Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#André Franquin #Editions Dupuis #Gringos Locos #Jijé #Morris #Olivier Schwartz #Yann

Jijé, Morris, Franquin : la ballade des fous

Publié le 14 mai 2012 par

Gringos Locos: un album controversé retrace le voyage initiatique aux USA et au Mexique de trois maîtres de la bande dessinée belge

Enfin ! L’ album, Gringos Locos, est de sortie. Une iconoclasterie en travers de la gorge : lorsque Isabelle Franquin, fille d’André Franquin (1924-1997), et les enfants de Joseph Gillain dit Jijé (1914-1980) ont pris connaissance de la bande dessinée Gringos Locos, prépubliée dans le journal Spirou, ils ont tiqué sérieusement. Emoi, branle-bas de combat. Isabelle Franquin s’insurge dans les pages Culture du grand quotidien belge, Le Soir, et déplore la teneur de cette BD : le scénariste Yann (1954) et le dessinateur Olivier Schwartz (1963) n’ont pas respecté les faits, ni leurs illustres maîtres. Les deux auteurs ont mis en scène un voyage mythique dans le petit monde de la bande dessinée francobelge, à savoir le séjour quasi iniatique de ceux qui deviendront des monstres sacrés, Joseph Gillain (Jerry Spring), Maurice de Bévère dit Morris (1923-2001; Lucky Luke) et André Franquin (Spirou, Gaston Lagaffe) aux Etats-Unis, et finalement au Mexique de 1948 à 1950.

En janvier 2012, l’album est tiré à 45 000 exemplaires, mais se trouve bloqué car les ayant-droits se braquent. Voilà le projet condamné dès son premier tome. Un gentlemen agreement entre l’éditeur et les héritiers décide d’un « droit de réponse » diffusé avec l’album. Le long entretien pour faire passer la pilule éditoriale n’enseigne pas grand chose, et la prise de distance tartuffe recommandée au lecteur ne sert strictement à rien.

Une forme d’immortalité : les génies de la BD transformés en génies dessinés

Gringos Locos est passionnant, joyeux et enlevé. Toute l’astuce et parti-pris de Yann (qui a mis la main à la pâte de quelques scénarios de Lucky Luke et de Spirou) sont de faire de ce voyage fondateur, un hommage au genre tout entier. Par précaution comme pour information de son projet, il a même mis soin de mettre en exergue, le conseil du cinéaste John Ford, soufflé dans L’Homme qui tua Liberty Valance : « quand la légende est plus forte que la réalité, il faut imprimer la légende« .
Là où les vrais enfants et héritiers de ces trois créateurs de la bande dessinée belge des années 1950-1970 s’ingénient à faire perdurer leur patrimoine, ces enfants de la culture de masse que sont Yann et Schwartz transforment ces génies de la BD en génies dessinés. Une forme d’immortalité.
On y voit un trio de comédie américaine digne des années cinquante dans l’Arcadie imaginaire qu’est la culture US et plus original, celle du Mexique. Leur but est de se faire embaucher par les mythiques studios Disney, mais tout comme dans la réalité, le rêve se brise rapidement, et il faut bien continuer à rêver. Ce que ces Marx Brothers belges savent très bien faire, notamment aidés par la démesure mexicaine. « L’hénaurme » Joseph Gillain, dépeint à la fois comme un joyeux drille caquetant en bruxellois et catholique biographe de Don Bosco, correspond d’assez loin, c’est le moins que l’on puisse concéder, aux entretiens et à la documentation disponible sur sa vie, mais son avatar rappelle toute la vitalité, la fantaisie, la générosité concentrées dans ses oeuvres. De même l’apathie sourde et les idées noires prêtées au mélancolique André Franquin de papier font résonner la terrible dépression qui handicapera une grande partie de la vie du plus génial des dessinateurs de l’après-guerre. Quant à l’imaginaire Maurice de Bévère, alias Morris, son dandysme caricaturé se veut le reflet de l’élégance de son trait. Ce qu’offre ce premier volume de Gringos Logos n’est pas un mémorial hagiographique de papier, mais plutôt un hommage truffé de références à la BD européenne du XXe siècle.
Il est également le symptôme illustrant pour ainsi dire le statut de la BD : non pas un art, pas plus qu’un média d’information, mais une enfance qui délicieusement ne passe pas.

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