’un nouveau monde mais qui rappelle aussi l’ancien. «  La nouvelle classe adolescente apparaît comme un microcosme de la société toute entière  », mais qui dans le même mouvement, «  peut s’enfermer dans une petite société étanche  ». Edgar Morin analyse le «  yé-yé  », rythme endiablé du twist, comme philosophie de cette jeune communauté. Ambivalence d’un mouvement : «  Dans le yé-yé, il y a superposition, voire mixage de contenus de la culture de masse et d’une absence de contenus. Yé-yé est quelque chose qui sonne comme le dada de Tzara et quelque chose qui sonne déjà le gaga.  »
C’est toute l’ambivalence du nihilisme qui accompagne parfaitement l’âge de l’adolescence, cet âge qui porte avec excellence la possible révolte comme le probable conformisme, et qui s’est manifesté avec éclat à l’occasion de la Nuit de la Nation.

Le yéyé préfigure Mai 68 «  copain-clopant  »

copains3.jpg Le yéyé est un traceur chimique de cette révolution de civilisation. «  Il y a un message d’extase sans religion, sans idéologie, qui nous est venu par une prodigieuse injonction de sève noire, de négritude déracinée, dans la civilisation américaine, et qui s’est incorporé dans l’humanité du XXe siècle  » estime encore le sociologue. Et le quadragénaire de faire contre mauvaise fortune bon espoir : «  Certes, je suis de ceux qui voudraient que les extases aient un sens , qu’elles s’inscrivent dans un mouvement de réalisation de fraternité humaine, du progrès de l’espèce. Mais je suis aussi de ceux qui préfèrent aux ferveurs trompées et corrompues des décennies 1930 à 1950, une ferveur pour ainsi dire à vide, et inoffensive.  »

Tous ces jeunes, objets de tant d’angoisses du monde des adultes, et qui refoulent profondément leurs propres inquiétudes, «  s’en vont vers l’âge adulte copain-cloplant  » résume l’observateur, avec ses habituels jeux de mots métaphoriques.

Ces copains dans une ambivalence de crise et de mutation préfigurent mai 1968, autre objet sociologique «  flash  » d’Edgar Morin, qui construira sa réputation d’observateur des chaos. Quant aux yéyés et leur journal officiel Salut les Copains, comme le retrace le journaliste et écrivain Christophe Quillien dans un joli album acidulé qui vient de paraître, ils capituleront devant l’irruption des «  néo yéyés  » des années 1970.

Quant à Edgar Morin, né en 1921 au temps des opérettes et des chansons glamour de José Padilla, plus que Sheila ou Johnny –mais pour qui il ne cultive nul mépris-, à cette époque c’est vers les Rolling Stones qu’iraient ses goûts.

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