Avec les derniers premiers hommes
Publié le 4 mai 2009 par Les Influences
Le photographe Pierre de Vallombreuse sillonne la planète depuis plus de vingt ans, traquant les derniers éclats des cinq mille peuples les plus menacés par la mondialisation. « Ces êtres sont étranges, mais non étrangers, et notre identité est incluse dans leur étrangeté », a écrit Edgar Morin.
L’@mateur d’idées offre en cadeau à ses internautes, un port-folio d’images du photographe qui propose une magnifique exposition à la Maison des Métallos à partir du 19 novembre.
PDF : texte de Guillaume Jan.
Mise en page : JL Hinsinger/Cicero pour L’IJ
Yi, Mayas, Dinkas
Loin de la folklorisation show-business, il les aime, ces farouches premiers hommes, ces nations confettis, ces micro-peuples d’une préhistoire conservée et sous les pieds desquels brûle la terre empoisonnée. La forêt se recroqueville, les eaux deviennent boueuses, les intérêts économi ques et les raisons d’Etat font compresseurs. Pierre de Vallombreuse ne s’attarde pas sur ces hommes premiers. Certains sont de-venus des amis, d’autres lui ont formellement demandé à ne pas être photographiés. « Non par superstition ou croyance, mais parce qu’ils veulent qu’on leur fiche la paix. Heureusement, il existe encore de petits morceaux d’inconnu sur la planète. » Pas de shoot again ou de zoographie des tribus, le photographe s’est forgé une carapace éthique pour ne pas « touristifier » ses images. Même s’il conçoit des sujets pour Géo et pour des journaux à grand tirage, il a cofondé, avec Emmanuel Garrigues, l’association Anthropologie et photographie, sous les auspices de l’université Paris VII. Emmanuel Garrigues : « L’ethno-photographie est une discipline qui se propose de définir, de préciser et d’appliquer les règles les plus rigoureuses à l’utilisation de la photographie dans les sciences humaines. » Il faut avoir les nerfs solides dans les situations de guerres sauvages. Lorsque des peuples minuscules sont agressés, on ne s’embarrasse pas de Convention de Genève. « Au Chiapas, les massacres de Mayas par l’armée et la police m’ont particulièrement horrifié », commente-t-il sobrement. De même, les bombardements des Dinkas au Soudan restent un cauchemar vivace. Mais Pierre de Vallombreuse a aussi mesuré les capacités de résistance de ces petites nations, et leurs stratégies de survie. Celles qui ont une tradition guerrière s’en sortent mieux que celles dont la culture a été dénaturée par le tourisme, l’alcool et les violences. « Les Yi, peuple tibéto-birman, sont 6,5 millions et tiennent la dragée haute au pouvoir central. » Pierre de Vallombreuse se sent un peu perdu lorsqu’il réintègre, six mois par an, son appartement du IV e arrondissement de Paris. Le quartier s’est peu à peu vidé de ses artisans. « Il y a à peine un quart de siècle, tout le monde se connaissait. J’étais le petit photographe du quartier. » Et puis, il se sent à la fin d’un cycle. A force de fréquenter des hommes en sursis, la cendre de ses photos est comme une pluie noire annonciatrice de catastrophes. Il voudrait léguer ces milliers d’images à une photothèque universelle, qui promettrait au moins l’éternité et la tranquillité à ces 5 000 peuples cernés par l’univers électronique. Et puis repartir, extraire le dernier suc de ces « hommes-racines » avant qu’ils ne s’effacent. « C’est l’homme qui est en danger, pas la terre. Même vitrifiée et polluée, elle continuera de tourner avec des rats et des cancrelats. » Pierre de Vallombreuse, ou le dernier des Mohicans ? Itinéraires à La Maison des Métallos, 94, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris, du 19 novembre au 17 décembre 2008.www.maisondesmetallos.org Pierre de Vallombreuse