Grief, la revue du droit qui aime la castagne
Publié le 22 juin 2014 par Les Influences
Pour ses concepteurs, la discussion contentieuse est un élément-clé de la réflexion du droit
Société. Plafonnement de l’impôt sur la fortune, circoncision, mariage pour tous, conception du nouveau Palais de justice, affaire Marcela Iacub-Dominique Strauss-Kahn, Justice pénale internationale… Vous souhaitiez un peu de sérénité juridique dans ce monde de brutes ? En ce cas, à lire les thèmes affichés par cette nouvelle revue »des mondes du droit » (éditions Ehess/Dalloz), passez absolument votre chemin, détournez-vous le plus vite possible de Grief !
« Un grief n’est pas seulement une plainte mais plutôt une raison de se plaindre »
Dans leur éditorial, les deux concepteurs et directeurs d’études à l’Ehess, Olivier Cayla et Rainer Maria Kiesow, annoncent la couleur tonique du projet : » Il s’agit d’offrir une place à la réflexion, la polémique, la dispute dans les mondes du droit. » L’ambition de Grief est d’introduire « la perspective de la discussion contentieuse« . La revue se veut la scénographie même d’un procès, où se déploient l’esprit de dissension et l’intensité du combat judiciaire. « Un grief n’est pas seulement une plainte mais plutôt une raison de se plaindre, qui implique alors l’idée d’un droit préexistant qui a été lésé, ignoré, bafoué. Pour qu’il y ait grief, il faut qu’il y ait déjà du droit. Par l’expression d’un grief, on se plaint, certes, mais on fait aussi valoir l’espace possible d’un droit qui sert avant tout d’ancrage argumentatif à la justification de la plainte. Pas de grief sans droit, donc. Mais, à l’inverse aussi, pas de droit sans grief. »
La revue qui allie le droit et le grief tente aussi de varier ses angles d’attaque et de faire intervenir d’autres disciplines (sociologie, histoire, architecture, philosophie) dans cette saine dispute. Dans cette première livraison, le différend (nom d’une rubrique) est nourri par les réflexions sur la conception même d’un Palais de justice. Les études de cas, elles, raniment les braises du débat, que ce soit pour juger les crimes de guerre dans une guerre « toujours juste par définition« , ou pour apprécier les limites de « l’ordre judiciaire face à l’ordre littéraire », quand il faut juger la calomnie colportée par un roman.
Certes, les articles sont d’inégale qualité, que ce soit dans leur démonstration comme pour leur écriture, mais la jubilation intellectuelle, elle, se trouve électrique à toutes les pages. Et rien que pour ça, on n’en tiendra ni rigueur ni grief.