Tonton Academy
Publié le 6 juin 2011 par Les Influences
Ligne de départ : 10 mai 1981. Ligne d’arrivée provisoire : janvier 2011. Avec « Génération Tonton » (Don Quichotte Editions), Emmanuel Lemieux entreprend l’enquête chorale d’une quarantaine de people ou d’inconnus qui avait vingt ans lors de l’élection de Mitterrand. Génération foutue ?
Tonton, pourquoi tu tousses ? Sur le modèle du « Génération » de Hamon et Rotman, le journaliste Emmanuel Lemieux (et rédacteur en chef de lesinfluences.fr ) a entrepris de décrire la « Génération Tonton », celle qui avait dix-huit-vingt ans en 1981 et qui, par la force des choses, en a désormais cinquante. Comme ces prédécesseurs, Lemieux a interviewé un certain nombre de représentants de cette classe d’âge (trop, peut-être, c’est le seul reproche que l’on pourrait faire à son ouvrage) pour tisser le récit balzacien des années 80 et 90. Certains sont connus tels Michel Onfray, Eric Naulleau, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon ; d’autres sont légendaires (comme Myriam, le mannequin de la pub « Demain, j’enlève le bas » ou encore Batskin, le skinhead d’extrême droite qui terrorisait le quartier des Halles) ; d’autres témoignent de leur simple expérience, telle Marianne Cabaret Rossi, prof et cofondatrice de RESF. Tous racontent les événements historiques qu’ils ont vécu : la gauche au pouvoir, la mort de Malik Oussekine, la chute du mur de Berlin, la guerre en Yougoslavie… Et, avec tous ces lambeaux de vies individuelles et collectives, ces étoffes de rêves accomplis ou non, Emmanuel Lemieux coud le roman d’une génération mal considérée qu’autrefois, Le Nouvel Obs avait surnommé avec beaucoup de dédain « la bof génération » ou encore la génération Caliméro, du nom de ce personnage de dessin animé qui disait toujours : « c’est vraiment trop inZuste ».
Le refus du pouvoir
Une génération de losers, comme le déclare Onfray dans le livre : « Notre génération n’est pratiquement pas au pouvoir, que confisquent les anciens combattants de Mai 68, et elle n’est plus en âge d’y accéder, parce qu’une autre génération attend sa place et son tour : elle ressemble au prince Charles, coincé entre la Reine mère et ses propres rejetons turbulents ». Toutefois le portrait que trace Lemieux de cette génération est sans doute plus précis que cette déclaration à l’emporte-pièce de Michel Onfray.
Qui sait ? La « génération Tonton » est peut-être aussi la première génération à n’avoir pas désiré le pouvoir au même titre que les autres, la première à s’être consacré de gré ou de force (notamment du fait de l’allongement de la vie) à des choses plus vitales, plus importantes et précieuses que ce sacro-saint « pouvoir » que les soixante-huitards ont pris et conservé de force, jusqu’au cynisme et à la sénilité ambiante.