Influences (n. fem. pluriel)
  1. Fluide provenant des astres et agissant sur la destinée humaine.
  2. Action exercée sur quelqu’un.
  3. Action exercée sur quelque chose.

Les Influences

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#Ava Gardner #Editions Denoël #F.G. Haghenbeck #John Huston #Martini Shoot

Un Martini Shoot, sinon rien !

Publié le 23 septembre 2011 par

Un polar embué d’alcool dans un Mexique inachevé, avec les ombres de John Huston et d’Ava Gardner.

martini.jpg «  Martini iguana, 6 onces de gin 5 gouttes de tabasco 2 à 3 gouttes de jus de citron vert 1 crevette décortiquée et braisée.
Passer le gin, le tabasco, le jus de citron et les glaçons au mixeur. Servir dans un verre à cocktail. Décorer d’une crevette, d’une tranche de citron et accompagner du tube de la culture surf des années soixante, Surfin’Bird des Trashmen.
Ce cocktail est né dans les années soixante à Puerto Vallarta, alors que l’endroit était en passe de devenir l’un des principaux centres touristiques du Mexique suite au tournage de La Nuit de l’iguane de John Huston. (…) Le créateur du cocktail est un restaurateur local qui commença par tenir un stand de fruits de mer braisés ‒ d’où la crevette. Il inventa ce mélange en l’honneur d’un client assidu qui travaillait comme chef de la sécurité sur le tournage en plus d’être un surfeur accompli.
 » Début du 26ème et dernier chapitre de Martini shoot. Le surfeur chargé de la sécurité est le narrateur, dépité par l’aventure qu’il nous a racontée.

Martini Dry

Américain par excellence, le Martini dry est le cocktail le plus connu au monde, et les films américains sont gourmands de ce drink. Originalité de Martini Shoot, à chaque début de chapitre est attribuée la recette d’un cocktail explosif, les plus célèbres sont le bloody mary et le daïquiri du nom d’une plage proche de la Havane, boisson favorite des déjeuners de John F. Kennedy, le plus inhabituel le raicilla à base de mescaline, distillé illégalement, qui fait dire à Richard Burton que c’est pour ça qu’on se sent si léger. Avec chacun de ces cocktails, du plus simple aux plus élaborés (Zombie, Mint julep, Margarita, Cuba libre, Tequila et sangrita façon Jalisco, Ouragan, Gimlet, Hank-panky, Tom collins, Lolita, Russe blanc, Side-car, Lagon bleu, Negroni, Mojito (rhum, citron vert, feuille de menthe, eau pétillante, cher à Nat King Cole, Pablo Neruda, Brigitte Bardot, Errol Flynn qui s’en régalait sur l’air de Maracaibo écrit Haghenbeck, Manhattan, Kamikaze, Pina colada, Mai tai, Sangrita façon Texas, Salty dog, Gibson), leur histoire, leur origine, une suggestion musicale pour accompagner la dégustation… et les éventuelles références littéraires ou cinématographiques. La brièveté des chapitres dissuade d’appliquer à la lettre l’idée d’accompagner la lecture de tous ces cocktails !

Le fil de l’histoire

1963. Qui a vu La Nuit de l’iguane a en mémoire les rhum cocos d’Ava Gardner. Tourné à Mismaloya, près d’une longue plage de sable, avec une langue de jungle trempant dans la mer, écrit John Huston dans son autobiographie, on voit que Puerto Vallarca n’est pas dans le film la ville touristique qu’elle est devenue. Sunny Pascal est engagé par le producteur Ray Stark pour veiller à la sécurité d’une troupe d’agités aux nerfs sensibles. Cinq pistolets plaqués or, chargés de balles en argent, sont offerts aux vedettes. Dérive imprévue, Burton confie à Pascal la mission de retrouver une bague volée à Liz Taylor… pâtisserie française en bikini rose entourée de ses chiots. Étrangère au film, mais présente sur les lieux, elle est ici un personnage au premier plan.

Du film, nous ne verrons rien, et le cinéphile curieux restera sur sa soif. Rencontre fracassante avec le réalisateur de La Red, Emilio Fernandez, derrière le bar dans le film, allongeant un pain entre les deux yeux du narrateur, la première fois qu’il le voit, avant de l’inviter à sécher des verres. Une belle blonde, portée sur la marijuana, professeur de Sue Lyon (sortie de Lolita) est l’autre personnage attachant. La came sert les ramifications policières. Le film, dont il est peu question, est image du mal, perversité pour l’indigène. L’intérêt de Martini Shoot n’est pas dans l’intrigue policière, il tient dans le regard du Mexique encore sauvage sur ces lieux. Images d’Indiens qui ont construit les bungalows (un balcon s’écroulera), images d’Indiens regardant de la forêt l’un des leurs passé de l’autre côté.

On pourrait parler de cartoon littéraire

L’auteur est scénariste de bandes dessinées. Écriture proche de l’esprit du dessin animé. Personnages, situations et répliques virevoltantes avec effet immédiat parfois léger, effets de mots… on pourrait parler de cartoon littéraire. Le lecteur précédent de mon exemplaire ne s’y est pas trompé, laissant sur une page deux dessins au crayon de vedettes du cartoon. Disproportion du détail souvent, proche de l’imagerie enfantine… on peut penser à La Nuit du chasseur. La Cadillac fit un U parmi les broussailles. On n’entendait que les grillons et les crapauds. Bobby conduisit jusqu’à une clairière tout près de la rivière ; sur la plage quelques barques de pêcheurs et leurs amples filets déployés. Il éteignit le moteur. Les grillons et les crapauds montèrent le son. Écrit en 2006, Martini Shoot est le premier roman d’Haghenbeck traduit en français. John Huston accorde à ces revolvers sept lignes dans ses mémoires. Les rapports personnels entre les protagonistes de La Nuit de l’iguane étaient passablement embrouillés. « Richard Burton était accompagné d’Elisabeth Taylor, encore légalement marié à Eddie Fisher. Michael Wilding, ex-époux de Liz, nous rejoignit en tant qu’agent de publicité de Burton. Peter Viertel, second mari de Deborah, avait été l’amant d’Ava Gardner (…) tandis que tous les machos de la ville recherchaient les bonnes grâces de Sue Lyon, malheureusement pour eux étroitement surveillée par sa mère et son fiancé. Tout le monde se demandait ce qui allait arriver. Qui ? Avec qui ? Pourquoi, quand, comment ? Avant de commencer à tourner, j’achetai cinq revolvers plaqués or, que j’offris solennellement à Burton, à Elizabeth, à Ava, à Deborah et à Sue. Chaque revolver était accompagné de quatre balles dorées, sur lesquelles j’avais fait graver le nom des quatre partenaires de chacune de mes vedettes. (…) Il y eut bientôt plus d’envoyés spéciaux que d’iguanes, un flot incessant de reporters. (…) Ils attendirent en vain. Il n’y eut pas de feu d’artifice. Nos vedettes filaient le parfait amour. Tornade dans un verre de gnole… les revolvers ne furent que cadeaux gadgets souvenirs !… » et Haghenbeck de broder !

Huston, pour finir le chapitre sur La Nuit de l’iguane, écrit dans John Huston par John Huston : « Aujourd’hui, sur les lieux où nous avons tourné le film, rien ne reste sinon des décombres et le vieil hôtel où logent un fossoyeur mexicain et sa famille. Parfois un touriste, monté de la plage de Mismaloya, s’aventure jusque-là. Sinon, tout est solitude et silence. La jungle, lentement, ensevelit les pans de mur et les gravats. Seul un vieux bonhomme, qui passe par là entre Las Caletas et Vallarta, semble se souvenir de ce qui s’est passé là, et souhaite que les lianes et les iguanes y reprennent tous leurs droits. Ce vieux bonhomme, bien entendu, c’est moi. »

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