Street art et orfèvres du quai 36
Publié le 12 juin 2015 par Jean-Luc Hinsinger
Non à la grisaille du train-train ! Oui à une vie tout en couleurs ! 16 artistes urbains font la bombe sur les quais de la gare du Nord.
Pour les résidants du Val-d’Oise, autrement dit du 9.5, fervents adeptes de la ligne H transilienne, le quai 36, terminus de la gare du Nord, est un compagnon de tous les jours… Anonyme, fade, transparent, le voyageur ne lui prête plus guère attention, pressé d’enfiler couloirs et portiques, d’avaler marches et escaliers mécaniques, d’esquiver barrières et vendeurs à la sauvette, de s’engouffrer dans le métro ou le RER, de sauter sur un vélib ou dans le bus… La pendule, Madame, Monsieur, est une maîtresse exclusive ne tolérant aucune incartade.
Une bande d’irréductibles optimistes en a décidé autrement. Au fil des allers et retours Paris-périphérie, les rencontres se nouent, les affinités se créent, le monde se refait encore et toujours. Oasis au cœur d’une société à l’individualisme conquérant, leurs échanges donnent naissance au collectif Quai 36. Du nom de ce quai, fidèle témoin de leur enfance, de leur adolescence, de leurs joies et peines, de leurs espoirs… C’est le conte de fée d’une fin de printemps prometteuse d’un été lumineux.
Le collectif Quai 36, c’est une quinzaine de filles et de garçons, partagés aujourd’hui entre Paris et sa banlieue. C’est le symbole même du Grand Paris devenu réalité tangible et active, faisant fi des atermoiements de la galaxie politicienne.
En 2013, le projet d’investir le domaine public par des événements artistiques est lancé. Il était évident que la première manifestation se tiendrait sur les lieux mêmes de la naissance du collectif. Deux années durant, les rendez-vous s’enchaînent, les dossiers s’affinent, s’enrichissent… Ne craignant aucun obstacle, stoïques face aux embûches, rien ne peut entraver leur volonté. L’enthousiasme, la précision du collectif s’avéreront certes communicatifs mais surtout convaincants.
Qui dit conte dit prince charmant. Il prend les traits de Sylvain Bailly, responsable du pôle culture de Gares & Connexions, bluffé par le professionnalisme du dossier présenté et le dynamisme de l’équipe. Mais qui dit conte, dit également bonne fée. Bling !, voici Véronique Mesnager et sa pépinière d’artistes.
Printemps 2015, le projet concrétisé est sur les rails. « Quai 36 – Art résidence », géré (budgets), organisé (choix des artistes), programmé (emplacements, timing) par les véritables « postulants en doctorat événementiel » que sont devenus ces « collectivistes ». Le voyage peut démarrer fin mai. Premier arrêt avec Jana & JS aux pochoirs pour une arrivée à destination fin juin-début juillet avec les bombes aérosols de Tourone.
Parité naturelle, évidente, elle semble couler de source tant dans le collectif que dans l’ensemble des artistes participants. Toutes les œuvres sont l’occasion de performance « live » tout au long de la manifestation*.
On peut croiser dans les couloirs de l’enchevêtrement métro-rer-francicien-thalyesque et principalement sur le quai 36, un Jerome Mesnager particulièrement inspiré avec un tableau associant les univers de Metropolis (« Le médiateur entre le cerveau et les mains doit être le cœur » ) et du Charlot des temps modernes ; SP38 égrenant ses slogans manuscrits, trait d’union entre ses deux pôles d’activité parisiens et berlinois ; Jana & JS dont l’émotion ne se laisse pas submerger par l’urbanité; Sollylaisse et son univers faussement acidulé ; Levalet qui nous transporte dans ses histoires de valises ; Lou Massai et Pioc ppc, ardents défenseurs des espèces animales en voie de disparition ; et B-Toy, Adey, Artiste-Ouvrier, Fafi, Koralie, Dourone Ilustración, Kool Koor…
Du pochoir au pinceau, de la bombe au marqueur, ces artistes, parisiens, toulousain, barcelonais, normands, new-yorkais ou londonien, constituent un casting de premier plan, le quai 36 mérite bien le label « Quai des Orfèvres » !
* Programme complet sur http://quai36.org/
www.youtube.com/watch?v=GfNYqchGoQU&feature=youtu.be